Musique traditionnelle lors du Sauti za Busara © Robin Batista - Shutterstock.com.jpg
Freddie Mercury Museum à Stone Town © posztos - Shutterstock.com .jpg

La musique traditionnelle

La musique est au cœur de la vie zanzibarite. Elle est au centre de toutes cérémonies et accompagne les grands rituels et étapes de l’existence comme les naissances, mariages, etc. Où que l’on se trouve sur l’île, la musique résonne quelque part.

À commencer par les sonorités envoûtantes du taarab. Pilier de l’identité zanzibarite, cette musique métissée, fusion de styles combinant poésie africaine chantée, percussions, instruments à cordes hérités d’Égypte, de l’Inde occidentale et de rites bantous, raconte un pays au carrefour de la route des épices. Ses textes célèbrent l’amour et il est généralement accompagné d’un orchestre assez fourni qui peut compter jusqu’à 40 instruments, notamment à cordes : cithare, oud, violon, violoncelle, mais aussi des accordéons et neys (flûte d’origine persane), et toute une collection de percussions artisanales en tout genre. Le taarab est traditionnellement joué dans les mariages, ou dans les fêtes locales et familiales. Irrésistible, il pousse tous les invités à taper des mains pour battre le rythme devant un parterre de danseurs. Il est important de souligner que - dans une société très traditionnelle où les inégalités de genre sont toujours très fortes – deux des stars les plus influentes du taarab sont des femmes : Siti Binti Saad et Bi Kidude. La première (1880-1950) est LA légende du taarab. Incarnant cette musique depuis près d’un siècle, la « mère du taarab », est, dès les années 1920, la première à produire des titres commerciaux en arabe et en swahili et à étendre ainsi le rayonnement de cette musique à une sphère internationale d’auditeurs. Siti Binti Saad est une pionnière, à la fois première femme d'Afrique de l'Est à enregistrer sa musique - produisant plus de 100 disques au cours de sa vie - et celle qui a ouvert la voie de l’industrie du disque aux femmes de la communauté taarab d'Afrique de l'Est. L’autre grand nom du taarab est Bi Kidude (1910-2013). Célèbre pour sa longévité et son talent de musicienne, elle a incarné le taarab pendant plus de 80 ans aux côtés de Siti Binti Saad, imprimant le genre de sa voix si particulière. Dans la jeune génération, Siti Muharam, arrière-petite-fille de la légende Siti Binti Saad, est remarquable par sa volonté de plonger la tradition dans la modernité. Citons également Siti Amina, chanteuse et joueuse charismatique d’oud, elle aussi héritière de Siti Binti Saad à sa manière et conviant de multiples esthétiques zanzibarites comme le Ngoma ou le Zenji Flava. Ce sont ces artistes, icônes comme membres de la jeune garde, qui font voyager la culture taarab, partout où les peuples parlent le swahili. Le genre constituant une part importante de leur vie sociale, on peut également en entendre en Tanzanie, au Kenya ainsi qu’en Ouganda, au Rwanda et au Burundi. Quiconque serait intéressé par le genre se doit de regarder Zanzibar musical club. Ce documentaire franco-allemand de 85 minutes sorti en 2009, et réalisé par Philippe Gasnier et Patrice Nezan, plonge le spectateur au cœur du taarab et permet notamment d’approcher la légende Bi Kidude, nonagénaire à l’époque. A voir absolument ! Et outre ce film, le meilleur moyen d’explorer le taarab est encore d’aller dans un des excellents clubs qu’offre Stone Town. La capitale en compte trois importants : Ikhwan Safaa Club (« les frères qui s’aiment »), le Culture Musical Club et le DCMA (Dhow Country Music Academy). Le premier a été fondé en 1905. Il abrite le plus ancien orchestre de Zanzibar dont les origines remontent plus loin que n’importe quel autre orchestre en Afrique. Il a porté le taarab tout au long du XXe siècle. Chaque musicien réputé de Zanzibar y a joué à un moment de sa carrière. Son courant est assez traditionnel et convie poésie délicate, performances remarquables, fioritures vocales sophistiquées directement liées à sa racine arabe et mélodies finement ciselées. Dans son studio club où ses membres se réunissent pour jouer, on découvre des murs tapissés de vieilles photos qui retracent l’histoire du club, honore ses légendes passées à la postérité ou encore vivantes. Ce club s’est exporté dans des concerts prestigieux au Kenya, au Burundi, à Oman, à Dubaï, mais aussi à Londres. Le deuxième, le Culture Musical Club, est plus récent. Fondé en 1958, il est une création du Shirazi Party Afro qui voulait libérer l’île de la domination arabe. Aujourd’hui, le Culture Musical Club contient non seulement le plus grand, mais aussi l’un des orchestres les plus prolifiques de Zanzibar, ayant développé un style unique. Il se produit dans la ville mais aussi dans les campagnes environnantes, ce qui fait sa popularité. Depuis 1988, des centaines de chansons ont été composées par cet orchestre. Le groupe se produit aussi régulièrement en Europe depuis 1996, une success story équivalente à celle du Buena Vista Social Club et que l’on voit dans le documentaire mentionné précédemment. Depuis, les répétitions des membres dans le club sont devenues en quelque sorte une attraction touristique. La dernière excellente adresse en ville n’est pas tout à fait un club mais plutôt une école - la seule et unique de musique professionnelle de l’île. Le DCMA (pour Dhow Country Music Academy) a été fondé en 2002 par une ONG et le célèbre musicien Mohamed Issa Haji (communément appelé « Matona ») pour préserver, développer et promouvoir le patrimoine musical de Zanzibar et de la côte swahilie. Près de 600 élèves y étudient les musiques swahilies traditionnelles et expérimentent des styles davantage « fusion » que les autres clubs – c’est ainsi qu’il a permis d’offrir un vrai renouveau au genre - car c’est un centre de résidence d’artistes internationaux et nationaux avec des ateliers créatifs et des rencontres musicales. Vous verrez ses membres jouer tous les jours au Rooftop, restaurant voisin à Stone Town. Ne manquez pas ce show  - tous les jours de 20h à minuit –, il est gratuit et propose différents styles : certains soirs plus orientés kidumbak ou plus modernes et fusion, « extravaganza » ou « asilia ».

Le kidumbak est un style proche du taarab, plus populaire dans les classes défavorisées. Utilisé pour produire les derniers hits à la mode, beaucoup de jeunes s’y essayent dans des groupes avant d’être admis dans des cercles plus prestigieux d’orchestre taarab. Un instrument solo s’occupe de la mélodie, souvent un violon (joué assez frénétiquement), accompagné d’un sanduku (une contrebasse artisanale), deux petites percussions en argile (ki-dumbak) et d’autres instruments percussifs variés. Cette musique est plus rythmée que le taarab, sa danse plus sensuelle, et les paroles moins drastiques que les chansons poétiques du taarab. Pendant les mariages, le chanteur doit être capable de suivre des rythmiques Ngoma tout en improvisant des paroles à la gloire des mariés. Tout au long de la cérémonie, l’intensité de la musique va crescendo au fur à mesure des chansons, et l’interaction entre les musiciens, les danseurs et les invités qui chantent les chœurs est de plus en plus festive. Sina Chuki Kidumbak est un ensemble populaire du genre.

L’autre grand courant de l’île est le ngoma. Ce mot signifiant « percussion » en swahili englobe toutes les formes de jeux et danses en rythme, et il célèbre la vie et la culture. Il existe de nombreuses variantes en Tanzanie, dont certaines sont originaires de Unguja et Pemba. Chaque tribu à son propre style de ngoma, avec chansons, costumes traditionnels (en général une robe sophistiquée) et percussions spécifiques. Le marimba est la percussion traditionnelle des rythmes ngoma bantous. Elle est constituée d’une petite caisse de résonance en bois, rectangulaire, sur laquelle sont montées des tiges de fer par taille décroissante. On peut entendre et voir du ngoma au fameux Monsoon Restaurant, l’établissement le plus réputé de Stone Town. Ici, la découverte de la culture swahilie proposée passe autant par la gastronomie que la musique et l’endroit programme ainsi de la musique ngoma tous les mardis et vendredis soir. Le Vieux Fort Arabe accueille lui aussi souvent des représentations de ngoma et taarab et, autrement, on en entendra bien sûr aussi au DCMA.

Dérivé du ngoma, n’oublions pas de mentionner l’unyago, une forme musicale jouée pour les fiancées swahilies avant le mariage. Cette cérémonie enseigne le maquillage, l’intimité sexuelle, la cuisine avec des mouvements et paroles très explicites pour initier les jeunes filles à donner du plaisir à leur mari. Bi Kidude, la star de la musique zanzibarite, en a souvent joué. Citons aussi le beni, musique créée à l’origine pour se moquer des orchestres de musique militaire coloniale anglaise et dont les groupes se produisaient au départ dans les mariages et les parades de rue en costumes burlesques.

La tradition musicale zanzibarite est particulièrement riche et le festival Sati Za Busara se tenant en février à Stone Town en offre un très bon panorama. Cet événement de quatre jours, l'un des plus grands d'Afrique de l'Est, créé en 2003 pour le rayonnement de la musique traditionnelle et contemporaine, connaît un succès phénoménal. Comme il est gratuit, tous les locaux viennent à Stone Town pour en profiter. Il débute par une parade dans la ville, une sorte de carnaval avec des échassiers, acrobates, percussionnistes et brass band de Beni, qui circule du terminal de dala dala jusqu’au waterfront. Environ 400 artistes se produisent dans plus de 40 concerts sur 3 scènes chaque année.

Les musiques actuelles

La passion pour le taarab s’est émoussée avec le temps et dans les années 1990, les jeunes ont commencé à se tourner vers la pop et le bongo flava, le hip-hop tanzanien. Fortement influencé par le rap américain, il intègre aussi des éléments de dancehall, reggae, afrobeat, R'n'B et des instruments de musique traditionnelle taarab pour offrir une saveur unique. Si au départ ce courant alternatif et musicalement riche dénonçait la corruption, la pauvreté, les injustices sociales et prônait le militantisme, le style a dérivé – suivant son grand frère américain - vers un genre plus stéréotypé, pensé pour les ventes et très autotuné, voire de piètre qualité. Depuis l’âge des pionniers, incarné par Mr. II, l’auteur du premier hit de Bongo Flava en 1995, Ni Mimi, de nombreuses stars ont dynamisé le genre comme Juma Nature, Jay Moe, Dully Sykes et plus récemment Ali Kiba, Diamond Platnumz et Vanessa Mdee.

Bien que très populaire dans le pays, le bongo flava a vu se développer une version purement zanzibarite nommée le zenji flava. Né lui aussi dans les années 1990, il ressemble en tous points au bongo flava, la principale différence entre les deux sous-genres étant que le pendant de Zanzibar contient une certaine influence taarab.

À noter que le reggae et le ndombolo, musique hyper dansante originaire du Congo, sont eux aussi particulièrement populaires à Zanzibar.