Sculpture monumentale antique
Parmi les précieux sites archéologiques de la Jordanie, la cité de Jérash connaît son apogée sous l’occupation romaine. Ses nombreux vestiges portent la trace du passé polythéiste du pays. Des temples dédiés à Zeus et Artémis alternent avec d’exceptionnelles colonnades ainsi qu’une vingtaine d’églises. Au cœur d’un groupe d’églises byzantines du IIIe siècle, les Trois églises, l’église de Saint-Côme et Saint-Damien présente au sol de remarquables mosaïques d’animaux.
Entre influences orientales et hellénistiques, la cité perdue de Petra fait corps avec son environnement. Sur le site occupé dès la préhistoire, une ville se développe sur une vingtaine de siècles avant notre ère. La civilisation nabatéenne lui donne toute sa grandeur, et en fait un véritable ensemble monumental sculpté. Tombeaux royaux et façades sculptées se détachent de cette immensité de grès rose. Parmi les points d’orgue du site, Al-Khazneh (le Trésor) se révèle au bout d’un étroit canyon. Devant le « Trésor », immortalisé par Indiana Jones, on ne peut que ressentir un profond respect. Plus loin, au sommet d’une volée de 850 marches, le monastère (Ad-Deir) conjugue styles hellénistique et arabe. Après la période byzantine, Petra est lentement délaissé, puis tombe dans l’oubli à la fin du Moyen Age.
Le musée archéologique d’Amman, The Jordan Museum, retrace l’histoire de la terre du Jourdain, de la préhistoire à l’Empire ottoman. Sculptures et frises sculptées complètent la collection d’objets. Ne pas manquer les statues d’Ain Ghazal datées de 6 000 av. J.-C.
Site d’envergure, Umm Ar-Rasas, sur la Route du Roi, couvre une longue frise chronologique allant du IIIe au IXe siècle apr. J.-C., c’est-à-dire de la période romaine au début de l’islam. Les seize églises du site abritent des mosaïques d’une qualité technique et stylistique stupéfiante. Citons le sol en mosaïque de l'église Saint-Etienne orné de cartes de plusieurs villes de l’ancien Empire byzantin. Dans d’autres églises, des sujets végétaux ou animaliers alternent avec des motifs géométriques. Encore peu fouillé à ce jour, le site est d’ores et déjà inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.Art de la mosaïque
Parmi les innombrables influences qui se sont succédé sur les terres jordaniennes, celle de la mosaïque byzantine a laissé une fort empreinte à Madaba. Ce sont en effet les Byzantins qui ont introduit l’art de la mosaïque dans les lieux de culte. A tel point que l’on surnomme Madaba, la « Ville des Mosaïques ». C’est ici que l’église Saint-Georges abrite la célèbre carte de la Palestine, une mosaïque datée de l’an 560. Cette composition richement colorée représente la terre biblique, des bateliers voguant sur le Jourdain, la ville fortifiée de Jérusalem, la Mer Morte. Cette carte découverte en 1897 apporte un éclairage rare sur la Bible et ses sources. Elle est même considérée comme le plus grand trésor archéologique de toute la Jordanie.
L’art de la mosaïque a ceci d’exceptionnel qu’il se conserve étonnamment bien, comparé aux fresques et autres supports peints. Développé par les Grecs, il est repris par les Romains puis les Byzantins pour orner les édifices religieux et les espaces privés. Les fouilles archéologiques révèlent régulièrement des mosaïques d’un grand raffinement à Petra ou encore à Amman, Jérash ou au Mont Nébo. Cet art devenu traditionnel en Jordanie continue d’être enseigné et pratiqué avec talent à Madaba. Madaba, avec ses artisans et son école de mosaïstes fondée en 1991, symbolise parfaitement le renouveau de cet art en Jordanie. En collaboration avec l’Institut de Ravenne (Italie), des travaux de préservation sont entrepris par des experts en restauration.
A travers la ville, plusieurs centaines de mosaïques datées du Ve au VIIe siècle peuvent être admirées. Eglises et demeures présentent des motifs floraux et animaliers, aussi bien que des scènes inspirées de la mythologie ou du quotidien. La ville, restaurée avec une forte volonté d’authenticité s’explore en une demi-journée. Après l’église Saint-Georges, la visite se poursuit par la mosaïque centrale de l’église de la Vierge Marie. Au cœur de la série de mosaïques de l’église des Apôtres, l’allégorie de la mer montre une sublime déesse qui jaillit des flots parmi une faune aquatique foisonnante. La plus ancienne mosaïque de toute la Jordanie, celle de Machéronte orne le sol de la forteresse de Machéronte. Datée du premier siècle avant Jésus-Christ, elle est bordée de vagues stylisées.
Le Musée archéologique de Madaba invite à se familiariser avec les diverses facettes de la culture byzantine : sculpture, icônes, céramiques.Culture omeyyade
A partir du VIIe siècle, la culture musulmane et arabe devient prépondérante dans la région du Jourdain.
Les décennies qui suivent le décès du prophète Mahomet (survenu en 632) voient s’affirmer la dynastie omeyyade qui règnera entre 661 et 750. La culture omeyyade demeure imprégnée de traditions byzantines, auxquelles se mêlent des codes sassanides (Empire iranien) et arabes. L’art omeyyade coïncide avec l’émergence des arts de l’islam. Le « petit palais » ou Qasr Amra compte parmi les châteaux du désert de l'Est jordanien. Ancien lieu de villégiature des princes et califes, il est orné de fresques à motifs figuratifs, reconnues comme le plus bel ensemble de cette époque. On peut notamment se plonger dans des scènes de chasse montrant des espèces de mammifères aujourd’hui disparues. Dans les bains, une multitude de thèmes sont illustrés : nus féminins, pouvoir, cartes astronomiques, travaux des mois.
D’autres palais abritent des sculptures. Femmes voluptueuses et hommes de pouvoir dûment armés sont représentés en ronde-bosse ou dans des bas-reliefs. Peu à peu, des caractéristiques propres à l’art islamique font leur apparition. En particulier, la calligraphie commence à être utilisée à des fins décoratives.Vers le modernisme
Le goût orientaliste se répand en France au début du XIXe siècle. En 1822, le peintre Eugène Delacroix explore le Maroc et rapporte des croquis, des scènes de vie, des couleurs qui stimulent l’imaginaire. A sa suite, de nombreux artistes traverseront la Méditerranée. En 1868, les peintres Gérôme et Bonnat, ou encore le photographe Goupil suivent « la caravane des peintres français » destinée à dépeindre les paysages perçus comme exotiques, tels que le Sinaï ou la cité de Pétra. L’histoire raconte que des pluies diluviennes les ont empêchés de rapporter des dessins satisfaisants.
Scène contemporaine
Depuis la fin des années 1970, l'art contemporain se fait une place dans le monde arabe. En Jordanie, celui-ci a véritablement commencé à être pris au sérieux avec la création de l'association des artistes jordaniens, en 1978, puis l'ouverture en 1980 de la Galerie nationale des Beaux-Arts à Amman, la Jordan National Gallery of Fine Arts. Parmi les artistes marquants, le peintre Adnan Sharif Jordan (1949 – 2009), la sculptrice Katia Tal, ainsi qu’Osama Khaildi (1932-2010) dont les formes épurées rappellent la calligraphie, l’art digital de Ghadeer Saeed et le photographe Bashar Alaeddin. Né en 1981, Alaeddin propose, en parallèle de photographies plus policées, des paysages nocturnes aux notes intemporelles.
En 2002, un collège des Arts et du Design s’ouvre à l'université de Jordanie. Dans sa continuité, la Amman Design Week présente tous les ans la diversité de la création jordanienne.
Autre vitrine pour les talents du monde arabe et de la Jordanie en particulier, le centre culturel Darat Al-Funun, situé dans le quartier Jabal Weibdeh à Amman. Il se compose de six splendides villas du XIXe siècle disposant d’une vue imprenable sur la ville, d’un site archéologique, d’un café et d’une bibliothèque. Le lieu agit comme une véritable plateforme dédiée aux artistes arabes contemporains, et organise des échanges dans ce but.Street-art
La Jordanie est l’un des rares pays du Moyen-Orient à tolérer le street-art. Même s’il reste préférable de solliciter une autorisation municipale. Depuis une petite dizaine d’années, cette forme d’expression n’est toutefois plus considérée comme du vandalisme. A ses débuts, l’art des rues tournait essentiellement autour de citations et de phrases, à tel point qu’il était surnommé « littérature des rues » : messages sportifs, publicitaires ou culturels, phrases philosophiques ou humoristiques s’entrecroisaient. Soudain, des fresques colorées ont été déployées sur les murs. Murs, plafonds, escaliers, tout est devenu un support utilisable. Les vieux quartiers, Djebel Amman et Jabal Weibdeh, ont été les premiers à se couvrir d’œuvres. Peu à peu, le street-art a su se faire respecter.
A Amman, la jeune génération secoue les codes et porte le débat social sur les murs de la ville. Elle glorifie ainsi sa mixité culturelle : Irakiens, Syriens, Palestiniens, communistes, féministes, mouvements LGBTQ et activistes politiques se partagent les murs de la ville.
Pour ces artistes, l’aspect esthétique reste secondaire. L’art des rues représente avant tout pour eux le meilleur moyen d’exprimer des idées sans trop se mettre en danger. Yazan Mesmar est l’une des street-artistes phares de la scène locale. Elle s’est donné pour mission de moderniser l’image de la société jordanienne. Apporter plus de couleurs et de gaieté est pour elle essentiel. Le gouvernement pose toutefois des limites. Interdit d’évoquer la religion ou la sexualité ; prudence avec la politique. Ces lignes rouges stimulent la créativité des artistes contraints de recourir aux métaphores ou aux suggestions. Quand les limites sont franchies, les autorités n’hésitent pas à effacer les œuvres. Raison de plus pour se dépêcher de les immortaliser !Galeries d’art
Dans les années 1990, l’ouverture des premières galeries privées encourage la production locale. La première galerie voit le jour à Amman en 1991, dans le quartier d’Um Uthaina. La Foresight32 Art Gallery s’est depuis imposée comme la référence du milieu. Cet incubateur de la scène contemporaine monte des projets novateurs et interculturels. Non loin de là, en 1993, naît l’Orfali Gallery sous l’impulsion de la famille du collectionneur Ina’am Orfali. Peinture et sculpture du monde arabe, notamment d’origine irakienne s’admirent ici. Depuis 1996, l’Orient Gallery soutient les artistes arabes renommés ou émergents dans le quartier chic d’Abdoun. On peut y admirer Jamal A. Rahim, l’Irakien Serawan Baran ou encore le Jordanien Ghassan Abu Laban.
Dans une magnifique demeure de 1930, la Nabad Art Gallery, à Jabal Amman, propose un art international d’une grande diversité. Elle accueille des artistes du Pakistan à la Corée. Sa volonté d’entretenir un dialogue interculturel en fait un arrêt incontournable.
Le Corner Art Space s’est installé à Abdali (Campbell Gray Living), un épicentre de la scène artistique actuelle. Expositions, rencontres et ateliers réunissent les talents d’aujourd’hui et de demain.