Le Tagliamento : un fleuve de divisions
Le fleuve Tagliamento, long de 170 km2, n’est pas seulement le plus long fleuve de la région, mais aussi son plus important couloir écologique. Ce n’est pas pour rien que les Italiens le surnomment Re dei fiumi alpini (« le roi des rivières alpines ») : il est considéré comme l’unique cours d’eau alpin à avoir conservé sa morphologie originelle, sans modifications de la main de l’Homme, notamment sans barrage. Seulement, cela risque de changer.
Son débit torrentiel menace régulièrement les riverains, à cause de crues impressionnantes, dont l’une a fait des dégâts humains et matériels monumentaux en 1966. Les différents projets proposés pour sécuriser les rives se heurtent à une inlassable division : d’un côté, les communes en aval, Latisana en tête, très menacée par les inondations, qui votent en faveur de tout projet protégeant leurs citoyens des crues, et de l’autre, les communes alpines en amont, qui s’opposent à toute proposition menaçant l’environnement du fleuve. Seulement, c’est le plan d’Autorité du Bassin qui tranchera et le projet semble s’orienter en faveur d’un barrage au niveau de la commune de Pinzano. Cependant, l’affaire, déjà sur la table au début des années 2000, est pleine de rebondissements, notamment en raison d’une forte mobilisation des citoyens et écologistes. Affaire à suivre…
Pollution marine sur la côte
Si la qualité de l’air dans le Frioul-Vénétie julienne est plutôt bonne, à l’exception de Trieste, dont le port contribue à hauteur de 20 % aux émissions de dioxyde d’azote, les milieux marins ne peuvent pas en dire autant. En 2021, sur 10 prélèvements réalisés dans les eaux du littoral, trois dépassaient les normes légales, notamment à Muggia, aux abords de Trieste. Les trois sites pollués sont situés à l’embouchure de rivières, car elles rejettent des eaux usées. À cela s’ajoutent les rejets du port de Trieste, ainsi que les rejets d’engrais et de pesticides, dans cette région où l’agriculture occupe une place prépondérante. Les déchets représentent également un problème, alors que chaque année, on en trouve 6,5 tonnes le long de la côte de Frioul-Vénétie julienne : cela représente trois camions entiers.
La région entend bien éradiquer ce problème, notamment à travers le projet italo-croate MARLESS, étendu de 2020 à 2022. Avec ce projet, plus de 4 millions d’euros ont été investis pour trouver les technologies qui régleront le problème des déchets marins. Un autre projet, AMare FVG, vise à faire participer les citoyens au nettoyage des fonds marins. En 2020, le Canal Grande de Trieste a ainsi été intégralement libéré de ses détritus, tout comme la plage de Barcola.
Quand la sécheresse plane
Quelle ironie pour une région tellement liée à ses ressources marines, que de subir la sécheresse ! Et pourtant, voilà quelques années déjà, que l’eau vient à manquer. Des rationnements sont déjà mis en place pour économiser le précieux liquide, alors que la canicule de 2022 marque un nouvel épisode de sécheresse. Dans un même temps, la nappe phréatique baisse en continu depuis une trentaine d’années, notamment à cause de la surexploitation des ressources souterraines, alors qu’une grande partie des réserves est consommée par l’agriculture. Quant au débit moyen des sources, il a été divisé par deux depuis 1980. À l’aube de l’été 2022, le président de la région autonome du Frioul-Vénétie julienne, Massimiliano Frediga, signe une déclaration de pénurie d’eau, ce qui implique de nombreuses mesures, telles que la limitation des usages domestiques, ainsi que des lâchers d’eau depuis le barrage de Salcano, situé sur le fleuve Isonzo, pour permettre de garder les cours d’eau à flots, et ainsi d’irriguer l’agriculture tout en préservant les poissons.
Foule de méduses : symptôme d’un dérèglement
Les images ont fait le tour du monde. Au printemps 2022, une foule de méduses (Rhizostoma pulmo), si dense qu’elle forme un tapis opaque, s’est abattue sur la côte triestine. Ce n’est pourtant pas la première fois, puisque ce phénomène saisonnier se produit presque tous les printemps, en raison des températures clémentes, qui poussent les méduses en surface.
Mais la saisonnalité n’explique pas tout et l’intensité du phénomène a été absolument inédite. Il est le sommet d’un phénomène qui prend de l’ampleur depuis le début des années 2000. Si plusieurs pistes sont encore étudiées, comme l’action du vent ou la surpêche, le réchauffement climatique semble être parmi les coupables. Il augmente les températures marines pour des périodes de plus en plus longues, garantissant aux méduses une longue période de reproduction, ce qui pourrait expliquer leur prolifération.
Biodiversité : entre sommets et littoral
Des neiges éternelles des Alpes au sable fin de la côte adriatique, en passant par les plaines, la grande diversité écologique du Frioul-Vénétie julienne lui permet une incroyable biodiversité. Contrairement aux cours d’eau, les forêts de la région ont été largement modifiées par l'Homme, notamment pour faire place à l’agriculture, l’un des piliers de l’économie locale. Entre les XVe et XVIIIe siècles en particulier, la déforestation a subi un rythme effréné. Malgré tout, la région abrite plus de 3 000 espèces végétales différentes, dont certaines sont endémiques, comme l’Armeria helodes et l’Erucastrum palustre.
Faute à l’activité humaine, certaines espèces sont en danger. Toutefois, la Direction centrale des ressources agricoles, naturelles et forestières œuvre à leur protection, voire à leur réinsertion. Les efforts sont bien réels, à tel point que des espèces que l’on croyait disparues à l’échelle régionale ont fini par re-pointer le bout de leur museau, comme c’est le cas des loutres (Lutra lutra) qui, après avoir déserté la vallée du Tagliamento pendant cinquante ans, ont fini par refaire leur apparition !
Les réserves et parcs naturels
La région abrite deux parcs naturels régionaux, et de nombreuses réserves. Le premier, le parc naturel des Dolomites frioulanes, couvre les hauts sommets alpins sur une étendue de 40 000 hectares. Le territoire du parc, historiquement inhabité, est composé d’un paysage montagnard intact. Il abrite une faune et une flore remarquables, comme le très célèbre edelweiss (Leontopodium nivale subsp. alpinum) ou le tout aussi célèbre Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus), une orchidée qui fleurit de mai à juillet.
Le second, le parc naturel des Préalpes juliennes, couvre 10 000 hectares à la frontière slovène. Il est un véritable havre de paix pour de nombreuses espèces, notamment des ongulés, comme les chamois, cerfs, chevreuils ou bouquetins. Mais le symbole officiel du parc est la perdrix bartavelle, qui en a fait son fief. En plus de cela, on compte une douzaine de réserves, parmi lesquelles la réserve naturelle marine de Miramare, dans le golfe de Trieste, une zone de 30 hectares où prospère la vie marine, comme certaines espèces d’éponges, de crustacés ou de mollusques.