Guide de Vatican : Histoire

Cartes postales papales.
Cartes postales papales.
Parmi les papes qui ont marqué l'histoire

De saint Pierre à Benoît XVI, 265 papes ont gouverné l'Eglise catholique. Les médaillons en mosaïque représentant leur portrait sont tous visibles dans la basilique majeure de Saint-Paul-hors-les-Murs.

33e pape. Saint Silvestre Ier (314-335). Ce pape né à Rome a vécu la conversion de l'empereur Constantin. Il a reçu les terres du Latran où fut construit le premier palais pontifical, de même qu'il a lancé l'élévation des basiliques telles que Saint-Pierre, Saint-Jean-de-Latran et Saint-Paul-hors-les-Murs. Il a institué le dimanche comme jour de célébration du Seigneur.

64e pape. Saint Grégoire Ier le Grand (590-604). Ce pape romain a établi le nouveau Missel qui va servir pendant des siècles à la célébration de la messe, et va instituer le chant grégorien destiné à la célébration du culte divin.

96e pape. Saint Léon III (795-816). Ce pape qui fut très proche de Charlemagne, qu'il a couronné à Rome en l'an 800, a donné à l'Eglise un socle politique fort. En déclarant Charlemagne empereur, il s'assurait de la protection du souverain, notamment vis-à-vis de Constantinople. La France obtint alors le qualificatif de " fille aînée de l'Eglise " qu'elle possède toujours.

159e pape. Bienheureux Urbain II (1088-1099). Ce pape français né près de Reims a lancé la première croisade, dont on se souvient des deux branches, la pauvre menée par le moine Pierre l'Ermite, et la noble dirigée par Godefroi de Bouillon.

167e pape. Bienheureux Eugène III (1145-1153). Il a construit le coeur historique des palais du Vatican que Nicolas V viendra compléter quelques années plus tard. On note sous son règne que l'empereur germanique doit défendre le " Patrimoine de saint Pierre ", c'est à dire les territoires pontificaux.

193e pape. Boniface VIII (1294-1303). Ce pape fut l'un des premiers à affirmer avec force la suprématie du Souverain Pontife sur tous les autres monarques. Pas moins de quatre rois européens furent d'ailleurs excommuniés lorsqu'ils voulurent s'y opposer. Philippe IV le Bel envoya alors Philippe de Nogaret à la résidence papale d'Anagni où le pape fut gifflé. Boniface VIII en mourut quelques jours plus tard. Le jubilé de 1300 fut célébré pour marquer la supériorité du pape, de même qu'une deuxième couronne fut ajoutée à la tiare afin de symboliser le pouvoir temporel du pape.

196e pape. Jean XXII (1316-1334). Ce pape français a désigné Avignon comme siège apostolique où il s'est installé définitivement. Il a poursuivi l'affirmation du pouvoir temporel du pape, et créé le tribunal de la Rote romaine, juridiction qui existe encore aujourd'hui.

206e pape. Martin V (1417-1431). L'élection de ce pape met fin à la période trouble durant laquelle trois papes ont coexisté. C'est aussi le retour définitif des papes à Rome.

216e pape. Jules II (1503-1513). Il est l'antithèse d'Alexandre VI Borgia, à qui il succède après le court pontificat intermédiaire de Pie III qui n'a duré que 26 jours. Jules II est un pape vertueux qui va donner au Saint-Siège ses plus belles réalisations : le premier musée au Belbédère, les commandes faites à Raphaël et à Michel-Ange. C'est lui aussi qui s'attache les services de la Garde suisse.

220e pape. Paul III (1534-1549). C'est le pape de la Contre Réforme catholique qui convoque le concile de Trente en 1542, en réponse aux critiques de Luther. Son travail profond a permis à l'Eglise de sortir la tête haute de cette période de troubles graves. Michel-Ange réalise la fresque du " Jugement dernier " de la chapelle Sixtine à sa demande.

225e pape. Saint Pie V (1566-1572). C'est sans doute le deuxième grand pape de la Contre-Réforme. Il a rédigé un nouveau " Catéchisme " qui va servir de référence à l'Eglise pendant quelques siècles, de même qu'il va codifier la célébration de la messe selon le rite tridentin qui sera suivi jusqu'au concile Vatican II.

De 1800 à aujourd'hui, 15 papes ont dirigé l'Eglise catholique dont on trouve la description historique de leur pontificat un peu plus loin. Il s'agit de :

251e pape. Pie VII (1800-1823).

252e pape. Léon XII (1823-1829).

253e pape. Pie VIII (1829-1830).

254e pape. Grégoire XVI (1831-1846).

255e pape. Bienheureux Pie IX (1846-1878).

256e pape. Léon XIII (1878-1903).

257e pape. Saint Pie X (1903-1914).

258e pape. Benoît XV (1914-1922).

259e pape. Pie XI (1922-1939).

260e pape. Pie XII (1939-1958).

261e pape. Bienheureux Jean XXIII (1958-1963).

262e pape. Paul VI (1963-1978).

263e pape. Jean-Paul I (1978).

264e pape. Jean-Paul II (1978-2005).

265e pape. Benoît XVI (2005 à nos jours).

Chronologie
Les états de l'église

Les Etats de l'Eglise

756 > Don au Saint-Siège par Pépin le Bref de la bordure de l'Adriatique et de la Pentalope italienne. Création des premiers Etats de l'Eglise.

774 > Don par Charlemagne du Bénévent et d'une partie de la vallée du Pô.

1077 > Don par la comtesse de Toscane de l'Ombrie, de Mantoue, de Parme et de Modène. Au milieu du XIIe siècle, seule Bologne restera possession de l'Eglise.

1274 > Les Etats de l'Eglise s'enrichissent du comtat Venaissin, après remise de ces terres par Philippe III le Hardi.

1348 > La reine Jeanne de Naples vend la ville d'Avignon au pape Clément VI.

1790 > La ville d'Avignon est reprise aux Etats de l'Eglise par la Révolution.

1798 > Dépossession temporaire des Etats de l'Eglise par les troupes françaises, lors de l'avènement de la République romaine.

1800 > Restitution à l'Eglise de ses Etats.

1807 à 1809 > Nouvelle dépossession des Etats de l'Eglise par Napoléon Ier qui les incorpore au royaume d'Italie et à l'Empire français.

1860 > Les différentes étapes de la réunification de l'Italie ont pour conséquence que les Etats de l'Eglise ne comptent plus que la Comarca, c'est-à-dire Rome et ses environs.

1867 > Défaite de Garibaldi à la bataille de Mentana et retour d'une garnison française envoyée par Napoléon III. Les Etats de l'Eglise résistent.

1870 > Entrée des troupes italiennes dans Rome (20 septembre), qui est proclamée capitale de l'Italie. Il n'y a plus d'Etats de l'Eglise. Le pape est confiné dans le palais du Vatican.

1871 > Publication de la loi d'indépendance d'action religieuse.

L'Etat de la cité du Vatican

1929 > Signature des accords du Latran (11 février) créant l'Etat de la Cité du Vatican.

1929 > Promulgation de 6 textes juridiques, dont la Loi fondamentale de la Cité du Vatican (7 juin).

1959 > Inscription par l'UNESCO de l'ensemble du territoire du Saint-Siège au registre des biens culturels placés sous la protection de l'organisme international.

1967 > Réforme de la Curie romaine (15 août).

2000 > Promulgation de la nouvelle Loi fondamentale de la Cité du Vatican (26 novembre).

Des origines à nos jours
Histoire de la chrétienté

En l'an 2000, l'Eglise catholique a fêté un jubilé commémorant 2 000 ans d'histoire, allant de la naissance du Christ aux temps actuels. Bien avant 1929, date de création de l'Etat de la cité du Vatican dans son format moderne, le Saint-Siège, l'Eglise catholique, sont marqués par une succession d'événements qui les ont façonnés. Il n'a jamais été simple pour les hommes d'appliquer les préceptes du Christ au sein d'une société telle que l'Eglise, et du chemin reste encore à parcourir.

Toutefois, l'humanité de l'Eglise n'est pas une tare, comme on l'entend souvent dire. Il n'y a pas de honte liée à la nature humaine, surtout pour une religion comme le Christianisme qui annonce que Dieu le Fils s'est incarné, réellement et pleinement, et qu'il a connu l'ensemble de la vie humaine, de la naissance à la mort. C'est pour les hommes que le Christ s'est incarné, et c'est à un groupe d'hommes qu'il a choisis, malgré leur vulnérabilité, de confier la mission d'évangélisation.

L'Eglise a conscience des erreurs qui ont parfois marqué son histoire. De nombreux gestes ont été faits au XXe siècle pour les reconnaître et en demander pardon. Quand Paul VI rencontre Athénagoras, ce sont des siècles de rejet entre Chrétiens qui sont oubliés. Quand Jean-Paul II s'agenouille devant le mur des Lamentations à Jérusalem, il y glisse une prière majeure pour le dialogue interreligieux : " Dieu de nos pères, Vous avez choisi Abraham et ses descendants pour amener Votre nom aux nations : nous sommes profondément attristés par le comportement de ceux qui dans le cours de l'histoire ont fait souffrir Vos enfants et nous demandons Votre pardon. "

La doctrine de l'Eglise catholique est aujourd'hui moins fondée sur les idées platoniciennes et augustiniennes qui ont trop opposé l'âme au corps, et donc la divinité à l'humanité. C'est dans l'histoire que Dieu a rencontré les Hommes et qu'il leur a révélé son message du Salut. L'Eglise catholique du XXIe siècle assume donc son histoire et continue de l'écrire.

Les persécutions romaines. En moins de cinquante ans après la mort du Messie, les nouvelles communautés chrétiennes se sont implantées dans tout le nord du bassin méditerranéen, jusqu'à Rome où arrivent Pierre et Paul. Paul est emmené à Rome à sa demande ; en effet, arrêté à Jérusalem et condamné par le sanhédrin (le tribunal suprême juif), il invoque sa qualité de citoyen romain pour être jugé par une juridiction impériale. Il arrive dans le Latium en 60 et meurt décapité en 68. Quant à Pierre, c'est en homme libre qu'il arrive à Rome, où il meurt crucifié, la tête en bas, au Mons Vaticanus, sous le règne de Néron, entre 64 et 67.

Pourquoi, dans cet Empire romain formé d'une mosaïque de religions polythéistes, les chrétiens sont-ils persécutés ? La première action d'envergure menée contre les chrétiens est historiquement lancée par Néron, après le grand incendie de Rome en 64. L'empereur, accusé par ses citoyens d'être l'auteur du désastre dans la ville, répond que les chrétiens sont responsables et lance une série d'arrestations et de supplices au cours de laquelle périra Pierre.

Toutefois, le pluralisme religieux romain a des limites. La religion juive est acceptée par l'empire, de même que la secte chrétienne qui en est issue, mais un hommage doit être rendu à la personne de l'empereur. C'est ce que confirme une correspondance entre Pline le Jeune et l'empereur Trajan, alors que le fonctionnaire se trouve confronté aux chrétiens en Bithynie. " Ceux qui niaient être chrétien ou l'avoir été, s'ils invoquaient les dieux selon la formule que je leur dictais et sacrifiaient par l'encens et le vin devant ton image, que j'avais fait apporter à cette intention avec les statues des divinités, si en outre ils blasphémaient le Christ - toutes choses qu'il est, dit-on, impossible d'obtenir de ceux qui sont vraiment chrétiens - j'ai pensé qu'il fallait les relâcher. D'autres, dont le nom avait été donné par un dénonciateur, dirent qu'ils étaient chrétiens puis prétendirent qu'ils ne l'étaient pas, qu'ils l'avaient été à la vérité mais avaient cessé de l'être, les uns depuis trois ans, d'autres depuis plus d'années encore, quelques-uns même depuis vingt ans. Tous ceux-là aussi ont adoré ton image ainsi que les statues des dieux et ont blasphémé le Christ. " (Lettre X, 96.)

Il est exclu pour un chrétien de reconnaître un autre Dieu que la Trinité à laquelle il croit. Les plus téméraires parmi les croyants arrêtés vivent le martyre, c'est-à-dire, en langue grecque, qu'ils sont les " témoins " de leur foi. Les plus effrayés par la sauvagerie des supplices réservés aux chrétiens se rétractent. On les appelle les apostats, et un débat théologique concerne leur statut : peuvent-ils être réintégrés parmi les communautés chrétiennes après avoir nié leur appartenance à ces dernières ? En fait, oui, mais après une longue période de probation qui peut durer trois ans. C'est la première expression du sacrement de pénitence et de réconciliation.

Malgré les persécutions qui s'abattent sur le christianisme naissant, la religion nouvelle se développe. Après la mort de Pierre, une ébauche de structure hiérarchique de l'Eglise se dessine autour de la personne de l'Episcope, ancien nom du pape. Saint Lin, saint Clet, saint Clément Ier et saint Evariste sont les papes du Ier siècle. Mais il n'y a pas encore de primauté de l'évêque de Rome sur les autres patriarcats. Pour cela, il faudra attendre le Ve siècle.

Le christianisme reconnu : la conversion de Constantin. En presque trois siècles d'essaimage dans l'Empire romain, la religion chrétienne est embrassée par certains membres de l'aristocratie. Constantin, après sa victoire sur Maxence lors de la bataille du pont Milvius, en 312, déclare qu'il a vaincu grâce au signe de la croix. " Par ce signe salutaire, par cette véritable preuve de courage, j'ai délivré notre ville... ", annonce l'empereur au peuple de Rome. Il fait ériger une statue de sa personne, tenant dans la main une croix. Son édit de 313 libéralise le culte et rend licite la religion chrétienne.

Par ailleurs, il donne à l'évêque de Rome Sylvestre Ier, des terres sur la rive est du Tibre, à quelques pas du Colisée, non loin du mur d'Aurélien, au Latran. Il y fait construire une basilique carrée à cinq nefs ainsi qu'un baptistère.

Le palais de l'évêque est construit non loin de ces deux bâtiments. Dans le même élan, pour célébrer le culte des martyrs chrétiens, il fait ériger d'autres basiliques. Une est construite au Vatican au-dessus de la nécropole qui contient le corps de saint Pierre ; une autre sur la route d'Ostie, pour saint Paul, c'est Saint-Paul-hors-les-Murs ; et encore beaucoup d'autres, comme Saint-Sébastien, Saints-Marcellin-et-Pierre...

Les catacombes, qui sont alors au nombre d'une trentaine, sont les écrins extérieurs à la ville qui abritent les plus célèbres des saints romains. On y cultive leur culte et l'on désire se faire enterrer à leurs côtés, raison pour laquelle ces catacombes sont tellement creusées de tombes.

Les grands conciles de l'Antiquité et le schisme. Le souci temporel de la persécution étant de l'histoire ancienne, l'Eglise chrétienne, dont les sièges historiques et apostoliques sont Constantinople, Alexandrie et Rome, va poursuivre la réflexion doctrinaire que les apôtres eux-mêmes avaient inaugurée. Autrefois réunis contre l'adversaire romain qui les opprimait, les chrétiens, nouvellement libres et reconnus, vont découvrir l'adversité au sein même de leur Eglise dont ils ne sauront pas maintenir l'unité.

Vers 320, le prêtre Arius d'Alexandrie développe une nouvelle théologie en s'interrogeant sur la nature du Père au sein de la Trinité. Pour lui, seul le Père est " non engendré ", alors que le Fils ne l'est pas, ce qui conduit à considérer que le Christ ne peut pas être éternel comme l'est le Père. Cette théologie semble dire que le Fils, bien que personnage important, ne soit pas véritablement Dieu, ce qui remet en question le fondement même du christianisme. Arius est excommunié en 324, mais le développement de son idée oblige Constantin à convoquer le concile de Nicée en 325. Saint Athanase, évêque d'Alexandrie, représente l'Egypte, et est alors adoptée la formule pour désigner le Fils : " Vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père, engendré non pas créé, et par lui tout a été fait. " Athanase consacre sa vie à l'enseignement du symbole de Nicée, qui sera confirmé après sa mort, en 381, par le concile de Constantinople.

La crise initiée par l'évêque Nestorius de Constantinople, dont la théologie refuse à la personne du Christ la nature divine et donc à sa mère, Marie, le titre générique de " Mère de Dieu ", a un retentissement énorme à Alexandrie. Les rivalités entre les deux Eglises de Constantinople et d'Alexandrie, les fortes personnalités de Nestorius et de saint Cyrille, nouveau " papas " d'Egypte, exacerbent les débats.

C'est à Ephèse, en 431, que se règle la question, sous l'impulsion de Cyrille, et le concile avance la formulation que le Christ est " unifié dans sa nature " : " Dieu et homme à la fois, union sans confusion ". L'Eglise universelle tombe d'accord sur la formulation.

Peu après, un moine de Constantinople, Eutychès, en 448, cherche à développer la formule adoptée à Ephèse et insiste avec maladresse sur la nature divine du Christ, insinuant que sa divinité a pris l'avantage sur son humanité et qu'il s'éloigne ainsi des hommes. Flavien, l'évêque de Constantinople, condamne la formulation d'Eutychès, mais Alexandrie la soutient, surtout pour des raisons de rancunes politiques et de pouvoir temporel. Un concile est convoqué à Ephèse, et une incompréhension de langue entre le latin et le grec autour du mot " nature " laisse à penser que l'évêque de Rome, Léon, a abandonné le principe du premier concile d'Ephèse et la formule de Cyrille. Le pape de Rome est soupçonné de nestorianisme. Le deuxième concile d'Ephèse, en 449, réhabilite Eutychès.

Un concile est alors convoqué à Chalcédoine, en octobre 451, pour le contrer. Rome et Alexandrie pensent la même chose, mais butent sur la formulation à adopter, Alexandrie tenant à l'énonciation de Cyrille. C'est la formulation romaine que le concile de Chalcédoine retient, et l'évêque Dioscore d'Alexandrie est déposé. Par ailleurs, alors que le canon du concile de Nicée institue l'autorité de l'évêque d'Alexandrie sur l'Eglise d'Egypte, le concile de Chalcédoine attribue au siège patriarcal de Constantinople la titulature de " nouvelle Rome et seconde après elle ", faisant fi de l'histoire et des droits d'Alexandrie à détenir ce titre. L'empereur exile l'évêque Dioscore à Kharga, en Haute Egypte, et nomme un évêque à sa place ; une persécution des anti-chalcédoniens est lancée en Egypte. Les chrétiens d'Egypte regimbent : l'évêque nommé par Constantinople est assassiné en 457. Pire encore, l'Eglise d'Egypte se sépare de Rome et de Constantinople ; c'est le schisme, qui dure jusqu'à nos jours.

Le bilan de ces années de discussions théologiques est mitigé. Certes, l'évêque de Rome a réussi à imposer la primauté de son siège apostolique sur les autres patriarcats et à asseoir son pouvoir temporel sur les arcanes de l'Empire romain. Toutefois, l'Eglise, qui se construit dans son universalité, a déjà laissé de côté une partie de ses membres, une chapelle encore perdue de nos jours, ceux que l'on appelle les coptes orthodoxes d'Egypte.

L'autorité accrue du Siège apostolique de Rome

Au VIe siècle, l'autorité de l'évêque de Rome n'a pas encore dépassé celle de l'empereur. Justinien est un parfait exemple de la suzeraineté que l'empereur entend exercer sur les cinq patriarches chrétiens de son empire, à Rome, à Constantinople, à Alexandrie, à Antioche et à Jérusalem. Justinien, qui considère que c'est bien l'évêque de Rome qui est le primus inter pares, nomme et défait les papes à sa guise, comme Vigile ou Pélage. Il s'implique dans les débats théologiques de son empire et publie des édits pour faire appliquer les conclusions du concile de Chalcédoine.

C'est saint Grégoire le Grand qui succède à Pélage en 590. L'empereur et les nobles, dont le duc de Rome, sont occupés à défendre le Latium et d'autres provinces contre les Goths et les Lombards. Le pape saisit cette occasion pour occuper le terrain économique de la ville et commande aussi aux troupes qui la défendent. Il étend les possessions de l'Eglise de Rome à ce que l'on appellera, jusqu'au XIXe siècle, le Patrimoine de Saint-Pierre. Il envoie prêcher en Gaule et en Angleterre. Son souci qui va au-delà de ses territoires romains fait de lui le premier pape à considérer l'Eglise comme universelle.

Un siècle et demi plus tard, la papauté s'affirme comme puissance politique incontestable. En 756, on peut définitivement parler des Etats pontificaux, dont l'abbé de Saint-Denis vient prendre possession. L'Empire byzantin qui s'est constitué par ailleurs laisse les papes développer leur pouvoir temporel. L'omnipotence du pape devient éclatante avec le couronnement de Charlemagne, en 800. Léon III et l'empereur d'Occident forment alors une alliance dont ils bénéficient tous deux : Charlemagne écarte les velléités de Constantinople de régenter l'Eglise occidentale, et Léon III s'allie au prince le plus puissant de l'époque.

Le grand schisme d'Orient et d'Occident. A l'instar du schisme d'Orient du Ve siècle, la théologie et le dogme sont utilisés au XIe siècle à des fins politiques, pour mettre un terme, de façon brutale, a des harmonies devenues secondaires face aux ambitions des parties qui s'opposent.

C'est d'abord la rivalité entre l'empire de Constantinople et les Etats pontificaux, soutenus par la France capétienne, qui est en jeu. La question théologique de ce qu'on appelle l'affaire du " filioque ", est marginale et instrumentalisée.

Selon le Credo des conciles de Nicée et de Constantinople, la profession de foi chrétienne déclare que l'Esprit Saint procède du Père. A partir du IXe siècle, les chrétiens de Rome ont ajouté que l'Esprit Saint procède aussi du Fils : " Je crois en l'Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père et du Fils ; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes. " Le patriarcat de Constantinople réfute surtout que l'Eglise de Rome ait modifié le Credo de façon unilatérale, car placer le Fils dans une position égale ou inférieure au Père n'a certes pas beaucoup d'importance, sinon pour les théologiens de l'époque qui broderont autour de cette question des liens suffisamment inextricables pour dissimuler l'envie politique de se séparer.

En 1054, l'Eglise de Rome et l'Eglise de Constantinople font donc sécession. Pourtant, les métropoles - divisions territoriales dans la hiérarchie chrétienne - grecques restent rattachées à Rome. Ce sont les retours des croisades qui crispent les chrétiens de Grèce contre le Siège apostolique romain. Le pillage répété des trésors byzantins, la conquête de Chypre, le partage au profit de Venise de la partie occidentale de l'empire d'Orient sont trop à supporter pour les Grecs, d'autant que l'Eglise de Rome réorganise leur hiérarchie en soumettant leurs prêtres à une double hiérarchie latine. Peu à peu, les Grecs s'éloignent de Rome et s'associent à l'orthodoxie de Constantinople. C'est en 1589, après la chute de l'Empire byzantin, que le patriarcat de Russie revêtira l'autorité de l'Eglise orthodoxe. C'est une deuxième fêlure dans l'unité de l'Eglise.

Les croisades. Alors que le pape a imposé une paix quasi perfecte dans les Etats chrétiens, il est entendu que la guerre peut être menée contre les peuples qui professent d'autres religions. C'est ainsi que le début de la reconquête espagnole sur les territoires musulmans ibériques bénéficie d'une indulgence plénière du pape Alexandre II en 1063. La violence de la guerre se trouve légitimée dès lors que ce sont les ennemis de la chrétienté qui sont combattus.

Jérusalem a toujours été une destination de pèlerinage chrétien depuis l'époque romaine. La disparition de la piraterie en Méditerranée, le traité signé en Byzance et l'ouverture du pouvoir fatimide d'Egypte relancent la piété vers la ville où fut crucifié le Christ. L'invasion turque en Asie Mineure et en Syrie menace directement Constantinople. L'Empire byzantin demande de l'aide à Rome et aux Etats chrétiens. Le double sac de Jérusalem par les mêmes envahisseurs turcs seldjoukides, en 1071 et 1077, rend plus difficile l'accès de la ville aux chrétiens qu'il ne l'était auparavant sous les Fatimides.

C'est ainsi qu'est lancée la première croisade, en 1095, par le pape Urbain II, prêchée et accompagnée par Pierre l'Ermite, mais divisée en deux colonnes, l'une plus populaire, l'autre des barons chrétiens. Jérusalem est reprise en 1099 aux Fatimides qui, entre-temps, l'avaient reconquise. Sur le passage des croisés sont créés le royaume de Petite Arménie, le comté d'Edesse, la principauté d'Antioche, le comté de Tripoli, que se partagent les chevaliers occidentaux. Toutefois, considérant leur victoire comme un devoir accompli, la majorité des chevaliers quittent Jérusalem. Godefroi de Bouillon, nommé " avoué du Saint-Sépulcre ", reste sur place. Le royaume de Jérusalem est créé en 1100 et c'est son frère Baudouin de Boulogne qui monte sur le trône. Il est aussi le suzerain des autres Etats du Levant.

Une deuxième croisade est lancée en 1146 pour contrer la menace de reprise de la ville. Jérusalem capitule en 1187 au profit de Salah al-Din. Rome décide alors d'envoyer une troisième croisade, menée par Henri II Plantagenêt, Frédéric Ier Barberousse. Richard Coeur de Lion et Philippe II Auguste les remplacent en 1191. Au passage, Chypre est conquise et donnée à Gui de Lusignan, roi de Jérusalem. Un accord est conclu entre Richard Coeur de Lion et Salah al-Din en 1192 : Jérusalem demeure entre les mains des musulmans et Saint-Jean-d'Acre aux mains des chrétiens.

Les motivations des cinq croisades suivantes sont plus troubles. La quatrième est détournée vers Constantinople et est surtout marquée par le pillage des trésors byzantins, pillage qui crispera, on l'a vu, les chrétiens grecs contre Rome. La cinquième sert de justification à la précédente et essaie d'en faire oublier le désastre, mais elle se solde par la perte du port de Damiette en Egypte.

La sixième croisade, imposée à Frédéric II, tourne en une récupération à titre personnel de Jérusalem, au mépris des droits de l'Eglise, qui excommunie le souverain de la Ville sainte ! La septième croisade est dirigée par le roi de France, Louis IX, qui est fait prisonnier deux fois. Après son retour en France, Antioche tombe aux mains des Mamelouks. Saint Louis prend alors la tête de la huitième croisade, en 1267, qu'il dirige vers Tunis. Il y meurt de la peste en 1270. Saint-Jean-d'Acre tombe en 1291.

Les papes en Avignon

Le pape Boniface VIII et le roi de France Philippe IV le Bel ne s'accordent pas sur la vision hiérarchique qui doit exister entre le souverain pontife et le Roi Très Chrétien. Une série d'affrontements ponctue leurs relations, Philippe le Bel accusant honteusement le pape d'avoir écarté son prédécesseur, Boniface VIII excommuniant le roi de France et rappelant par la bulle Unam Sanctam que le successeur de Pierre gouvernait sur tous les hommes, fussent-ils rois. Philippe le Bel envoie son fidèle lieutenant, Guillaume de Nogaret, à la résidence d'été du pape, Anagni, où une querelle entre les deux hommes se conclut par une gifle donnée à Boniface VIII. Le pape rentre à Rome, où il meurt quelques jours plus tard, en 1303.

Il faut alors onze mois pour que le conclave réuni à Pérouse choisisse le nouveau pape, Bertrand de Got, qui prend le nom de Clément V. Il montre plus de tempérance à l'égard de Philippe le Bel, notamment lorsque celui-ci lui demande de condamner l'ordre du Temple. Par ailleurs, Clément V accepte de demeurer temporairement à Avignon, pour contenter le roi de France. Il s'y installe en 1309, d'autant que le pape a acquis le comtat Venaissin en 1229. Les papes s'y succèdent, de Jean XXII à Grégoire XI, qui quitta Avignon en 1376.

A la mort de ce dernier, le conclave réuni à Rome élit, en 1378, Urbain VI, qui devient subitement fou. Un nouveau pape est élu, qui prend le nom de Clément VII et qui s'installe en Avignon. La chrétienté a désormais deux papes, et un nouveau schisme, en Occident cette fois-là. Pour trouver une solution à cette situation incomparable, un concile est convoqué à Pise, en 1409, où un troisième pape est élu. Ce n'est qu'avec le concile de Constance, en 1417, qui demande au pape romain Grégoire XII de renoncer au trône de Pierre et qui dépose les deux autres papes, que le schisme prend fin. Le nouveau pape de l'Eglise catholique prend le nom de Martin V.

La Réforme

Les XVe et XVIe siècles sont profondément troublés pour l'Eglise catholique. Après le grave schisme d'Occident, dont l'origine et la conclusion se manifestent par la soumission de l'autorité pontificale à la puissance des monarques, l'Eglise doit réformer son organisation. Toutefois, les arcanes de son fonctionnement sont confiés à des juristes plus qu'à des théologiens et les systèmes complexes qui sont créés s'éloignent de plus en plus de l'esprit de l'Evangile.

Le droit pénal ecclésiastique n'échappe pas à cette emprise qu'ont alors les juristes sur l'Eglise. Toute faute commise par un catholique, qu'elle relève du for interne (privé) ou du for externe (public), doit être levée par l'absolution, c'est-à-dire le pardon de Dieu, et par une pénitence, c'est-à-dire une action de réparation. A cette période de l'histoire, les pénitences sont de vrais actes lourds à assumer par ceux qui ont commis la faute. Il s'agit souvent de semaines, de mois qu'il faut consacrer au service des plus indigents, pour prouver que le repentir est authentique.

Le " scandale des indulgences ", tel qu'on en retient la formulation, a consisté à pouvoir commuer ces actions de repentir en actions d'aumône indirecte, voire au rachat financier direct des pénitences. Toute la hiérarchie de l'Eglise s'en trouve alors compromise, puisque le droit accorde aux prêtres et aux évêques le pouvoir de pénitence sur certaines fautes, tandis qu'il réserve ce pouvoir au Siège apostolique pour d'autres plus graves. Il en est de même pour les dispenses de mariage, qui sont réservées au Grand Pénitencier, à Rome. Les pénitents affluent donc de plus en plus vers la ville du pape.

Un moine allemand du nom de Martin Luther fait alors entendre sa voix. Homme pieux qui s'est nourri des textes évangéliques des Psaumes et des Epîtres, Luther est de plus en plus convaincu du message qui, selon lui, se dégage des Ecritures. Pour lui, l'homme est en combat permanent avec sa convoitise et rien ne donne à l'homme la certitude de la grâce. Au nom de cette conviction et de la certitude absolue qu'il est dans le vrai, il alerte la hiérarchie de son Eglise de l'urgence de réformer les pratiques et la théologie catholiques. On l'écarte et, en 1517, il commence à prêcher contre la trahison commise envers l'Evangile. Il s'attaque, bien entendu, aux indulgences, qui sont à la fois l'objet de convoitise des hommes et le marchandage de la grâce de Dieu. Il refuse, en 1518, de se présenter au légat du pape et est soutenu en cela par le prince électeur de Saxe. Le pape publie la bulle Exsurge Domine, en 1520, qui l'excommunie. Ses ouvrages sont brûlés par l'empereur Charles Quint, et Luther répond en brûlant solennellement la bulle le 10 décembre de la même année. Acclamé par le Reichstag à Worms, en 1251, notamment pour ses écrits dans lesquels il prend pour cible les sacrements comme étant des moyens d'aliénation des fidèles chrétiens, il est expulsé de l'empire par les soldats de Charles Quint. Par adéquation théologique et aussi par opportunisme politique, certains princes allemands, scandinaves, hollandais, suisses et anglais embrassent la Réforme et se détournent de l'Eglise catholique.

La Contre-Réforme. C'est à Paul III que va revenir la mission de la Réforme catholique de l'Eglise dont il devient pape en 1534. Il commence par consolider les remparts contre le dogme, en réorganisant l'Inquisition en 1542 et en mettant à l'index tous les ouvrages hérétiques en Italie.

En 1545, il convoque le concile de Trente, qui va durer jusqu'en 1563 et auquel cinq papes vont travailler. Comme durant les conciles précédents, l'empereur et le roi de France veulent avoir droit de regard sur ce qui se dit et se décrète. En dix-huit ans de discussions, les pères conciliaires se transportent souvent d'une ville à une autre, en revenant finalement à Trente, au gré des pressions politiques qui leur étaient imposées.

Le concile échoue dans sa volonté de rétablir l'unité chrétienne, à la fois pour des raisons théologiques, notamment sur la question de la grâce, mais aussi pour des raisons politiques fortes. En effet, les princes nouvellement réformés ont confisqué les biens de l'Eglise dans leurs Etats et n'imaginent pas les lui rendre ou en perdre le bénéfice. Par ailleurs, en 1558, sur le trône d'Angleterre est montée Elisabeth Ière, qui n'entend pas abjurer la foi anglicane qui lui procure une indépendance totale vis-à-vis de Rome.

Néanmoins, les dix-huit ans de travaux sont un succès pour la réorganisation de l'Eglise et de la Curie romaine, et la redéfinition des dogmes et de la liturgie. Une grande figure de l'Eglise, saint Charles Borromée, neveu de Pie IV, sert d'exemple à l'application des décrets conciliaires dans l'archidiocèse de Milan qu'il dirige : clôture des monastères, création de séminaires de formation des prêtres, création de collèges d'enseignement.

Saint Pie V, qui succède à Pie IV, publie un catéchisme romain qui sera traduit en plusieurs langues et utilisé dans les paroisses d'Europe. Il publie aussi le missel romain, qui sert à la célébration de la messe, et le bréviaire, qui est utilisé pour les prières quotidiennes ; il imposera d'ailleurs une célébration liturgique unifiée pour l'ensemble de l'Eglise. La messe " tridentine " sera célébrée jusqu'au concile Vatican II. Les indulgences et les dispenses sont très largement limitées et Pie V veille aussi à limiter la rentabilité des charges épiscopales ou abbatiales, dont le meilleur exemple est la commende.

Grégoire XIII qui lui succède, et à qui l'on doit la modification du calendrier julien, est particulièrement attentif au droit canonique et à la formation des clercs. C'est au Saint-Siège que revient la création des séminaires (qui signifie " pépinière " en latin). Il réforme le Collège romain, créé des séminaires pontificaux à Vienne, à Graz ainsi qu'en Bohême et dans beaucoup d'Etats menacés par le protestantisme. Pour cela, il s'appuie sur la Compagnie de Jésus, les Jésuites, fondée en 1540 par saint Ignace de Loyola. Il institue aussi la congrégation pour les Evêques, chargée de nommer les prélats pour l'ensemble de l'Eglise. Autant d'oeuvres bénéfiques qui seront poursuivies par Sixte V et Clément VIII.

L'évangélisation du Nouveau Monde. La mission d'évangélisation du monde instituée par le Christ exhorte les fidèles de la façon suivante : " Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et de l'Esprit Saint, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé ! " (Mt 28, 19.) Après le temps de semi-échec des croisades, cette mission prend un visage différent avec la découverte de nouveaux continents. L'Eglise confie à deux Etats, l'Espagne et le Portugal, la tâche d'évangélisation et bénit leurs expéditions. Elle doit aussi arbitrer les rivalités entre les deux royaumes, qui font l'objet du traité de Tordesillas en 1494.

Avant cela, dès le début du XIVe siècle, l'action missionnaire avait commencé dans l'Empire mongol. En 1307, un évêque est nommé à Pékin. En 1311, un archevêque est aussi nommé à Sultaniah, la capitale de Perse, puis à Samarkand et dans bien d'autres villes. Les lois de l'Eglise romaine sont assouplies pour permettre au message chrétien d'être entendu dans un monde nouveau, aux cultures ancestrales, fortes et prégnantes.

Néanmoins, les missions et diocèses créés dans ces contrées musulmanes ne résisteront pas au-delà du XVIe siècle, et disparaîtront.

L'Espagne, dès 1492, sur le nouveau continent découvert par Christophe Colomb, développe l'influence catholique, crée des diocèses et nomme les évêques en vertu d'un droit de délégation accordé par le pape dans la bulle Universalis Ecclesiae. Il en est de même aux Indes, comme à Goa, où le Portugal crée des missions et des diocèses. L'Afrique est aussi évangélisée, surtout par le Portugal, l'Espagne n'y implantant que des comptoirs et des forts militaires.

Là encore, ce sont les Jésuites qui jouent un grand rôle dans l'évangélisation des peuples, dont le célèbre saint François-Xavier, qui parcourt Indes, Japon et Chine, avant de mourir de fièvre non loin de Canton. Les Dominicains ont aussi une part importante dans l'esprit des missions, et particulièrement en 1550, lors de la controverse de Valladolid, en Espagne. En effet, Charles Quint, pour asseoir juridiquement son penchant pour l'esclavage des peuples d'Amérique, met en avant que les Indiens n'ont pas d'âme. L'Eglise, qui condamne fortement ces pratiques d'asservissement, va alors dans le sens du dominicain Las Casas et ordonne au roi d'Espagne de cesser son commerce humain. L'Eglise affirme que le message du Christ mène à la liberté des hommes, pas à leur domination.

Tabula Rasa

" On ne peut penser sans émotion aux angoisses de Clément VII, le plus malheureux de tous les papes. Il voyait, du haut du château Saint-Ange, Rome saccagée par les bandes luthériennes et il apprenait que le Danemark, la Norvège, la Suède, l'Angleterre se détachaient de l'Eglise.

On lui annonçait que les Turcs avaient envahi le royaume chrétien de Hongrie et que Suleyman avait paru sous les murs de Vienne. L'Eglise catholique allait-elle être donc emportée par la tempête ? Une médaille frappée à l'époque par le pape nous montre le Christ attaché à la colonne avec cette sombre devise : posta multa, plurima restant. La profonde tristesse de ces temps a été exprimée par Michel-Ange dans les tombeaux des Médicis ; ses personnages, qui semblent avoir renoncé à toute espérance, contemplent la vie avec mépris ou s'enfoncent dans le sommeil. Clément VII crut que les menaces de l'Apocalypse allaient se réaliser et que c'était la fin du monde ; aussi, avant de mourir, demanda-t-il à Michel-Ange de peindre sur le mur de la chapelle Sixtine le Jugement dernier. C'est à ces années tragiques que remonte la première pensée de cette grande oeuvre. "

L'Art religieux après le concile de Trente, Emile Mâle, Paris, 1932.

Histoire du Vatican

Les XVIIe et XVIIIe siècles sont pour l'Eglise catholique une période d'ajustement de son pouvoir avec celui des princes d'Europe. La question protestante mène à des actes sanglants et belliqueux comme la Saint-Barthélémy ou la guerre entre l'Espagne et l'Angleterre, sous Grégoire XIII (1572-1585). Mais la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV, et les persécussions qui s'en suivent, attristent le Bienheureux Innocent XI (1676-1689), d'autant que le roi de France développe une indépendance vis-à-vis de Rome, avec la montée du gallicanisme.

Ces idées d'églises nationales plutôt que d'Eglise universelle tentent aussi d'autres Etats et certains membres de leur clergé, et c'est Clément XIII (1758-1769) qui doit combattre ces tentations séparatistes. C'est à cette période que les Jésuites sont poursuivis. Les monarques européens s'inquiètent de cet ordre qui compte plus de vingt mille membres et qui sont présents dans toutes les strates du pouvoir. Parfois alliés du pape, parfois trop enclins à une certaine forme de modernisme, l'ordre est finalement dissout en 1773. Le Souverain Pontife perd sans aucun doute un réseau important à cette occasion. Les philosophes et les Lumières répandent leurs idées, la clameur révolutionnaire se fait de plus en plus forte en France qui persécute les catholiques et ses prêtres lors d'épisodes sanglants. Rien ne sera plus pareil, en Europe, après la révolution française.

Les Etats pontificaux, le pape contre les nations. La révolution française de 1789 et la conquête d'une partie de l'Europe par Napoléon Ier sont les bases de la contestation des Etats pontificaux. Le concordat de 1801 entre la France et le Saint-Siège fait accepter par le pape la perte des biens de l'Eglise en France, ainsi que la requalification de la religion catholique comme " celle de la grande majorité des Français " et non plus comme religion d'Etat.

Pie VII accepte les termes de ce concordat, de même qu'il se rend à Paris pour sacrer Bonaparte. Les fondements de la discorde politique demeurent en coulisses du sacre, célébré le 2 décembre 1804. En effet, le dessein de Napoléon Ier est d'affirmer son pouvoir temporel sur le pape et les Etats qu'il possède. Lorsque le monarque français se proclame empereur de Rome, en 1805, il associe un acte à ses paroles en occupant le port d'Ancône, qui appartient au pape.

Pie VII ne désire ni abandonner ses Etats ni laisser le despote français se servir de ses territoires annexés pour l'aider au développement de ses guerres européennes. Le ton monte, et Napoléon Ier fait entrer son armée à Rome le 2 février 1808 et confisque les Etats pontificaux, le 17 mai 1808, au profit de l'empire. Pie VII excommunie l'empereur et est arrêté puis déporté à Fontainebleau en 1812. Battu en 1814, Napoléon Ier libère le pape, qui retrouve la possession de ses Etats, à l'exception d'Avignon et du comtat Venaissin, confisqués par la Révolution française.

Le cardinal Consalvi est chargé par Pie VII de réorganiser les Etats pontificaux. Le cardinal crée dix-sept circonscriptions qui sont gérées par des clercs. Il construit un système juridique civil et pénal unifié ainsi qu'une imposition uniformisée. Pourtant, au sein des Etats pontificaux, des groupes d'activistes nationalistes, comme les Carbonari ou les Guelfes, se développent et mènent leurs premières actions pour l'avènement d'une Italie nationale et libre.

Les papes successifs, Léon XII, Pie VIII et Grégoire XVI, affirment avec autorité leur pouvoir sur leurs Etats. Toutefois, le sentiment nationaliste se développe et la contestation du pouvoir temporel du pape s'accroît. Les Marches et l'Ombrie se soulèvent contre Grégoire XVI en 1831, et le pape demande l'aide militaire de l'Autriche, qui fait cesser la révolte jusqu'au départ des troupes autrichiennes, quelques mois plus tard. Dès lors, les Etats pontificaux ne tiennent plus que grâce à la présence militaire française. Grégoire XVI perd pied devant tant de soulèvements et s'attaque aux idées nouvelles qu'il condamne, mêlant dans un discours unique la défense des possessions de l'Eglise à des anathèmes contre toute idée de réforme ou de modernisme. L'encyclique Mirari Vos (publiée le 15 août 1832) exprime le paroxysme de la colère du pape. Par souci de protéger ses intérêts, le Saint-Siège prend le parti des monarchies absolues européennes et se coupe des peuples.

C'est un cardinal façonné dans le même moule politique que ses trois prédécesseurs, monseigneur Mastai, qui est élu pape le 16 juin 1846 et qui prend le nom de Pie IX. Toutefois, les premiers signes qu'il donne de son pontificat sont libéraux ; l'enthousiasme qu'il déclenche parmi le clergé italien le dépasse. Les prêtres italiens croient en effet que le nouveau pape sera celui du nationalisme. Pie IX doit alors affirmer, le 29 avril 1848, qu'il n'est pas ce pape-là ; dès lors, son aura ne cessera plus de diminuer parmi les Italiens. Son principal ministre est assassiné six mois plus tard devant le Parlement.

Pie IX quitte soudainement Rome et se réfugie dans le royaume de Naples, d'où il demande l'aide militaire de la France et de l'Autriche, comme son prédécesseur l'a fait. Une République romaine spontanément créée décrète que le pape n'a plus de pouvoir temporel sur Rome.

Le général français Oudinot est chargé par l'Assemblée constituante de prêter main-forte au pape : Rome est reprise aux insurgés le 3 juillet 1849. Pie IX rentre à Rome en avril 1850, mais son peuple l'accueille froidement, d'autant qu'il a déjà durci sa politique intérieure. Le souverain pontife délègue à son secrétaire d'Etat la gestion temporelle des Etats du pape.

Pendant les années 1850, l'évolution des idées politiques fait son chemin. Le président du conseil, Cavour, désire que l'Italie nationale devienne une réalité. Napoléon III, qui maintient par ailleurs ses troupes, tombe d'accord avec lui et tous deux militent pour réduire l'importance géographique des Etats pontificaux. En 1859, la France et le royaume de Piémont Sardaigne écrasent l'Autriche, qui doit abandonner Milan. Une riposte de l'armée du pape permet de reprendre la ville de Pérouse, mais le souverain pontife essuie les défaites de Solferino et de Villafranca. Pie IX est déchu de son pouvoir temporel sur le Piémont. La Sicile et Naples sont prises aux Bourbons par Garibaldi. Les Marches et l'Ombrie sont reprises au pape lors de la bataille de Castelfidardo. Le pape ne possède plus que ce qu'on appelle le Patrimoine de Saint-Pierre, c'est-à-dire Rome et le Latium. Le roi Victor-Emmanuel II, de la maison de Savoie, s'installe à Naples.

Pie IX, sur le plan doctrinal, fustige à son tour les avancées de la pensée moderniste dans le Syllabus, où sont déclinées les " quatre-vingts erreurs du temps ", au nombre desquelles, à la proposition 63, l'idée selon laquelle un peuple peut refuser l'obéissance à son prince et peut se révolter contre lui. L'Eglise s'oppose aussi à la théorie de Darwin sur l'évolution des espèces.

Préoccupé par d'autres questions, Napoléon III désire que les troupes françaises quittent l'Italie. Au préalable, en 1864, il obtient des Italiens que les territoires pontificaux soient respectés. Cet accord n'est plus tenable après le départ définitif des Autrichiens de Vénétie. Garibaldi, qui avait été contenu en 1860, marche sur les territoires pontificaux en 1867 ; Napoléon III envoie alors des troupes qui battent Garibaldi à Mentana, le 3 novembre 1867.

Pie IX profite de ce sursis pour convoquer le premier concile du Vatican, qui débute le 8 décembre 1869. La grande question débattue est celle de l'infaillibilité pontificale, qui ne doit concerner que le dogme. Cependant, le contexte politique laisse à penser que le pape veut utiliser son infaillibilité pour régler ses problèmes temporels. C'est dans une certaine confusion et avec la contestation de certains évêques que la Constitution Pastor Aeternus est votée le 18 juillet 1870.

Deux mois plus tard, après le départ des troupes françaises, le Patrimoine de Saint-Pierre est annexé par les troupes italiennes et la ville de Rome est prise au pape le 20 septembre 1870. Le pape quitte son palais du Quirinal et se réfugie au Vatican même, sur l'autre rive du Tibre. Le concile Vatican I est ajourné le 20 octobre 1870.

Le pape prisonnier de Rome. Le nouveau gouvernement italien vote les lois dites des Garanties, le 13 mai 1871. Cette loi aux allures généreuses fait du pape un simple sujet du royaume d'Italie auquel sont accordés certains droits et privilèges, comme l'inviolabilité de sa personne, le droit de légation actif et passif (droit de nommer et d'accréditer des ambassadeurs), ainsi qu'une rente. Par ailleurs, sans en être propriétaire, le pape peut jouir des palais du Vatican et du Latran.

Pie IX récuse cette loi italienne et la dénonce le 15 mai 1871 par l'encyclique Ubi Nos, qui déclare fermement au monarque de la maison de Savoie que le pape ne peut se soumettre à ce texte. Le 10 septembre 1874, le pape publie le décret Non Expedit, dans lequel il interdit à tout catholique italien de participer à la vie politique du nouvel Etat, qu'il s'agisse de voter ou de se présenter à une quelconque élection. Cette interdiction sera maintenue sous le pontificat de Léon XIII et partiellement levée par Pie X lorsqu'il s'agira de contrer un candidat subversif. Ce n'est qu'en 1918 que la prescription du Non Expedit sera annulée.

Huit ans après la perte totale de tous ses Etats et de la ville de Rome, Pie IX meurt. Dès lors, il bénéficie d'une grande sympathie de la part des catholiques, qui retiennent de ce pape sa situation de captif et d'homme qui a encouragé la dévotion à la Vierge Marie (c'est lui qui la proclame " Immaculée Conception " en 1854).

Elu par ses pairs, le cardinal Pecci succède à Pie IX sous le nom de Léon XIII, en 1878. Comme Pie IX, il a le plus grand mal à accepter que l'Eglise soit privée de ses possessions. Tandis que l'Italie construit des immeubles grandiloquents à sa gloire naissante, Léon XIII s'interroge sur la viabilité de sa présence à Rome. Il hésite à installer le siège apostolique en Autriche ou en Espagne. L'empereur d'Autriche, François-Joseph Ier, incite le pape à la patience. L'Italie poursuit néanmoins sa politique de vexations en supprimant, en 1898, les associations catholiques.

Léon XIII met à profit le temps qui lui est donné par sa situation d'enfermement géographique, pour développer un réseau diplomatique avec tous les Etats européens.

Par ailleurs, il remet au goût du jour la théologie thomiste, dont il veut qu'elle soit la base de l'enseignement et de la formation des clercs. Ce grand pape va publier l'encyclique Rerum Novarum (le 15 mai 1891), qui prend en considération la situation difficile des ouvriers et qui désire promouvoir le catholicisme social. Il est passé, pour l'Eglise, le temps où elle considérait plus utiles ses relations avec les monarques d'Europe qu'avec leurs peuples moins favorisés. Le pape meurt le 20 juillet 1903.

Son successeur est le cardinal Sarto, qui choisit de s'appeler Pie X. Le nouveau pape doit faire face à l'anticléricalisme français qui va aboutir, le 9 décembre 1905, à la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Le concordat avec la France est dénoncé et Pie X doit accueillir à Rome les congrégations religieuses françaises chassées de leurs possessions. Bien que les clercs ne soient plus rémunérés par l'Etat français, le pape tire un avantage de la rupture du concordat : le droit de nommer les évêques de France sans en référer au gouvernement de l'Etat. Il meurt au début de la première guerre mondiale, le 20 août 1914, laissant au peuple catholique l'amertume d'avoir perdu un pape simple et pieux.

C'est le cardinal Della Chiesa qui est élu pape le 3 septembre 1914 et qui prend pour nom Benoît XV. Elu en pleine guerre, il n'a de cesse d'appeler les Etats belligérants à la fin du conflit mondial.

L'Etat italien ne désire pas que le Saint-Siège participe aux négociations qui se tiennent à Versailles. Particulièrement intelligent, Benoît XV décèle que les accords n'ont pas mis fin, de manière véritable, aux anciennes discordes : une prophétie que l'histoire ne va pas démentir.

Le pape maintient auprès du cardinal Gasparri la commande qui lui avait été faite par Pie X de collecter les textes juridiques de l'Eglise universelle, afin de rédiger le premier Code de droit canonique.

Ce texte majeur est une avancée pour l'organisation de l'Eglise catholique, qui se dote de références juridiques applicables par toutes les juridictions catholiques de l'ensemble de la chrétienté. Le pape meurt le 22 janvier 1922. Lui succède Pie XI, le cardinal Achille Ratti.

Les accords du Latran, création de l'Etat. L'Etat de la cité du Vatican est né des accords du Latran signés à Rome le 11 février 1929. Ces accords mettent fin à une longue période de troubles et d'instabilité qui a commencé en 1804.

Comme le reprend le préambule du traité du Latran, il est devenu indispensable d'assurer " d'une manière stable, une situation de fait et de droit qui garantisse au Saint-Siège l'indépendance absolue pour l'accomplissement de sa haute mission dans le monde ". Pie XI dira lui-même qu'une " certaine forme de souveraineté territoriale est la condition universellement reconnue comme indispensable à toute véritable souveraineté de juridiction ". Peu importe la superficie (44 ha), c'est le socle qui compte.

Pie XI et Victor Emmanuel III parviennent donc à un accord décliné selon un traité de 26 articles et un concordat, qui sont signés dans une salle du premier étage du palais du Latran jouxtant la basilique majeure de Saint-Jean, par leurs délégués respectifs, le cardinal Pierre Gasparri, secrétaire d'Etat, et Benito Mussolini, Premier ministre.

La forme juridique des deux textes mérite d'être explicitée. D'une part, un traité est un acte signé entre deux Etats en conflit qui veulent entériner leur accord international. Un traité, par sa nature même - s'il ne fallait considérer le texte en soi - est réservé aux Etats. Si l'Etat italien désire clore des décennies de discorde avec l'Eglise catholique, le but du traité du Latran est principalement de donner au Saint-Siège le statut international d'Etat.

D'autre part, un concordat est un texte plus aisément modifiable au gré des réalités sociales des pays ; dans le cas présent, il est assorti au traité. Pie XI, à l'époque, veut d'ailleurs que les deux textes soient indissociables ; c'est un voeu pieux puisque la hiérarchie des normes ne les classe pas au même niveau d'importance. C'est en vertu de cela qu'en 1984 le concordat avec l'Italie est donc modifié par un accord de révision (18 février), qui supprime la notion de religion d'Etat auparavant accordée au catholicisme en Italie ; le pays devient laïc.

L'Eglise catholique n'a jamais, tout au long de son histoire, cherché à minimiser son pouvoir temporel. Sans doute à l'instar du Christ qui s'incarne (mais, lui avait rendu à César...), l'Eglise spirituelle doit posséder une assise réelle lui permettant de rivaliser en politique avec les Etats et ceux qui les gouvernent.

S'élever au rang des nations, en 1929, est donc un positionnement géostratégique et hautement politique. Toutefois il est à comprendre en tant que moyen, le but recherché restant spirituel.

Le Saint-Siège reconnaît une légitimité à la maison de Savoie qui s'est installée sur le nouveau trône d'Italie. En contrepartie, l'enclave de l'Etat de la cité du Vatican devient l'égale du geôlier d'hier et se hausse à un niveau de reconnaissance qu'aucune autre religion au monde ne possède. L'abandon de la ville de Rome fait gagner le monde au Saint-Siège : une autre façon de décliner " Urbi et Orbi ".

Une fois l'Etat de la cité du Vatican créé, le pape Pie XI publie, le 7 juin 1929, six lois destinées à son organisation : la Loi fondamentale de la Cité du Vatican ; la Loi sur les sources du droit ; la Loi sur la citoyenneté et le séjour ; la Loi sur l'ordre administratif ; la Loi sur l'ordre économique, commercial et professionnel ; la Loi de la sécurité publique (cf. " Politique ").

Par ailleurs, toujours soucieux de l'indépendance du Saint-Siège vis-à-vis des Etats, Pie XI désire doter le Vatican d'un moyen de communication moderne : la radio.

Le pape demande au Prix Nobel de physique, Guglielmo Marconi, de construire cette radio et son émetteur à l'intérieur de la Cité, et il confie la station à un prêtre, le père Giuseppe Gianfranceshi, qu'il choisit pour sa formation de mathématicien et de physicien.

C'est le 12 février 1931 que le Saint-Père inaugure la radio du Vatican en prononçant un discours remarqué : " Ciel, prête l'oreille, et je parlerai ; terre, écoute les mots que je vais prononcer (Deut 31,1). Peuples, écoutez tous ceci ; habitants de l'univers, prêtez tous l'oreille, gens du peuple, gens illustres, riches et pauvres, tous ensemble (Ps 48,1). Ecoutez-moi, vous les îles, soyez attentives, cités du lointain (Es 49, 1). " C'est le deuxième média à la disposition du Vatican après le journal Osservatore Romano, créé le 1er juillet 1861 (cf. " Médias ").

La Seconde Guerre Mondiale. L'attitude de l'Eglise vis-à-vis du nazisme a toujours été radicale. Le nonce apostolique en Allemagne, Eugenio Pacelli, observe la montée de cette idéologie alors qu'il y est en poste de 1920 à 1929. Il en informe le Saint-Siège, qui exhorte les évêques catholiques en Allemagne à corriger auprès des fidèles allemands les aberrations intellectuelles qui pourraient leur être inculquées par la propagande nazie. Le 25 septembre 1928, un décret du Saint-Office " condamne tout particulièrement la haine contre le peuple jadis élu de Dieu et notamment cette haine qu'on a l'habitude de désigner par le mot antisémitisme. "

Entre-temps, Eugenio Pacelli est créé cardinal et nommé au poste de secrétaire d'Etat, en remplacement du cardinal Pierre Gasparri. Le réseau diplomatique du Saint-Siège lui permet particulièrement de suivre l'évolution du désastre idéologique qui va dévaster l'Allemagne et l'Europe. Avec le pape Pie XI dont il est le premier collaborateur de 1930 à 1939, ils marquent les positions de l'Eglise, sans ambiguïté. En 1931, Pie XI condamne le fascisme italien.

Dans cette tourmente montante, Pie XI et son secrétaire d'Etat, attentifs aux besoins de l'Eglise catholique fondée en Allemagne, décident malgré tout de signer un concordat avec le Reich (20 juillet 1933). Ils savent que Hitler n'appliquera pas le texte qu'il signe, néanmoins, le pape entend protéger les intérêts des catholiques allemands et il veut " traiter même avec le diable pour sauver des âmes ". Son secrétaire d'Etat va jusqu'à déclarer en privé que " si le gouvernement allemand violait le concordat - et l'on pouvait s'y attendre à coup sûr - le Vatican aurait un traité sur lequel il pourrait fonder ses protestations ".

C'est ce qui arrive, et Pie XI publie, le 14 mars 1937, l'encyclique Mit brennender Sorge, destinée aux évêques allemands et aux fidèles catholiques en Allemagne, qui est un texte d'une force inouïe contre la politique du Reich, discriminatoire, raciste et antisémite, menée par Hitler. Celui-ci en est furieux. Du 3 au 9 mai 1938, Hitler se rend à Rome pour y rencontrer Mussolini. Le pape Pie XI quitte immédiatement la ville qu'il dit souillée par la croix gammée, alors que le calendrier liturgique célèbre la Croix du Christ.

Le 6 septembre 1938, il martèle : " Par le Christ et dans le Christ, nous sommes de la descendance spirituelle d'Abraham. Non, il n'est pas possible aux chrétiens de participer à l'antisémitisme. Nous reconnaissons à quiconque le droit de se défendre, de prendre les moyens de se protéger contre tout ce qui menace ses intérêts légitimes. Mais l'antisémitisme est inadmissible. Nous sommes spirituellement des sémites. "

Dix ans après la création de l'Etat de la cité du Vatican, le pape Pie XI meurt. La radio du Vatican commente pour la première fois la mort d'un souverain pontife, le conclave qui se réunit afin d'élire le nouveau pape et le couronnement du nouveau successeur de Pierre. C'est le cardinal Eugenio Pacelli, qui prend le nom de Pie XII, qui est élu à l'unanimité par le Collège cardinalice, le 2 mars 1939, jour de son anniversaire.

Le 7 avril, l'Italie, alliée du Reich allemand, envahit l'Albanie, faisant suite à l'occupation de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne le 15 mars. Pie XII propose une conférence pour la paix. Pendant l'été, il rappelle que " Rien n'est perdu par la paix, tout peut être perdu par la guerre. " Le 3 septembre, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l'Allemagne en réponse à l'invasion de la Pologne, le 1er septembre. Le nouveau pape doit faire face à la seconde guerre mondiale.

En 1940, Mussolini censure l'Osservatore Romano. Le Saint-Siège ne dispose plus que de la radio du Vatican et surtout de son réseau de nonces, d'évêques et de prêtres dans le monde pour faire entendre sa voix. Le Vatican est menacé directement par le Reich la même année, alors que Pie XII veut prendre la parole sur les événements de Pologne. On lui répond que " Si le Vatican menaçait ou même entreprenait d'agir contre l'Allemagne sur le plan politique ou celui de la propagande, le gouvernement du Reich ne manquerait ni de moyens matériels efficaces ni de possibilités de prendre des mesures contre l'Eglise catholique. "

Dès lors, le Saint-Père usera d'autant de moyens verbaux que le contexte politique général le lui permettra. Il ne doit pas mettre en danger les fidèles catholiques sur lesquels les nazis chercheraient à se venger.

Un ambassadeur de France auprès du Saint-Siège rapporte " qu'au Vatican, on ne se fait guère d'illusions : en pleine guerre, le fait que le régime hitlérien observe si peu de ménagements à l'égard des confessions chrétiennes dans le Reich, est considéré comme une indication des mesures radicales qui seraient prises au lendemain d'une victoire. (...) Il n'y aura pas de place pour le Saint-Siège dans l'Europe de l'ordre nouveau. "

Quand, le 22 juin 1941, la tentative d'invasion de l'URSS est lancée par le Reich allemand, Pie XII se tait. Les deux régimes sont des ennemis déclarés du Saint-Siège et du catholicisme, mais, la veille, ces deux régimes étaient alliés.

Leur opposition nouvelle ne semble pas un élément à commenter par le pape. Il n'y a pourtant pas là de préférence que le pape exprimerait pour le nazisme sur le communisme. Quand les Etats-Unis entrent tardivement en guerre, en tant qu'alliés de l'URSS, le cardinal Maglione, secrétaire d'Etat de Pie XII, déclare que, si les papes ont condamné le communisme, ils n'ont jamais condamné la Russie : " Il n'y a rien contre le peuple russe. "

Pie XII exhorte tous les évêques catholiques en Europe à venir en aide aux juifs persécutés par le régime nazi. L'armée allemande fait son entrée dans Rome le 18 septembre 1943. Pie XII craint d'être arrêté. Il ordonne d'ouvrir tous les couvents et monastères de la ville, pour que les juifs y soient accueillis.

Pie XII donne ses instructions au clergé de sauver les juifs d'Italie. Lorsqu'on remettra au cardinal Palazzini la médaille des " justes " pour avoir sauvé des juifs au Séminaire romain, il déclarera : " Le mérite en revient entièrement à Pie XII, qui a ordonné de faire tout ce qui était possible pour sauver des juifs de la persécution. " L'aide apportée par le pape fut saluée en 1955, à l'occasion des célébrations du 10e anniversaire de la Libération, par l'Union des communautés israélites, qui a qualifié le 17 avril de " Jour de gratitude " pour l'assistance fournie par le pape durant la guerre.

A la fin de la guerre, le grand rabbin de Rome se convertit avec toute sa famille au catholicisme. Il prend pour prénom de baptême Eugenio, le prénom du pape. Il déclare : " Au cours de l'histoire, aucun héros n'a commandé une telle armée, aucune force militaire n'a été plus combattante ainsi que combattue, aucune n'a été plus héroïque que celle menée par Pie XII au nom de la charité chrétienne. " Le grand rabbin de Jérusalem écrit au pape en 1946 et lui dit : " Le peuple israélite se souvient vivement avec la plus profonde gratitude de l'aide apportée par le Saint-Siège au peuple souffrant durant la persécution nazie. Sa Sainteté a fait beaucoup pour éradiquer l'antisémitisme dans de nombreux pays. Que Dieu permette que l'histoire se souvienne que lorsque tout était noir pour notre peuple, Votre Sainteté a allumé pour eux une lumière d'espérance. "

Pourtant, une polémique sera lancée en 1963, cinq années après la mort de Pie XII, avec la pièce de théâtre Le Vicaire, de Roch Hochhuth, qui va servir de base au film Amen de Costa-Gavras. Roch Hochhuth, écrivain établi à Berlin-Ouest, a écrit une trentaine d'ouvrages rédigés sur le même ton polémiste. Il publie Le Vicaire en pleine guerre froide, dans un contexte où l'on sait que l'Eglise catholique est toujours l'ennemie du communisme. Il est désormais admis que cette pièce devait servir les intérêts des pays communistes qui cherchaient à diminuer l'influence de l'Eglise catholique dans les Etats de l'Est de l'Europe ; ces mêmes pays, qui, selon certains, n'hésiteront pas, quelques années plus tard, à chercher à assassiner l'un des successeurs de Pie XII, le pape Jean-Paul II, pour des raisons similaires.

Depuis, différents intérêts s'agitent derrière cette polémique nouvelle. Cette légende noire n'empêche pas le Saint-Siège de vouloir rendre justice à Pie XII.

Le 8 mai 2007, la congrégation pour la Cause des Saints a voté le décret reconnaissant l'héroïcité de ses vertus, première étape vers une béatification.

La tombe de l'apôtre. C'est dans un emplacement très proche des lieux de son supplice que l'apôtre Pierre, en 67, fut enterré, c'est-à-dire à deux pas du cirque de Néron, érigé sur la plaine du Vatican. L'ouvrage Liber Pontificalis rapporte que " Pierre est enterré sur la via Aurelia, dans le temple d'Apollon, près du lieu où il a été crucifié, aux abords du palais de Néron, sur la colline Vaticane, à proximité du terrain proche de la via Triumphalis. "

De fait, dès la fin des persécutions dont l'ère s'achève avec la conversion de l'empereur Constantin en 312, le culte de l'apôtre Pierre se répand très vite. En 326, la première basilique est consacrée par le pape Sylvestre ; elle sera achevée en 350. La nouvelle basilique de Maderno, érigée au XVIIe siècle, va s'élever sur les vestiges de la basilique antique qui avait été modifiée à plusieurs reprises au cours des siècles (cf. " Basilique Saint-Pierre "). Le culte de l'apôtre Pierre continue d'être célébré et l'on se rend à Rome ad limina Apostolorum, c'est- à-dire " sur la pierre de l'Apôtre ", symboliquement placée au centre de la basilique, où Maderno a conçu l'écrin de la Confession de saint Pierre, au-dessous de l'autel antique.

Toutefois, si l'on est convaincu que la dépouille du prince des apôtres est bien là, on ne sait pas exactement où elle se trouve, dans le dédale des soubassements de la nouvelle basilique. On oublie même où la dépouille pourrait se trouver ; peu importe, c'est la foi qui compte. A tel point que Martin Luther, au plus fort de la Réforme, voudra jeter un trouble supplémentaire en déclarant que " Personne ne sait avec certitude où reposent les corps de saint Pierre et de saint Paul, ni même s'ils y sont. Le pape et les cardinaux savent parfaitement la chose improbable. "

Lorsque Pie XI meurt, en 1939, les ouvriers creusent son tombeau un peu plus près de la basilique antique, le défunt pape ayant souhaité être enterré dans un endroit très proche de saint Pierre. Ces travaux permettent de relancer les fouilles des anciens mausolées. On découvre alors que, sous le marbre de la basilique moderne, la nécropole antique est intacte, avec ses ruelles, ses mausolées, ses corps inhumés et les objets des défunts encore placés dans les niches funéraires.

On annonce à Pie XII que les deux autels majeurs qui avaient été superposés au-dessus de la tombe de l'apôtre ont été retrouvés, ce sont les vestiges du trophée de Gaïus, élevé par Constantin, autour duquel a été édifiée la basilique de 350, modifiée en 600 puis au XIIe siècle. Malheureusement, la tombe elle-même est retrouvée éventrée et contenant les ossements de quatre personnes différentes. Pierre n'y est pas ! Alors que la Seconde Guerre mondiale gronde partout en Europe, les fouilles archéologiques ne sont pas encore annoncées au monde.

Pie XII décide de continuer les recherches, qu'il confie à l'Institut pontifical d'archéologie chrétienne et à l'équipe du père Engelbert Kirschbaum, un jésuite reconnu pour ses travaux à une époque où les fouilles ne sont pas diligentées selon les procédures scientifiques actuelles. Anecdote de l'Histoire, les dissensions entre l'équipe archéologique et l'archiprêtre de la basilique, monseigneur Ludwig Kaas, retarderont de 12 ans la découverte des ossements de Pierre. En effet, c'est en 1942 que les archéologues découvrent le mur des graffitis, proche du trophée de Gaïus. Comme chaque soir, pour répondre à une petite manie qu'il avait, monseigneur Kaas, à l'insu de l'équipe d'archéologues jésuites, se promène au milieu des fouilles réalisées dans la journée. Une nuit parmi d'autres, il retire de ce mur des ossements qu'il entrepose dans une boîte remisée dans un placard, et n'en parle à personne.

Dans un message diffusé sur la radio du Vatican, le 23 décembre 1950, pour clôturer l'Année sainte, Pie XII annonce que la tombe du prince des apôtres a été retrouvée sous la Confession de saint Pierre. Il affirme que c'est bien la tombe de l'apôtre qui a été authentifiée, placée sous la coupole de la plus grande église du christianisme, mais il doit annoncer que la tombe ne contenait plus les ossements de Pierre.

L'anecdote historique n'a pourtant pas fini de surprendre son monde. Lorsque monseigneur Kaas a retiré les ossements du mur des graffitis en 1942, il était accompagné d'un employé de la Fabrique de Saint-Pierre, un certain Giovanni Segoni. En 1954, l'archéologue et épigraphiste Margherita Guarducci, qui étudie le mur des graffitis, découvre l'inscription grecque " ΠΕΤΡΟΣ ΕΝΙ ", qui signifie " Pierre est ici. " Monseigneur Kaas est mort depuis 1952, mais l'archéologue rencontre Giovanni Segoni, qui la conduit au placard où le prélat avait déposé les ossements.

Les analyses de la terre accrochée aux os montrent qu'ils proviennent de la tombe de saint Pierre, dont Paul VI avait annoncé la découverte quatre années plus tôt. Le squelette appartient à un homme âgé de 65 à 70 ans. Des fils d'or et de pourpre sont incrustés dans les ossements ; ce sont des éléments réservés aux empereurs romains. C'est la preuve qu'une vénération spéciale entourait cet homme, à une époque où les empereurs gouvernaient encore Rome. L'archéologue italienne pense que le corps de l'apôtre martyr, d'abord enterré dans la précipitation, aurait été exhumé, près de 200 ans plus tard, par Constantin, qui lui aurait accordé ces signes de souveraineté et de vénération.

Tout concorde pour permettre de penser que les ossements de saint Pierre ont été retrouvés. Ce n'est qu'après de longues années de recherches scientifiques et de confrontations d'analyses que Paul VI déclare lors d'une audience, le 26 juin 1968 : " Les reliques de saint Pierre ont été identifiées ! En l'état présent des conclusions archéologiques et scientifiques, il Nous semble raisonnable de délivrer, à vous et à l'Eglise, cette heureuse nouvelle ! "

Cette annonce est stupéfiante pour les croyants. Comme l'est également l'étude des coupes d'architecture des basiliques successives. En effet, le trophée de Gaïus, le mur rouge qui contenait les ossements, la basilique du pape Sylvestre, sont placés à la verticale du baldaquin de la basilique moderne. Même durant les temps incertains dont pouvait parler Luther, la messe des papes avait toujours été célébrée au-dessus de la tombe du prince des apôtres. " Tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam Meam ", c'est-à-dire " Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise. "

Le deuxième concile du Vatican. Pie XII meurt le 9 octobre 1958, après dix-neuf ans de règne sur l'Eglise catholique. Sa mort marque la fin d'un style de pontificat hérité de l'avant-guerre. Les dernières années du pape n'ont pas été marquées par la modernité. Les mouvements catholiques nés à la suite de 1945 reflètent les aspirations des chrétiens dans leur ensemble : une adaptation à leur vie. Des grands théologiens français, tels que Lubac et Congar, ont été écartés par le vieux pape. L'Eglise doit donc faire face à des attentes de réforme.

Le conclave qui se réunit le 25 octobre 1958 est formé de cinquante-trois cardinaux, Pie XII n'ayant créé que deux fois durant son pontificat de nouveaux princes de l'Eglise, seuls habilités à choisir le pape. Après onze scrutins, c'est le cardinal Angelo Giuseppe Roncalli, patriarche de Venise, qui est élu. Il prend le nom de Jean XXIII, remontant ainsi à l'un des plus fameux papes de la période d'Avignon, Jacques Duèse, que Philippe IV le Bel avait poussé sur le trône apostolique. Jean XXIII a déjà 77 ans quand il est élu pape. Il endosse à peine la soutane blanche qu'on le qualifie de pape de transition. Cet homme, connu pour sa simplicité et ses origines paysannes de la région de Bergame, sera à l'origine d'un des plus grands bouleversements de l'Eglise au XXe siècle.

C'est dans la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs, le 25 janvier 1959, qu'il annonce à ses cardinaux trois convocations majeures : la tenue d'un concile oecuménique universel, la réunion d'un synode de l'Eglise de Rome, la réforme du Code de droit canonique (qui n'avait pas été modifié depuis 1917). Les cardinaux présents sont presque indifférents à ces annonces.

Il faut trois années à l'Administration catholique romaine, la Curie, pour préparer le deuxième concile oecuménique du Vatican, qui commence le 11 octobre 1962 par une célébration dans la basilique Saint-Pierre. Mitre en tête, deux mille quatre cent vingt-sept évêques du monde entier entrent en procession pour discuter des réformes essentielles à l'Eglise.

La Curie, dans un souci qui lui a toujours été propre, a imaginé que le concile allait être une formalité. Les textes ont déjà été écrits et les cardinaux romains, au premier desquels le préfet du Saint-Office, le cardinal Alfredo Ottaviani, désirent qu'ils soient validés rapidement en commissions dont les membres ont déjà été choisis par la Curie.

L'évêque de Lille, le cardinal Achille Liénard, à qui l'on a refusé par deux fois la parole, s'empare d'un microphone et demande que les textes soient débattus autrement. L'archevêque de Cologne, monseigneur Joseph Frings, prend la parole et s'exprime dans le même sens. Les évêques allemands, autrichiens, néerlandais applaudissent ; le plan de la Curie est déjoué. Les pères du concile vont aussi modifier le calendrier des travaux : ils débattront d'abord de la liturgie, voulant débuter leurs réflexions par un sujet moins sensible que la doctrine.

C'est durant quatre sessions qui se sont tenues à chaque automne, de 1962 à 1965, que l'Eglise catholique va livrer son message moderne au milliard de fidèles qui la constituent ainsi qu'aux membres des autres religions. En effet, l'avancée majeure du deuxième concile du Vatican réside dans la liberté religieuse. Si, jusqu'alors, comme dans toutes les religions, on pensait " qu'en dehors de l'Eglise il n'y avait pas de salut possible ", l'Eglise catholique admet qu'il y a plusieurs chemins possibles pour parvenir à Dieu. Le concile rédige une déclaration entièrement consacrée à la liberté religieuse, dans le texte Dignitatis humanae, promulgué le 28 octobre 1965. Si l'enseignement donné par l'Eglise catholique demeure la voie qu'on doit préférer et emprunter dans sa vie, les autres voies n'en sont pas moins des moyens de rechercher la vérité. Le salut ne passe pas par une voie en particulier.

La réforme de la liturgie, et notamment l'abandon du latin pour les langues vernaculaires, la modification de l'emplacement de l'autel dans les églises et de la direction du prêtre célébrant la messe sont, en comparaison avec la notion de liberté religieuse, anecdotiques. L'attention qu'ont attirée sur eux, en France notamment, les partisans de ce que l'histoire appelle les "lefebvristes" - du nom de l'archevêque français Marcel Lefebvre, connu pour ses positions traditionalistes - ne se résume pas à un attachement à une manière particulière de célébrer la messe. Il y a, plus profondément, dans la remise en cause sporadique des avancées apportées par le concile Vatican II, un refus de la liberté religieuse et du modernisme.

Jean XXIII ne verra pas la fin du concile Vatican II. Affaibli par un cancer de l'estomac se manifestant de plus en plus violemment, il meurt le 3 juin 1963. Le concile est alors suspendu, en application du Code de droit canonique. Il faut que le conclave se réunisse, élise le nouveau pape ; celui-ci décidera alors de la poursuite ou de la clôture du concile suspendu. Le conclave débute le 18 juin 1963, réunissant quatre-vingts cardinaux. Bien avant la mort de Jean XXIII, le nom de l'archevêque de Milan, le cardinal Giovanni Battista Montini, circulait dans les milieux autorisés, en tant que proche du souverain pontife défunt et grand ouvrier du concile qui se tenait. Il est élu par les cardinaux, au sixième scrutin, le 21 juin 1963, sous le nom de Paul VI. Il représente la famille réformatrice de l'Eglise et sa première décision est de poursuivre les travaux du concile.

Paul VI connaît bien la Curie romaine, où il a fait toute sa carrière, d'abord auprès de Pie XI, qui lui confie les discussions avec Mussolini sur la jeunesse et le poste de substitut, c'est-à-dire de ministre de l'Intérieur de l'Etat de la Cité du Vatican. Il prend part, aux côtés de celui qui deviendra Pie XII, à la rédaction du concordat avec l'Allemagne et écrit, toujours avec ce dernier, l'encyclique Mit brennender Sorge, qui fustige le régime nazi en 1937. A la fin de son règne, Pie XII raidissant sa vision de l'Eglise, Montini, de plus en plus acquis à des idées de réforme, est écarté à Milan, où il est nommé archevêque.

C'est lui qui devient pape à la suite de Jean XXIII. Paul VI ne désire pas l'éclatement de l'Eglise et va employer tout l'art de sa diplomatie pour mener à bien le concile, ce qu'il va réussir à merveille. Vatican II s'achève, le 8 décembre 1965, par une célébration solennelle sur le parvis de la basilique Saint-Pierre. Les pères du concile ont travaillé à l'élaboration de trois constitutions dogmatiques, de neuf décrets et de trois déclarations, promulgués par le souverain pontife.

Le pape sort de Rome. Lorsqu'il est élu pape, Paul VI a la volonté de poursuivre les réformes que Jean XXIII avait, lui aussi, décidé de mettre en place. Les actes du concile Vatican II, bien que textes doctrinaux fondamentaux, ne sont pas les seuls piliers sur lesquels le nouveau pape va fonder la réforme du pontificat et des administrations qui sont ses bras efficaces.

Comme signe de changement de style, Paul VI est le premier souverain pontife à refuser de porter la tiare lors de son couronnement. C'est avec Clément V (1305-1314) qu'était apparue la triple couronne, symbolisant la triple souveraineté du pape en tant que père des rois, recteur du monde et vicaire du Christ. Ornée de deux fanons à l'instar des mitres, la tiare est à la fois un symbole temporel et spirituel. Toutefois, ces pièces généralement de haute joaillerie ne correspondent plus à la simplicité que Jean XXIII et Paul VI veulent imposer à leurs pontificats respectifs. Paul VI, lors de sa visite à New York, le 13 novembre 1964, offre sa tiare, faite d'or, d'argent et de pierres précieuses, aux pauvres. Les papes qui lui succéderont ne porteront plus jamais la triple couronne héritée d'autres temps.

Pour en être issu et pour en avoir défié l'aile conservatrice durant le concile Vatican II, Paul VI ressent le besoin de réformer la Curie romaine, c'est-à-dire l'Administration centrale de l'Eglise catholique encore marquée du style de Pie XII, que l'on appelle parfois le " dernier pape roi ". L'organisation des services centraux est modifiée. Deux symboles liés, le Saint-Office et l'Index disparaissent, laissant la place à la congrégation pour la Doctrine de la Foi. Des évêques non-italiens y sont nommés, afin de briser l'emprise ancienne. Les dicastères sont remaniés, des secrétariats nouveaux sont créés et des missions nouvelles leur sont données, afin de mettre en oeuvre les grandes décisions du dernier concile : l'unité des chrétiens, le dialogue avec les religions non-chrétiennes, le dialogue avec les non-croyants.

La liberté religieuse proclamée dans la déclaration Dignitatis humanae est l'une des préoccupations de Paul VI. Gelé depuis des siècles, le dialogue oecuménique est relancé par le pape. Les excommunications que les Eglises catholiques et grecques s'étaient réciproquement lancées sont levées après des années de sanctions symboliques. Paul VI se rend en Terre sainte, dans la ville de Jérusalem, où il rencontre le patriarche de Constantinople, Athénagoras Ier. Ils échangent un baiser de paix qui met fin à 910 années de haine institutionnelle. Envers les coptes, les chrétiens d'Egypte, Paul VI fait aussi la démarche de rencontrer à Rome leur patriarche, Chenouda III. Il rend à l'Eglise orthodoxe d'Egypte les ossements de saint Marc, dérobés pendant la Renaissance, conservés à Venise, et qui reviennent en grande pompe au Caire.

Le Collège cardinalice, si pauvre en nombre, on s'en souvient, lors de l'élection de Jean XXIII, passe à cent vingt membres. Paul VI en fixe les règles de fonctionnement, notamment en ordonnant l'âge maximum des cardinaux électeurs à quatre-vingts ans. Par ailleurs, si le nombre de cardinaux d'origine italienne dominait le sacré collège, Paul VI crée de nombreux cardinaux issus d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie ; depuis, il n'y aura plus de majorité européenne parmi les électeurs du pape.

Par ailleurs, Paul VI sort physiquement de Rome et d'Italie, devançant en cela Jean-Paul II dans ses voyages internationaux. Après la Terre sainte, Paul VI visite l'Inde et va à New York, au siège des Nations unies, qui célèbrent leurs vingt ans d'existence. Il y prononce un discours de chef d'Etat et de chef spirituel, demandant aux représentants de toutes les nations réunies de placer leurs efforts dans la construction et dans le maintien de la paix. Bien plus que les témoignages d'autrui, ses multiples voyages dans le tiers monde souffrant sensibiliseront Paul VI à la réalité des pays oubliés de la planète, une réalité qui lui inspirera son encyclique Populorum Progressio, dans laquelle il martèle qu'il n'y a pas d'humanité sans développement, pas de paix sans développement équitable entre les peuples et les nations.

Le pontificat de Paul VI, pourtant si brillant et si réformateur, sera terni dans les esprits par la difficile question des moeurs et de la contraception, stigmatisée par l'encyclique Humanae Vitae. Si le concile Vatican II a bénéficié d'un accueil unanime pour la modernité de ses textes, c'est aussi parce qu'il a éludé la question de la transmission de la vie et des moeurs sexuelles. Pourtant, au-delà de la colonnade du Bernin, le peuple catholique continue de s'interroger sur la licéité de son contrôle familial des naissances. Humanae Vitae donne une réponse impossible à appliquer : les moyens de contraception, même au sein du mariage, ne sont pas valides aux yeux de la doctrine catholique ; il faut savoir user de la chasteté, même au sein du couple. C'est toujours à ce texte que se réfère aujourd'hui l'Eglise pour donner son point de vue sur ce sujet.

Paul VI meurt le 6 août 1978, regretté par les catholiques et ceux desquels il s'était rapproché, jadis excommuniés et désormais invités à la table du dialogue. Avec Paul VI, le pape n'est définitivement plus le prisonnier de Rome.

La chute du communisme. Lors de la naissance du communisme, cette nouvelle idéologie a désigné plusieurs ennemis principaux, dont l'Eglise catholique. La négation de Dieu que prône le communisme va de pair avec l'élimination des institutions religieuses. Sur ces fondements, l'opposition entre le Saint-Siège et les nouveaux Etats socialistes ou communistes sera toujours vive.

En 1937, après avoir condamné le nazisme dans l'encyclique Mit Brennender Sonne (publiée le 14 mars), Pie XI signe l'encyclique Divini Redemptoris (publiée le 19 mars) dans laquelle il s'attaque au communisme athée. Il rappelle que le pape Pie IX, en 1846, dans le Syllabus et dans l'encyclique Quod Apostolici Numeris, dénonçait " cette peste mortelle qui s'attaque à la moelle de la société humaine et qui l'anéantit ". La Russie de Staline est pour le pape un péril menaçant, puisque " le communisme bolchevique et athée (...) prétend renverser l'ordre social et saper jusque dans ses fondements la civilisation chrétienne. "

Pendant la seconde guerre mondiale, alors que l'Allemagne et la Russie s'affrontent finalement après avoir été naguère alliées contre l'Europe, Pie XII, selon sa prudence diplomatique reconnue, n'élève pas la voix. Comme nous l'avons déjà vu, il s'agit là non pas d'un encouragement proallemand, mais d'une observation de l'évolution du conflit. Le Saint-Siège n'a pas d'illusion sur le traitement identique que lui réserve le régime aryen païen ou le régime bolchevique athée en cas de la victoire de l'un ou de l'autre : sa disparition. Staline, fin politique, s'appuie sur l'Eglise orthodoxe russe, dont il attise les dissensions avec Rome, pour lutter contre l'Eglise catholique.

Le successeur de Pie XII, le pape Jean XXIII, est perçu par l'URSS comme un élément modérateur de la guerre froide qui arrive à un certain paroxysme avec les Etats-Unis et ses alliés. Jean XXIII, diplomate audacieux, pose un regard bienveillant sur l'est de l'Europe dès 1961 ; il sait que ces pays coupés de Dieu montrent certaines fragilités et désire saisir cette occasion de faire entendre sa voix. Il envoie des missions diplomatiques à Moscou, à Prague, à Varsovie, à Berlin. Le premier secrétaire du Parti socialiste soviétique, Nikita Khrouchtchev, lui envoie un télégramme de félicitations à l'occasion de ses quatre-vingts ans, le 25 novembre 1961. Lors de la crispation autour de Cuba, il joue un rôle apaisant entre les deux grands Etats opposés. En 1963, Khrouchtchev autorise sa fille et son gendre à rendre visite au pape, à Rome. La Curie est outrée, de même que beaucoup de partisans des deux camps, américain et soviétique.

La mort de Jean XXIII, le 3 juin 1963, ainsi que la démission de Khrouchtchev en 1964, vont laisser le champ libre à une réaction violente contre l'Eglise catholique et ses rapprochements avec l'Europe de l'Est. Les nouveaux Etats socialistes suivent les prescriptions de l'URSS et luttent avec force contre le catholicisme. La pièce de théâtre Le Vicaire, publiée en 1963 par Roch Hochhuth, est l'une des manipulations les plus fortes que l'Eglise catholique va subir durant la seconde partie du XXe siècle. Elle est écrite par un écrivain dramatique dont le talent peut être contesté et qui trouve ses cibles favorites parmi les protagonistes vainqueurs du conflit mondial, comme Winston Churchill, par exemple. La présentation calomnieuse de Pie XII, comme étant enclin à fermer les yeux sur les crimes du nazisme, est diligentée par la propagande communiste et propagée depuis Berlin-Ouest, en pleine guerre froide.

On ne connaît pas de grave crise entre Paul VI et les Etats de l'Europe de l'Est, mais l'élection, le 16 octobre 1978, d'un cardinal polonais à la tête de l'Eglise catholique est vécue comme un affrontement direct par les gouvernements de ces pays. En Pologne, il est très proche des journaux anticommunistes et sa création de cardinal, en 1967, fait de lui le principal opposant du système communiste polonais. Sa culture et son origine ne l'incitent pas à poursuivre les relations diplomatiques que Jean XXIII et Paul VI avaient élaborées avec les Etats communistes. Il cherche à symboliser, par sa personne, la résistance, voire l'opposition à ces idéologies et ces régimes qui nient Dieu. Le 13 mai 1981, un jeune Turc du nom de Mehmet Ali Agça tire sur Jean-Paul II. Quelques années plus tard, on démontre que c'est la Bulgarie communiste qui l'avait armé.

Il y a sans doute, même s'il le niait, du prophétisme dans l'action de Jean-Paul II. La chute du mur de Berlin, en 1989, les visites du président Mikhaïl Gorbatchev au Vatican, sont autant d'événements historiques impossibles à imaginer encore peu de temps avant. Staline ironisait souvent au sujet du pouvoir du Saint-Siège : " Le Vatican, combien de divisions ? " Le plus petit Etat du monde, sans divisions armées, a néanmoins eu sa part dans l'effondrement du colosse soviétique.

Le pape Urbi et Orbi. Si l'une des grandes tâches de Jean-Paul II a été le soutien à sa Pologne natale et son combat contre l'oppression du catholicisme dans l'Empire soviétique, l'ensemble de son pontificat va être marqué par son souci du monde entier et par sa proximité de tous, qu'ils soient puissants ou humbles.

Urbi et Orbi, il a lancé ce premier appel vibrant, le 22 octobre 1978 : " N'ayez pas peur ! ". " N'ayez pas peur d'accueillir le Christ et d'accepter son pouvoir ", poursuit le pontife. " Ouvrez toutes grandes les portes pour le Christ ! A son pouvoir salvateur, ouvrez les frontières des Etats, les systèmes économiques et politiques, les vastes champs de la culture, de la civilisation et du développement ! N'ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu'est un homme. "

A peine élu comme successeur de saint Pierre, Jean-Paul II est invité à se rendre en Amérique latine pour la troisième conférence de l'épiscopat de ce continent. Il hésite, sachant que le Mexique est dans une phase anticléricale et que, sur place, il devra recadrer la théologie de la libération, bien qu'elle y soit très populaire. Néanmoins, il accepte de s'y rendre, et pense aussi qu'un déplacement dans un pays qui ne lui est pas acquis, s'il réussit, peut lui ouvrir les portes de la Pologne communiste. La simplicité du pape, sa rigueur souriante lorsqu'il rappelle que le message du Christ n'est pas un appel à une révolution sociale ou politique, et certainement pas armée, confirment le début d'engouement que les catholiques vont toujours avoir pour Jean-Paul II.

S'il est choisi par le conclave, le 16 octobre 1978, rien ne laissait prévoir son accession à la tête de l'Eglise catholique puisque, cinquante jours plus tôt, les mêmes cardinaux réunis dans la chapelle Sixtine avaient désigné le patriarche de Venise, le cardinal Albino Luciani, comme pape, qui avait pris pour nom Jean-Paul Ier pour montrer qu'il s'inscrivait dans la pensée conciliaire de Jean XXIII et de Paul VI. Mais, sa santé étant mauvaise, il meurt trente-trois jours plus tard.

Jean-Paul II, appelé aussi le " pape pèlerin ", n'accorde aucune limite à sa responsabilité. Durant tout son règne, il va visiter les pays où la liberté individuelle est la plus humiliée : la Pologne, les Philippines, Haïti. Pour ce pape, la religion libère et, au nom du droit inaliénable que la déclaration Dignitatis Humanae a affirmé, Jean-Paul II n'a de cesse de bousculer les régimes politiques qui entravent les libertés en général et la liberté religieuse en particulier. En revanche, il récuse les récupérations multiples qui peuvent être faites des valeurs catholiques et les amalgames qui en découlent.

Si Jean-Paul II voyage beaucoup, il publie aussi un nombre impressionnant d'encycliques et de textes destinés à rappeler l'actualité du message du Christ. Proche des jeunes, qu'il aime rencontrer lors des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) et lors de ses voyages à travers le monde, il ne modère pas son message en matière de moeurs et de sexualité lorsqu'il s'adresse à eux. Dans la ligne de l'encyclique Humanae Vitae, le pape de l'Eglise catholique ne peut délivrer un autre discours que celui des vertus de l'amour et de la fidélité. Les jeunes comprennent sa logique, même si le pragmatisme de leur vie les conduit à tenter d'adapter un principe à une réalité plus terre à terre. Son encyclique Evangelium Vitae est un beau plaidoyer pour la " culture de la vie ". Il n'écarte personne néanmoins et beaucoup de catholiques comprennent que la rigueur de son message n'est pas exclusive, mais donne une direction vers laquelle ils peuvent tendre.

Jean-Paul II est aussi le pape de l'oecuménisme lorsqu'il invite, à Assise, le 26 octobre 1986, les représentants de toutes les religions à prier pour la paix dans le monde. Les religions ont été, regrette-t-il, le motif de beaucoup de guerres dans l'histoire de l'humanité. Il demande pardon, à plusieurs reprises, pour les fautes commises par l'Eglise catholique contre la liberté religieuse. Il se fait aussi le héraut de la paix entre les religions, qu'il considère comme le fondement de la paix entre les peuples. Toutefois le respect des autres confessions ne lui fait pas oublier la religion à laquelle il appartient. L'oecuménisme est un dialogue mais pas un renoncement intellectuel, encore moins une conversion.

Lorsqu'il meurt, le 2 avril 2005, il laisse un monde sans voix, un peu craintif d'avoir perdu un repère qui, durant 27 ans, aura martelé : " N'ayez pas peur ! " Avec Jean-Paul II, les fidèles catholiques de la fin du XXe siècle et du début du XXIe ont senti la particularité qui les unit au pape. A la manière d'un père que l'on n'a pas choisi, les relations sont d'un ordre filial : on s'aime, on se comprend, on s'éloigne, on ne se comprend plus, et tout cela dans un ordre très personnel et très varié. Pourtant, même lorsqu'il est cassé, profondément parfois, le lien existe de manière permanente. Jean-Paul II, dans son cercueil de chêne, sur le parvis de la basilique Saint-Pierre, lors de son adieu au monde, n'a laissé personne indifférent.

Coopérateur de la vérité

Dix-sept jours plus tard, le conclave choisit le préfet de la congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Joseph Ratzinger, pour succéder à Jean-Paul II. Le nouveau pape prend le nom de Benoît XVI. Il explique, durant l'audience générale du 27 avril 2005, pourquoi il a fait ce choix : " J'ai voulu m'appeler Benoît XVI pour me rattacher en esprit au vénéré pontife Benoît XV, qui a guidé l'Eglise au cours d'une période difficile en raison du premier conflit mondial. Il fut un courageux et authentique prophète de paix et se prodigua avec un courage inlassable, tout d'abord pour éviter le drame de la guerre, puis pour en limiter les conséquences néfastes. C'est sur ses traces que je désire placer mon ministère au service de la réconciliation et de l'harmonie entre les hommes et les peuples, profondément convaincu que le grand bien de la paix est tout d'abord un don de Dieu, un don malheureusement fragile et précieux qu'il faut invoquer, protéger et édifier jour après jour avec la contribution de tous. "

Benoît XVI a été l'un des principaux collaborateurs de Jean-Paul II, depuis que ce dernier l'avait nommé, le 25 novembre 1981, à la tête de la congrégation chargée de la Doctrine de l'Eglise catholique. Le cardinal Joseph Ratzinger a été l'inspirateur de la théologie catholique pendant un quart de siècle. Son élection n'est pas une surprise. Après un pontificat aussi long et marquant que celui de Jean-Paul II, les cardinaux ont voulu donner un répit au gouvernement de l'Eglise, en même temps qu'une continuité doctrinaire.

Dès 2005, on a bien voulu qualifier Benoît XVI de " pape de transition ", avant même que ne commence son action. On se rappelle qu'on avait voué Jean XXIII à la même destinée, et que ce pape avait convoqué le concile Vatican II... Le pape est " aux affaires " au Vatican depuis longtemps, pourtant, et possède donc une expérience incomparable de l'Eglise, et une connaissance des dossiers qu'il gère. De fait, le pape parle vrai et s'il ne gêne plus le monde communiste comme ce fut le cas de Jean-Paul II, ce sont d'autres intérêts qui le malmènent. Benoît XVI est l'un des plus grands théologiens catholiques du XXe siècle, et du XXIe siècle a fortiori. A ce titre, son discours est toujours fondé sur les enseignements du Christ tels qu'on les trouve dans les Ecritures, et il en a souvent extrait le message substantifique. Il a conscience que l'Eglise est source d'attaques violentes, car elle propose une doctrine solide face au relativisme généralisé dans lequel on cherche à tout dissoudre.

Réputé d'un abord plus froid que le précédent pape, Benoît XVI a pourtant un très bon contact avec les fidèles qui viennent le rencontrer, en foule, lors de l'angélus du dimanche, place Saint-Pierre, ou lors de l'audience générale du mercredi, salle Paul VI. Les Journées mondiales de la jeunesse de Munich, en 2005, de Sidney en 2008 et de Madrid en 2011 ont bénéficié d'un grand enthousiasme envers sa personne. Les Européens et les Américains du nord ont été mal informés, pour ne pas dire désinformés depuis l'élection de Benoît XVI, sur la personne du Souverain Pontife. Quelques années après son accession au trône de Pierre, il est intéressant de mieux comprendre celui dont la devise personnelle est une formule empruntée à la troisième épître de saint Jean : " Coopérateurs de la vérité ".

Benoît XVI a subi des attaques graves, qu'il s'agisse de son discours de Ratisbonne en 2006 qui fut instrumentalisé contre les Musulmans, de l'accueil des lefebvristes en 2007 et des anglicans en 2009 qu'on lui a encore repproché au nom de l'oecuménisme alors qu'il mettait en oeuvre la réconciliation des chrétiens, et de son encyclique Caritas in Veritate en 2009 dans laquelle le libéralisme s'est senti ciblé. S'il cherche à rappeler que l'Europe a un héritage chrétien, il dérange aussi les politiques exclusives des peuples lorsque certains gouvernements les pratiquent et il rappelle alors la vocation d'accueil du christianisme qui a façonné le continent. En fait, ces attaques sont bien légitimes : non pas qu'elles soient justes et animées par la vérité, mais bien parce qu'on ne s'attaque qu'aux hommes dont la valeur représente un danger pour ses propres intérêts...

Benoît XVI connaît son Eglise ; tellement bien qu'il en dit, en mai 2010 : " Les attaques contre le pape et contre l'Eglise ne viennent pas de l'extérieur seulement, mais de l'intérieur, du péché qui existe en elle. " Les crimes pédophiles sont une expression de ce péché. Benoît XVI en souffre depuis de longues années ; particulièrement depuis le 30 avril 2001 alors qu'à sa demande, par le motu proprio Sacramentorum Santitatis tutela, Jean-Paul II confie les cas de pédophilie du monde entier à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi que dirige le cardinal Ratzinger. Auparavant, les cas restaient au niveau des diocèses et leur connaissance ne parvenait au Saint-Siège que lorsque les actions légales contre leurs auteurs devaient être instruites. Le cardinal Ratzinger ne souhaite plus que les erreurs d'appréciation que certains évêques ont pu avoir se répètent ; il s'agit de traiter le mal là où il se terre. Benoît XVI, le 25 mars 2005, lors du Chemin de Croix au Colisée, dans un commentaire d'une des stations de la passion du Christ, dit : " Beaucoup d'immondices souillent l'Eglise, répandues par ceux qui la servent, alors qu'ils devraient appartenir complètement au Christ. " La formule est forte, inouïe, mais elle passe inaperçue. Pourtant, on essaiera, à de nombreuses reprises, de vouloir ternir la réputation du pape à ce sujet. " Je ne peux que partager le désarroi et le sentiment de trahison que nombre d'entre vous ont ressentis en prenant connaissance de ces actes scandaleux et criminels et de la façon dont les autorités de l'Eglise en Irlande les ont affrontés. " écrit Benoît XVI encore aux catholiques d'Irlande le 19 mars 2010. Des mots qui parlent d'eux-mêmes.

Malgré cela, Benoît XVI, continue d'arpenter le monde entier, accroché à la Croix, avec le sourire bienveillant et l'expression douce du visage d'un homme dévoué à sa tâche de Pasteur universel.

L’infaillibilité pontificale

" Le Pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine, en matière de foi ou de morale, doit être admise par toute l'Eglise, jouit, par l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Eglise, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi et la morale. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Eglise. "

Tiré de la Constitution Pastor Aeternus.

Radio message de Noël de Sa Sainteté le pape Pie XII, le 23 décembre 1950

(...) " A-t-on retrouvé la tombe de saint Pierre ? A une telle demande, la conclusion finale des travaux et des études répond clairement par l'affirmative : Oui, la tombe du prince des apôtres a été retrouvée.

Une seconde question subordonnée à la première regarde les reliques du saint. Ont-elles été retrouvées ? - Au bord du sépulcre, on a retrouvé des restes d'ossements humains. Ont-ils appartenu à la dépouille mortelle de l'apôtre ? - Il n'est malheureusement pas possible de le prouver avec certitude. Cela laisse cependant intacte la réalité historique de la tombe. La gigantesque coupole développe sa courbe exactement sur le sépulcre du premier évêque de Rome, du premier pape ; sépulcre originairement très simple mais sur lequel la vénération des siècles postérieurs a élevé par une merveilleuse succession de travaux le plus grand temple de la chrétienté. "

Un concile

" Le Collège des évêques exerce le pouvoir sur l'Eglise tout entière de manière solennelle dans le concile oecuménique. " (CIC - Can.337 - §1) Le Code de droit canonique rappelle que le gouvernement de l'Eglise, donnée à l'évêque de Rome lors de son élection par les cardinaux réunis en conclave, s'exerce aussi par la tenue des conciles oecuméniques.

Cette grande assemblée réunit l'ensemble des évêques du monde entier, qui décident des matières à y traiter. Il est présidé par le souverain pontife. Les décrets d'un concile oecuménique doivent, pour obtenir une valeur obligatoire, être approuvés par le souverain pontife, en union avec les évêques réunis en concile, qui les confirmera et promulguera.

Message de conclusion du concile Vatican II par Paul VI, le 8 décembre 1965

" L'heure du départ et de la dispersion a sonné. Dans quelques instants, vous allez quitter l'assemblée conciliaire pour aller à la rencontre de l'humanité et lui porter la bonne nouvelle de l'Evangile du Christ et du renouvellement de son Eglise, auquel nous travaillons ensemble depuis quatre ans.

Moment unique que celui-ci ; moment d'une signification et d'une richesse incomparables ! En ce rassemblement universel, en ce point privilégié du temps et de l'espace, convergent à la fois le passé, le présent, l'avenir. Le passé : car c'est, ici réunie, l'Eglise du Christ avec sa tradition, son histoire, ses conciles, ses docteurs, ses saints... Le présent : car nous nous quittons pour aller vers le monde d'aujourd'hui avec ses misères, ses douleurs, ses péchés, mais aussi ses prodigieuses réussites, ses valeurs, ses vertus... L'avenir est là, enfin, dans l'appel impérieux des peuples à plus de justice ; dans leur volonté de paix, dans leur soif, consciente ou inconsciente, d'une vie plus haute, celle que, précisément, l'Eglise du Christ peut et veut donner. "

Qui a armé le bras ?

" De fait, l'élection de Karol Wojtyla au pontificat avait fortement ébranlé les capitales d'Europe de l'Est. Trois semaines plus tard, il existait déjà une première analyse soviétique sur les conséquences qui pouvaient en résulter dans les pays communistes. Une année après, un document classé " secret défense " signé par Souslov, l'idéologue du PCUS, et approuvé par tous les membres du secrétariat du comité central - y compris Gorbatchev -, proposait une série de mesures concrètes pour contrer le nouveau pape polonais et sa mission dans le monde.

Puis il y avait eu le premier voyage de Jean-Paul II en Pologne, que Brejnev avait essayé d'interdire jusqu'au dernier moment. Un an après naissait Solidarnosc, la première grande révolution ouvrière de l'Empire soviétique. Dès 1981, Solidarnosc, de par sa simple existence déjà, assénait une série de coups mortels à l'idéologie marxiste ; de plus, à travers ses courants les plus radicaux, le syndicat affichait une attitude extrêmement hostile vis-à-vis de l'Union soviétique.

C'en était assez pour amplifier les craintes des dirigeants communistes. On peut donc imaginer qu'au sein des services, ou du moins chez des éléments affolés de ces services, on ait pu arriver à la décision d'éliminer un pape polonais, en déléguant prudemment sa mise en oeuvre. "

Une vie avec Karol, cardinal Stanislas Dziwisz, entretiens avec Gian Franco Svidercoschi, Desclée de Brouwer / Seuil, 2007.

Extraits des accords du Latran

" Au nom de la Très Sainte-Trinité,

Attendu :

Que le Saint-Siège et l'Italie ont reconnu qu'il convenait d'écarter toute cause de différend existant entre eux et d'arriver à un règlement définitif de leurs rapports réciproques qui soit conforme à la justice et à la dignité des deux Hautes Parties, et qui, en assurant au Saint- Siège, d'une manière stable, une situation de fait et de droit qui lui garantisse l'indépendance absolue pour l'accomplissement de sa haute mission dans le monde, permette à ce même Saint-Siège de reconnaître résolue d'une façon définitive et irrévocable la " Question romaine ", née en 1870 de l'annexion de Rome au royaume d'Italie sous la dynastie de la Maison de Savoie ;

Qu'il faut, pour assurer au Saint-Siège l'indépendance absolue et visible, lui garantir une souveraineté indiscutable même dans le domaine international, et que, par suite, est apparue la nécessité de constituer avec des modalités particulières, la Cité du Vatican, en reconnaissant au Saint-Siège, sur ce territoire, pleine propriété, pouvoir exclusif et absolu et juridiction souveraine ; (...).

Article premier

L'Italie reconnaît et réaffirme le principe consacré dans l'article premier du statut du royaume en date du 4 mars 1848, en vertu duquel la religion catholique, apostolique et romaine, est la seule religion de l'Etat.

Article 2

L'Italie reconnaît la souveraineté du Saint-Siège dans le domaine international comme un attribut inhérent à sa nature, en conformité avec sa tradition et avec les exigences de sa mission dans le monde.

Article 3

L'Italie reconnaît au Saint-Siège la pleine propriété, le pouvoir exclusif et absolu de la juridiction souveraine sur le Vatican, comme il est actuellement constitué avec toutes ses dépendances et dotations, créant de la sorte la Cité du Vatican pour les fins spéciales et avec les modalités que contient le présent traité. Les limites de ladite Cité sont indiquées sur le plan qui constitue l'annexe I dudit traité, dont il fait partie intégrante. Il reste par ailleurs entendu que la place Saint-Pierre, tout en faisant partie de la Cité du Vatican, continuera à être normalement ouverte au public et soumise aux pouvoirs de la police des autorités italiennes ; celles-ci s'arrêteront au pied de l'escalier de la basilique, bien qu'elle continue à être destinée au culte public, et elles s'abstiendront par conséquent de monter et d'accéder à cette basilique, sauf le cas où elles seraient invitées à intervenir par l'autorité compétente.

Au cas où le Saint-Siège, en vue de cérémonies particulières, jugerait bon de soustraire temporairement la place Saint-Pierre au libre passage du public, les autorités italiennes, à moins d'être invitées à rester par l'autorité compétente, se retireront au-delà des lignes extérieures et de la colonnade du Bernin et de leur prolongement. (...)

Article 13

L'Italie reconnaît au Saint-Siège la pleine propriété des basiliques patriarcales de Saint-Jean de Latran, de Sainte-Marie Majeure et de Saint-Paul, avec les bâtiments annexes.

L'Etat transfère au Saint-Siège la libre gestion et l'administration de ladite basilique de Saint-Paul et du monastère attenant, versant par ailleurs au Saint-Siège les capitaux correspondant aux sommes fixées annuellement dans le budget du ministère de l'instruction publique pour ladite basilique.

Il reste pareillement entendu que le Saint-Siège a la libre propriété du bâtiment dépendant de Saint-Calliste, près de Sainte-Marie-du-Transtevère.

Article 14

L'Italie reconnaît au Saint-Siège la pleine propriété du palais pontifical de Castel-Gandolfo, avec toutes les dotations, attenances et dépendances telles qu'elles se trouvent déjà maintenant en possession de ce même Saint-Siège, en même temps qu'elle s'oblige à céder, également en pleine propriété, en en effectuant la remise dans les six mois à partir de l'entrée en vigueur du présent arrêté, la villa Barberini à Castel-Gandolfo, avec toutes les dotations, attenances et dépendances. (...)

Article 24

Le Saint-Siège, en ce qui touche la souveraineté qui lui appartient, même dans le domaine international, déclare qu'il veut demeurer et demeurera étranger aux compétitions temporelles envers les autres Etats et aux réunions internationales convoquées pour cet objet, à moins que les parties en litige ne fassent un appel unanime à sa mission de paix, se réservant en chaque cas de faire valoir sa puissance morale et spirituelle.

En conséquence, la Cité du Vatican sera toujours et en tous cas considérée comme un territoire neutre et inviolable. (...)

Article 26

Le Saint-Siège affirme que, par les accords qui sont signés aujourd'hui, il est en possession d'une manière adéquate de tout ce qu'il lui faut pour veiller à la liberté et à l'indépendance nécessaires au gouvernement pastoral du diocèse de Rome et de l'Eglise catholique en Italie et dans le monde ; il déclare définitivement et irrévocablement résolue, et par suite éliminée, la Question Romaine, et reconnaît le royaume d'Italie sous la dynastie de la Maison de Savoie, avec Rome comme capitale de l'Etat italien.

A son tour, l'Italie reconnaît l'Etat de la Cité du Vatican sous la souveraineté du Souverain Pontife. (...) "

Benoît XVI, un pontificat sous les attaques

" Les propos du cardinal Joseph Ratzinger du mois de mars 2000, à l'occasion du jubilé de Jean-Paul II, sont à retenir comme interprétant fidèlement la réalité ecclésiale et son essence. "

" L'Eglise a vivement conscience que le péché est en elle. Une Eglise composée uniquement de saints lui est étrangère. Nous avons connu de grandes luttes, des hérésies, notamment celles des donatistes et des cathares. Mais le Seigneur se trouve embarqué avec nous, pécheurs. Les Evangiles rappellent le reniement de Pierre, un péché répété qui lui faisait honte. L'épisode se trouve dans l'Evangile de Marc, probablement inspiré par Pierre lui-même, et c'en est l'admission la plus dure. (Mc 14)

L'Eglise d'aujourd'hui, par l'acte du repentir, ne dit pas que le péché appartient au passé et que nous sommes purs, en attendant le Jugement dernier. Le péché est en son coeur même, en chacun de nous. Mais comme l'Eglise est accessible à la grâce divine, chacun de nous doit s'y ouvrir et confesser publiquement que les péchés du passé constituent notre présent. Or le Seigneur agit et fait le bien par l'intermédiaire de l'Eglise, qui demeure sa barque à tout jamais. Reconnaître le péché est un acte qui nous permet de comprendre et de faire comprendre que le Seigneur est le plus fort.

Ce qui me rappelle un mot du cardinal Consalvi, Secrétaire d'Etat de Pie VII. Quand on lui disait : Napoléon veut détruire l'Eglise, il répondait : Il n'y parviendra pas, nous n'y avons pas réussi non plus. "

Benoît XVI, un pontificat sous les attaques, Paolo Rodari et Andrea Tornielli, 2011.

Lumière du Monde

- Ne pourrait-on pas aussi envisager qu'après deux millénaires le christianisme est tout simplement épuisé, comme cela est arrivé à d'autres grandes cultures dans l'histoire de la civilisation ?

- Si l'on considère cela superficiellement et que l'on se contente d'examiner le monde occidental, on pourrait le penser. Mais si l'on regarde avec plus de précision, ce qui m'a été rendu possible par les visites des évêques du monde entier et par bien d'autres rencontres, on voit que le christianisme développe aujourd'hui une toute nouvelle créativité. Au Brésil, par exemple, il y a d'un côté une forte augmentation des sectes qui sont souvent très suspectes, parce qu'elles promettent pour la plupart la prospérité, le succès extérieur. mais il y a aussi de nouveaux éveils catholiques, une dynamique de nouveaux mouvements, par exemple les " Héraults de l'Evangile ", de jeunes saisis par l'enthousiasme d'avoir reconnu le Christ comme le fils de Dieu et de le porter dans le monde. Comme me le dit l'archevêque de Sao Paulo, il naît constamment là-bas de nouveaux mouvements. Il y a donc là une force de renouveau et de nouvelle vie. Ou encore pensons à ce que l'Eglise signifie pour l'Afrique. Là-bas, elle est souvent le seul point fixe et stable dans les troubles et des destructions des guerres, le seul refuge où il y encore de l'humanité ; où l'on fait quelque chose pour les êtres humains. Elle s'emploie à prolonger la vie, à soigner les malades, à faire que des enfants puissent venir au monde et être élevés. Elle est une force de vie qui crée à nouveau de l'enthousiasme et ouvre ensuite de nouveaux chemins.

D'une manière moins évidente, et pourtant indéniable, on assiste aussi, chez nous en Occident, au lancement de nouvelles initiatives catholiques qui ne sont pas commandées par une structure, par une bureaucratie. La bureacratie est usée et fatiguée. Ces initiatives viennent de l'intérieur, de la joie qui transporte les jeunes êtres. Le christianisme prend peut-être un autre visage et aussi une autre forme culturelle. Il ne tient pas la place de donneurs d'ordres dans l'opinion mondiale, là ce sont d'autres qui gouvernent. mais il est la force de vie sans laquelle les autres choses non plus ne pourraient pas survivre. Grâce à tout ce que je vois et vis moi-même, je suis tout à fait optimiste sur le fait que le christianisme se trouve dans une nouvelle dynamique.

- Parfois, on a pourtant l'impression que c'est une loi de la nature qui permet au paganisme de regagner à chaque fois les territoires qui ont été défrichés et rendus cultivables par le christianisme...

- La structure de l'homme est fondée sur le péché originel ; que le paganisme perce toujours à nouveau en lui, c'est une expérience qui traverse tous les siècles. La vérité du péché originel se confirme. L'homme retombe sans cesse en deçà de la foi, il veut de nouveau n'être que lui-même, il devient païen au sens le plus profond du mot.

Mais la présence divine en l'homme ne cesse de revenir se manifester. C'est la lutte qui traverse toute l'Histoire. Comme l'a dit saint Augustin : l'histoire du monde est une lutte entre deux formes d'amour : l'amour pour soi-même, jusqu'à la destruction du monde ; et l'amour pour les autres, jusqu'au renoncement à soi-même. ce combat que l'on a toujours pu observer se livre encore maintenant. "

Lumière du Monde, Benoît XVI, entretien avec Peter Seewald, Bayard 2010

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