Site de Maruhubi © MOIZ HUSEIN - iStockphoto.com.jpg
Dans les rues de Stonetown © SearchingForSatori - stock.adobe.com .jpg

Echos du passé

Kizimkazi abrite l’un des trésors de Zanzibar : une mosquée chirazi du début du XIIe siècle, sans doute l’une des plus anciennes d’Afrique de l’Est. Son mihrab (niche à prière indiquant la Mecque) porte des versets du Coran qui auraient été gravés en 1107. Sur l’île de Pemba, les trésors du passé sont plus anciens encore. A la pointe de la péninsule de Ras Mkumbuu, vous pourrez découvrir les ruines de Qanbalu, la plus ancienne cité musulmane d’Afrique fondée au VIIIe siècle. Y subsistent les vestiges de mosquées, tombes et maisons. Près de Pujini, les ruines de Mkame Ndume témoignent d’une architecture monumentale et défensive. Après cette petite escale à Pemba, revenons à Stone Town et avançons un peu dans le temps, au XIXe siècle plus exactement, un siècle de prospérité pour les sultans d’Oman comme en témoignent leurs palais et mosquées, à l’image de la plus ancienne mosquée de la ville : Msikiti wa Balnara, reconnaissable à son minaret à la silhouette bombée et à la blancheur éclatante. Le plus célèbre des palais zanzibaris est la Maison des Merveilles (House of Wonders ou Beit el-Ajaib). Son foisonnant décor mêle architecture de pierre et architecture métallique, avec notamment des colonnades en acier libérant une belle galerie à claire-voie. Ce palais est aussi le premier à avoir été doté d’un ascenseur ! Ne manquez pas non plus les ruines du Palais Maruhubi avec ses belles colonnes, son aqueduc aérien et les petits réservoirs alimentant le hammam de style perse. Mais la maîtrise persane de l’architecture d’eau est encore plus visible dans les Bains perses de Kidichi avec leurs trois petites salles voûtées surplombées de dômes percés de petites fenêtres en vitrail et décorés de motifs floraux typiquement perses. Autres échos du passé, mais occidentaux cette fois : l’influence britannique que l’on peut lire dans la silhouette du Victoria Hall de Zanzibar ou dans celle de la clock-tower du tribunal de Pemba. Si la cathédrale Saint-Joseph vous dit quelque chose, c’est tout simplement que son architecte est celui de la cathédrale de Marseille dont il a reproduit ici la silhouette aux deux flèches fuselées !

Les trésors de Stone Town

Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le cœur historique de Zanzibar City a été surnommé Stone Town, ville de pierre, du fait de l’architecture unique des maisons qui bordent ses ruelles sinueuses. A côté des modestes demeures swahilies, le plus souvent de plain-pied, et des échoppes indiennes, aux façades étroites souvent très colorées et à l’organisation centrée sur l’espace commercial appelé duka, les maisons dites « omanaises » feraient presque figure de temples urbains. Réalisées en pierre de corail et bois de palétuvier liés à l’aide d’un épais mortier de chaux puis enduites de plâtre et chaulées de blanc le plus souvent, ces maisons sont régies par deux principes clés : le respect de l’intimité et l’aération. De la rue, on ne voit que leurs balcons, ouvragés tels des moucharabiehs pour voir sans être vu, et leurs portes sculptées qui sont devenues les emblèmes de la cité. Observez-les attentivement car elles révèlent bien des secrets sur les propriétaires ! Les plus anciennes, marquées par la culture arabe, possèdent des linteaux rectangulaires ornés de motifs géométriques, tandis que les maisons marquées par la culture indienne possèdent des linteaux semi-circulaires et une abondante décoration florale. Sculptées et travaillées telle de la dentelle, ces portes révèlent des motifs riches de sens : le dattier pour la prospérité, le poisson pour la fécondité, le lotus pour la pureté et la renaissance ; pour la chaîne, certains y voient un symbole de sécurité mais elle désigne plus sûrement la maison d’un propriétaire d’esclaves. Sur certaines portes, vous observerez également d’imposants clous en cuivre à l’allure quelque peu menaçante : ils sont en fait les héritiers de la tradition indienne consistant à planter des pieux et des clous aux seuils et aux portes des maisons pour contrer les attaques… d’éléphants ! La porte est donc le miroir de l’origine et du statut social du propriétaire. Adossés aux façades, les barazas ou bancs de pierre, souvent recouverts de mosaïques, permettent aux habitants de se retrouver. Une fois la porte à double vantail passée, un étroit couloir mène au majlis, salle de réunion et unique espace public de la maison. Le reste de la maison s’organise autour d’une cour centrale bordée d’arcades. De cette cour, un bel escalier ouvragé mène à l’étage. Ces trésors de pierre ont fait l’objet d’un vaste programme de réhabilitation, consistant notamment à permettre aux habitants d’en faire l’acquisition pour un prix modeste en contrepartie de quoi les acheteurs s’engagent à les rénover. D’autres maisons ont été transformées en modestes guesthouses ou hôtels de luxe, mais toutes ont conservé un charme incomparable.

Insolite modernité

En 1964, le président Kurume veut lancer un vaste plan de rénovation urbaine, symbole de sa politique sociale révolutionnaire. A cette époque, la RDA, elle, est en quête de reconnaissance politique sur la scène internationale. Voilà pourquoi elle décide d’investir massivement à Zanzibar et d’aider à la transformation de la société… et voilà comment aujourd’hui le cœur historique dialogue avec Ng’ambo, « l’autre côté », quartier où trônent des barres d’immeubles imaginées sur le modèle des Plattenbau allemands. Longues de 300 m et hautes de 5 étages, ces barres de béton, surnommées les Michenzani Trains, ont été disposées symétriquement suivant un dessin en croix marqué par de larges avenues. Le contraste est saisissant avec les rues étroites du centre historique. Ailleurs dans l’île, notamment à Bambi, les Allemands ont également financé des projets d’immeubles et de maisons uni et bi-familiales alternant entre brique et béton. Des constructions qui détonnent face aux traditionnelles maisons aux murs à clayonnages de bois et torchis et toits de palmes. Abandonné en 1977 car inadapté aux modes de vie de l’île, le projet a repris dans les années 2000 avec la construction de nouvelles barres en 2010… : détonnant ! Tout comme s’apprête à l’être l’improbable projet signé par les autorités de l’île : la Zanzibar Domino Tower, une tour de 70 étages accueillant hôtels et appartements et construite sur une île artificielle accueillant une marina… Ce projet pharaonique devrait coûter la modique somme de 1,3 milliard de dollars, soit 60 % du budget annuel de l’île ! Mais les autorités veulent faire de celle qui devrait être la plus haute tour d’Afrique subsaharienne un atout touristique et économique. Fort heureusement, l’île cherche aussi des moyens de concilier tourisme et respect de l’environnement via des hôtels et éco-lodges faisant la part belle aux matériaux naturels et respectant les traditions et cultures locales, à l’image de l'adresse de luxe Zuri Zanzibar. Souhaitons que cette île mythique puisse conserver son charme unique aussi longtemps que possible, mais au vu des nouveaux resorts bétonnés, ce n'est pas la politique choisie par l'île.