La culture du clou de girofle essentielle à l'conomie de Zanzibar © Ericky Boniphace - stock.adobe.Com .jpg
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Une économie dépendante du clou de girofle

La moitié de la population active de l’archipel de Zanzibar vit de pêche et d’agriculture, principalement à Pemba qui cultive trois fois plus de clous de girofle qu’Unguja. En 2020, l’agriculture générait 21 % du PIB de l’archipel. Localement, les plantations de manioc et de banane restent les plus cultivées à Unguja, mais c’est la culture du clou de girofle qui domine largement l’économie de Pemba. De petits marchés informels permettent à de nombreuses familles de vendre quelques légumes pour subvenir à leurs besoins. Autre activité importante de l’île : l’aquaculture des algues rouges à Unguja, notamment vers Pajé sur la côte sud, qui draine une certaine économie locale, mais dont le cours à l’international est stable, qui a généré 4,3 millions de dollars en 2020. Enfin, l’artisanat représente 4,7 millions de dollars d’exportation. L’industrie qui représente 15 % du PIB de l’archipel est générée aussi par le clou de girofle, puisque la transformation de cette épice et d’autres huiles essentielles (de citronnelle, d'eucalyptus, de ylang-ylang) dans les deux distilleries de l’île (à Stone Town et Chake Chake) constitue l’activité industrielle unique de l’archipel. Le secteur est limité et donc beaucoup de produits manufacturés sont importés : habits, chaussures… notamment de Chine et d’Inde. Une dépendance qui coûte cher aux habitants. Reste à savoir si le cours mondial du clou de girofle va se maintenir et continuer d'assurer un revenu substantiel à l’archipel, en particulier à Pemba.

Des inégalités criantes entre villages et hôtels de luxe

Le point le plus sensible reste sans doute la répartition des bénéfices de ce tourisme de luxe. Les locaux héritent certes pour certains d’un travail dans les resorts (détenus par des investisseurs européens), mais souvent de femme de ménage et de travailleur peu qualifié (bricolage, jardinage…), par manque d’accès à la formation et d’ouverture du travail aux femmes, dans une société musulmane très conservatrice. En conséquence, les hôtels emploient beaucoup de Tanzaniens « mainland », formés dans des écoles à Dar es Salaam, parlant anglais et swahili. Ils payent de lourdes taxes à l’État, mais la corruption empêche tout progrès pour les villageois. Ils pratiquent des prix très élevés, entre 50 et 200 US$ la nuit, alors que la majorité de la population vit avec moins de 2 US$ par jour… D’ailleurs, le contraste est saisissant : les enfants sur le bord des routes vont à l’école à pied ou attendent des dala-dala surchargés. Il n’y a ni eau courante ni électricité dans les villages (en général, on trouve un puits)… Il n’y a aucun véritable projet de mécénat dans le développement culturel, économique ou éducatif associé aux hôtels, à part quelques initiatives privées. Dommage, car les interactions entre les touristes et les locaux en seraient renforcées. L’économie solidaire a encore du chemin avant de se faire une place au soleil dans l’économie lucrative du tourisme à Zanzibar…

Une île menacée par des complexes ultra bétonnés

Le plan quinquennal (2016-2021) de développement visait une capacité de 2 millions de touristes en 2021. Le nouveau terminal de l’aéroport de Zanzibar fait partie de ce plan, d’une capacité de 1,5 million de visiteurs supplémentaires par an. Un progrès très attendu au vu du chaos qui règne à l’aéroport. Mais, le développement spectaculaire d’une telle économie a déjà un revers de médaille : l’érosion des sols, la disparition de la mangrove (mais une partie est protégée dans le parc national de Jozani), la raréfaction de l’eau, puisqu’un touriste en utilise en moyenne 180 litres par an contre 40 litres pour un local. La surpêche de crabes, langoustes, poulpes et poissons pour fournir les hôtels de luxe est aussi un problème. D’ailleurs, la majorité des langoustes sont importées de Tanga via le grand marché de Mkokotoni. A part le centre de Nungwi, historiquement le premier construit, où les resorts mangent la plage principale, l’île n’a pour l’instant pas encore souffert d’une bétonisation massive. Les bungalows sont en général fabriqués en bois avec un toit de makuti naturel, sans dénaturer le paysage. Néanmoins, de nouveaux hôtels ouvrent tous les ans et un grand projet de développement a débuté au nord de l’île : six hôtels-ressorts de multinationales, de grandes capacités. En 2021, le projet de construction de la plus haute tour d’Afrique de 70 étages a été signé, carrément dans le lagon de Zanzibar, par de puissants Émiratis. Le complexe commercial pharaonique à 15 km de Stone Town promet de l’emploi pour les habitants, avec l’idée d’attirer des clients arabes, mais aussi un gâchis environnemental gigantesque, aquatique et terrestre, qui risque de faire fuir la clientèle des belles plages préservées  de toute l’île.

La prolifération harassante des beach boys

Tant de richesses aux portes des villages sans véritable redistribution crée des convoitises. Une inégalité qui a entraîné la prolifération des « beach boys » ou papaasi (« parasite » en swahili). Des rabatteurs qui essayent de vous vendre des tours classiques sur l’île ou des souvenirs, des bijoux, etc. Tours qui sont organisés par d’autres locaux en direct, faisant concurrence aux agences officielles. Aucune réglementation sur l’île n’encadre ces pratiques. Ne soyez pas étonnée de vous faire accoster sur la plage par ces fameux beach boys. Certains insistent lourdement, d’autres entament la conversation de manière décontractée, mais c’est la répétition incessante de ces conversations qui est fatigante. Quand on veut rester tranquille et faire sa sieste, il vaut mieux se mettre sur un transat en amont de la plage. Des Maasaï sont postés à l’entrée des resorts pour empêcher les beach boys d’importuner les clients en conséquence. Une image pas forcément positive de Zanzibar pour les visiteurs.

Une corruption en recul, mais qui mine le développement

Avant l’élection de John Magifuli à la tête de la Tanzanie, la corruption était telle qu’il était impossible de conduire à Zanzibar sans se faire importuner à tous les check-points de l’île par des policiers qui réclamaient des « backshishi » (en swahili), de façon assez agressive, et de grosses sommes, pour des infractions que vous n’aviez pas commises. Un véritable racket. Aujourd’hui c’est fini, ouf ! Vous pouvez conduire tranquillement aussi bien à Zanzibar qu’en Tanzanie continentale, la police a l'ordre de ne plus importuner les touristes. C’est une autre histoire pour les voitures locales, en revanche. Si le président tanzanien (aujourd’hui décédé et remplacé par sa vice-présidente) n’avait pas que des qualités et commençait à verser dans l’autoritarisme, il a tenu sa parole quant au début du grand ménage de la corruption. Près de 10 000 fonctionnaires corrompus ou démasqués pour des faux diplômes ont été remerciés depuis son élection, et la manne financière du tourisme atterrit désormais dans les caisses de l’État grâce à un nouveau système de paiement via des caisses de banques. Reste à savoir si cet argent sera finalement redistribué pour construire des infrastructures décentes pour les populations : routes (une nouvelle route a déjà été construite entre Stone Town et Nungwi), dispensaires, écoles, électricité, eau courante…

Une société conservatrice, des touristes dénudés

En 2004, des fondamentalistes ont essayé d’imposer la charia à Zanzibar, perpétrant quelques attentats et des agressions, saccageant la maison du mufti, la plus haute autorité religieuse musulmane de Zanzibar. Depuis leur arrestation et leur incarcération, aucune menace fondamentaliste n’est venue ternir l’image de Zanzibar. Si les élections de 2015 et 2020 se sont déroulées sous tension, Zanzibar est globalement stable. Néanmoins, l’attitude des touristes, de plus en plus nombreux et de moins en moins respectueux des mœurs locales, irrite au plus haut point les anciens, très conservateurs. Si auparavant les visiteurs peu nombreux faisaient attention à se couvrir les jambes et les épaules à Stone Town et dans les villages, on voit désormais des groupes se balader quasiment en maillot sans aucune gêne. Une amende de 1 000 US$ administré aux hôtels, par personne se baladant à Stone Town en tenue inappropriée, est en projet pour faire redescendre la pression, mais il sera difficile aux hôtels de la faire respecter, le tourisme s’ouvrant à une industrie de masse et à des clients peu soucieux de l'impact de leur présence à Zanzibar.