Guide du Turkménistan : Histoire
L'histoire de l'Asie centrale a longtemps été celle d'un affrontement entre nomades et sédentaires, entre conquérants des steppes et paisibles commerçants des oasis. Elle est également une histoire de rencontres entre Orient et Occident, de cohabitations et mélanges culturels entre peuples turcophones et persans. Le " Milieu des empires " selon le titre de l'ouvrage de René Cagnat et Michel Jan, se situe au point de convergence de plusieurs sphères d'influences, qui ont modelé et continuent de façonner son histoire.
Longtemps totalement isolée du reste du monde, l'Asie centrale a commencé à nouer des contacts avec les populations des alentours vers le troisième millénaire avant notre ère. À cette époque, des groupes de nomades venus de Russie traversent la région avant de s'installer en Inde et en Iran.
Les premières implantations urbaines apparaissent vers le deuxième millénaire, et les villes les plus célèbres ont vu le jour durant le premier millénaire. La légendaire Afrosiab, dont le site archéologique jouxte aujourd'hui Samarkand, apparaît vers cette époque. Mais le véritable essor urbain de la région se fait au VIe siècle sous l'empire perse des Achéménides. Le coeur de l'empire centré sur l'Iran établit à cette période une série de principautés vassales qui rassemblent les villes les plus prospères.
Les royaumes de Sogdiane (ancienne Transoxiane, entre l'Amou Daria et la Syr Daria, qui abrite les villes de Boukhara et Samarkand), de Khorezm (qui deviendra Khiva), de Bactriane (en Afghanistan et au Turkestan), de Margiane (autour de la ville de Merv au Turkménistan), d'Aria (à Hérat), de Scythes et d'Arachosia (vers Kandahar) passent tous sous la houlette perse. Dès cette époque, les réseaux commerciaux sont mis en place, ancêtres de ce qui deviendra la prospère route de la soie. Les Sogdiens, qui peuplent le royaume du même nom, s'imposent rapidement comme les meilleurs commerçants de la région. Il ne reste presque aucune trace écrite de leur histoire, mais leur présence est attestée jusqu'au coeur de l'empire chinois.
L'empire perse des Achéménides est mis à mal en 330 avant notre ère par les troupes d'Alexandre le Grand. L'armée grecque conquiert rapidement l'Égypte, l'Asie mineure et la Perse, mais doit faire face à une importante résistance de la part des populations d'Asie centrale, notamment dans le royaume de Bactriane.
Pendant son avancée vers l'Est, Alexandre fonde une nouvelle Alexandrie à Begram, dans la région de Kaboul. Il traverse ensuite l'Amou Daria, si large que les Grecs la prennent pour une mer, puis s'empare de Marakanda (Samarkand) après être venu à bout d'une résistance acharnée. Alexandre conquiert ensuite la ville de Tribactra (Boukhara), et conclut un accord de paix avec les Saces (des nomades venus du nord de l'Amou Daria, puis sédentarisés en Ouzbékistan) qui contrôlent Tachkent. Une nouvelle Alexandrie est fondée à l'extrémité nord du nouvel empire d'Alexandre, à l'emplacement de l'actuelle Khodjent, au Tadjikistan. Mais l'emprise d'Alexandre ne fut jamais totale sur la Bactriane, où les populations sogdiennes entretenaient un état de rébellion permanente. Le problème fut partiellement résolu par le mariage d'Alexandre et de Roxane, fille de l'un des princes sogdiens. Ce mariage mixte fit école auprès des guerriers. Une légende tadjike raconte d'ailleurs qu'Alexandre fit tuer tous les hommes des terres conquises afin de marier les femmes sogdiennes à ses hommes de troupe. C'est ainsi que beaucoup, jusque dans les vallées les plus reculées du Pamir, se réclament de ces ancêtres macédoniens.
En seulement cinq ans, Alexandre avait fondé une nouvelle civilisation, née de la rencontre entre les cultures grecques et indiennes, et avait ouvert des routes jusqu'aux limites du monde connu. Mais après avoir atteint la vallée de l'Indus et compris que le monde ne s'arrêtait pas à ses rives comme le lui avait enseigné son maître Aristote, Alexandre retourna à Babylone, où il s'éteint en 323. L'empire macédonien ne résista pas à la disparition de son fondateur, et commença à se disloquer peu après sa mort. La partie asiatique revint à la dynastie des Séleucides, du nom de l'un des lieutenants d'Alexandre, Séleucos Nikator.
Son pouvoir s'étendait de Khodjent jusqu'à l'océan Indien, et englobait la Sogdiane, la Bactriane et la vallée de l'Indus (soit le sud de l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, l'Afghanistan et le Pakistan). Dès 250 avant J.-C. Le royaume de Bactriane, bien que pro helléniste, commença à manifester de nouvelles velléités d'indépendance. Mais pour les Séleucides le plus grand danger venait de l'est de la mer d'Aral, où les Parthes, encore nomades, ne faisaient qu'entamer leur glorieuse histoire. De l'autre coté du " toit du monde ", la mystérieuse Thina, nom que donnaient les romains à la Chine, entamait son inexorable expansion vers l'ouest. C'est au milieu du second siècle avant notre ère que les deux mondes vont se rencontrer. À cette époque les Xiongnu, nomades huns fort belliqueux, ne cessaient de mordre la frontière nord d'une Chine impériale prospère et bien tentante. L'empire du Milieu calmait les envahissants voisins en les comblant de soieries, mais ces redoutables guerriers étaient insatiables. C'est en recherchant une alliance contre les barbares que la Chine fit entrer le monde dans une ère nouvelle. Tout commença par la découverte d'un cheval peu ordinaire originaire du pays de Kokand. Si la soie n'avait pu suffire à acheter la paix avec les tribus huns, elle pouvait acheter la meilleure des armes : les " chevaux célestes ", ces solides chevaux de la vallée du Ferghana, aux sabots presque inusables - à l'époque les chevaux n'étaient pas ferrés -, et si rapides que leur sueur était de sang.
La chute de l'empire des Séleucides laisse place à une période d'intenses relations commerciales entre l'Est et l'Ouest, mais également à de vastes mouvements de population. Sur le plan commercial, la Chine lance de nombreuses ambassades vers l'ouest, dont celle de Zhang Qian, un émissaire parti avec une mission diplomatique et revenu treize ans plus tard avec de nouvelles routes pour les marchands. La route de la soie connaît alors une nouvelle phase de prospérité profitable à toute l'Asie centrale jusqu'en Chine. Mais au même moment, les riches marchands des oasis sont harcelés par des tribus nomades venues du nord. Les Xiongnu venus du nord de la Chine et de Mongolie poussent vers l'ouest les Yue-Tche, obligés sous la pression de se déplacer du bassin du Tarim vers Saka. Et les habitants de Saka sont à leur tour forcés de migrer vers les terres des Sogdiens.
La situation se calme au I er siècle avant notre ère, lorsque les descendants des Yue-Tche, entre-temps convertis au bouddhisme, arrivent à pacifier une vaste zone s'étirant du nord de l'Inde jusqu'à l'Afghanistan et la Sogdiane. Sous le nom d'empire des Kouchans, ces nouveaux dirigeants de l'Asie centrale vont régner pendant quatre siècles, jusqu'en 226 de notre ère.
Le plus grand prince des Kouchans, Kanishka avait fait de son empire le foyer mondial du bouddhisme, un empire tolérant et cosmopolite dont les habitants gardaient encore un mode de vie semi-nomade, mais où coexistaient et s'épanouissaient les confessions les plus différentes : zoroastrisme et bouddhisme puis, plus tard, manichéisme. Une liberté spirituelle et une prospérité commerciale qu'attestent les trouvailles archéologiques, et notamment les innombrables pièces de monnaies à l'effigie de divinités aussi différentes que le Shiva hindou, Mithra le soleil, Mao la lune, Artoasp le dieu des eaux, ou encore Nanaya, la déesse sémite de la fécondité.
Cet empire rayonnant, qui donna naissance à l'art gréco-bouddhique du Gandhara, prit fin au IV ème siècle, mais dès le III ème siècle, les attaques de son voisin sassanide l'amputaient d'une grande partie de ses territoires occidentaux. Les Huns l'achèveront.
Dès la première moitié du IIIe siècle, les Perses sassanides, qui entendaient recréer l'empire des Achéménides, avaient éliminé les Parthes et s'étaient emparés de la Transoxiane. Dans ce nouvel empire perse, découpé en satrapies (royaumes ou principautés) comme celui des Achéménides, le zoroastrisme était la religion officielle. La liberté de culte qui régnait sous les Kouchans fut interrompue, parfois brutalement. La Transoxiane servait de lieu d'exil aux indésirables, de sorte que presque toutes les confessions s'y retrouvaient : christianisme nestorien, bouddhisme, manichéisme, hindouisme, judaïsme, chamanisme et bien sûr zoroastrisme. Pendant presque deux siècles un grand désordre peu propice au trafic de caravanes régna dans la région, et les Chinois perdirent le contrôle des routes dans le bassin du Tarim. Les voies terrestres passant par l'Asie centrale étant fermées, le commerce se fit par voie maritime ; ainsi, du IIIe au Ve siècle, grâce aux ports du golfe persique, les Perses sassanides auront le monopole du commerce entre la Chine et l'Occident.
Au milieu du Ve siècle les voies terrestres furent à nouveau ouvertes. Les nomades türks, alors maîtres de la Sogdiane, se contentaient de percevoir des impôts et laissaient une grande liberté à leurs sujets, tant que ceux-ci restaient de bons payeurs. Les marchands sogdiens envoyèrent des ambassades en Chine, mais les Perses virent d'un très mauvais oeil ces nouveaux concurrents et refusèrent de commercer avec eux. L'ambassade sogdienne envoyée auprès du Shah de Perse reçut un accueil qui ne laissait aucun espoir : le sogdien Maniakh qui conduisait la délégation de commerçants réussit bien à vendre la soie chinoise aux Perses, mais le shah la fit immédiatement brûler sous ses yeux pour lui montrer ce qu'il pensait de leur future collaboration. Cette humiliation ne perturba point Maniakh, qui contacta alors directement les Byzantins en passant par le nord du Caucase et la mer Noire, ouvrant ainsi une nouvelle route commerciale qui évitait les terres perses. Les Sogdiens savaient se montrer habiles commerçants, mais ils étaient aussi des cultivateurs et artisans réputés. Les grands propriétaires terriens, appelés " dekhkan ", vivaient dans des forteresses entourées de terres irriguées, de vergers et de vignobles. L'aristocratie sogdienne s'adonnait aux jeux équestres, aux échecs, mais aussi à la boisson. Procope les décrit comme les plus grands buveurs de vin du monde. Très bon artisans, ils fabriquaient et faisaient le commerce d'objets de bois finement sculptés, de vaisselle d'or et d'argent, d'articles de verre coloré, de tissus brodés, ainsi que de cottes de maille souples et d'une grande résistance, qui étaient encore célèbres du temps de Tamerlan.
Quelques années à peine après la mort du prophète Mohammed, les troupes arabes s'emparent de la Perse en 642, et établissent une base militaire à Merv. Les habitants de Transoxiane résistent vaillamment à l'invasion, mais ne peuvent empêcher la chute de Boukhara en 709 puis de Samarkand en 712. Lors de cette première campagne arabe en Sogdiane, les troupes musulmanes atteignent les rives de la Syr Daria et s'emparent de Tachkent et de Ferghana. Mais les princes sogdiens profitent de l'assassinat du gouverneur général de Khorassan, en 715, pour reprendre leur liberté. Les Arabes étaient eux aussi désunis : les Abbassides, très implantés dans les régions orientales du califat, voulaient renverser le pouvoir omeyade et manipulaient les Kharidjites et les Chi'ites, deux groupes dissidents qui considéraient les Omeyades comme des usurpateurs. D'autre part, les très nombreuses communautés religieuses (juives, nestoriennes, manichéennes) étaient toutes prêtes à se rebeller. Plusieurs révoltes secouent la région. Pour calmer la situation et accélérer les conversions, les Arabes décident que les convertis à l'islam seront dispensés d'impôts. Le résultat est catastrophique pour les finances du gouverneur : tous se disent musulmans et l'on ne trouve plus un seul contribuable dans la région. Une nouvelle taxe est alors levée et l'insurrection devient générale.
En 750, les Abbassides renversent les Omeyades et transfèrent la capitale du califat de Damas à Bagdad. En Sogdiane la situation est anarchique. Abu Salim, le nouveau gouverneur du Khorassan, règle la situation à coups de cimeterre et, à Talas, anéantit l'armée chinoise qui, profitant du désordre général, tentait une percée par le nord. Malheureusement la gloire de ce jeune et fougueux gouverneur déplaît à Bagdad et il est assassiné sur l'ordre du calife. La victoire de Talas stoppa l'avancée chinoise et évita sans doute que la totalité de l'Asie centrale ne devienne une nouvelle province de l'empire du Milieu. Mais cette victoire eut une autre conséquence plus inattendue : parmi les captifs chinois ramenés à Samarkand, se trouvaient plusieurs fabricants de papier ; la Sogdiane se retrouvait ainsi en possession d'une " technique de pointe " qu'elle s'efforça de conserver secrète le plus longtemps possible.
Les révoltes continuent pendant plus d'un demi-siècle. Puis, à partir du VIIIe siècle, les Perses remplacent progressivement les Arabes aux postes gouvernementaux, apportant ainsi à Bagdad toute la richesse des cultures sogdienne et bactrienne.
Il faudra attendre la dynastie des Samanides pour que la Sogdiane retrouve sa grandeur. Boukhara devient alors la capitale du nouvel empire et connaît une prospérité sans précédent.
La conquête arabe transforma le paysage commercial de l'Asie centrale. Les révoltes et les destructions qui durèrent pendant plus d'un siècle furent peu propices au commerce, et une grande partie des échanges commerciaux se fit à nouveau par la mer. Les Arabes monopoliseront le trafic maritime jusqu'à l'invasion mongole.
À la veille de la déferlante mongole, l'État du Khorezm est la principale puissance de l'Orient musulman. Il s'étend de la mer d'Aral aux marges de l'Inde. Au nord-est du Khorezm, le puissant État kara-kitaï règne sur les steppes. Convertis au bouddhisme, les Kara-Kitaï seront à l'origine de la légende du prêtre Jean, que colportèrent les croisés. En 1212, Genghis Khan s'empare de l'Empire kara-kitaï. Voulant tout d'abord établir des relations diplomatiques et commerciales avec son nouveau voisin musulman, il fait partir en 1218, en direction du Khorezm, une immense caravane marchande chargée de fourrures, d'or et d'argent. La caravane est pillée et ses marchands assassinés par le gouverneur de la ville d'Ortrar, près de la Syr Daria. Genghis Khan, qui apparemment tenait à établir des relations pacifiques et commerciales avec la civilisation turco-persane, envoie ses ambassadeurs demander réparation auprès de Mohamed Shah, qui croit montrer sa puissance en les faisant assassiner. La vengeance de Genghis Khan est terrible. Une armée de plusieurs centaines de milliers d'hommes part vers le Khorezm. Le gouverneur d'Ortrar qui s'était emparé des richesses de la caravane mongole est fait prisonnier, et, pour le punir de sa cupidité, on lui coule de l'argent fondu dans les yeux et les oreilles. Les armées de Genghis Khan s'emparent de Khodjent, Nourata, Boukhara, et Samarkand. Cette dernière est presque entièrement détruite en 1220. Genghis Khan s'acharne tout particulièrement sur Konye Urgench, l'ancienne capitale du Khorezm, qui est entièrement rasée en 1221. Quand les habitants acceptaient de se rendre, il les laissait sortir de leur ville, et donnait la cité en pillage aux guerriers. Tous ceux qui leur résistaient étaient impitoyablement exécutés.
La paix ou... la torpeur qui suivirent ces destructions sont propices au commerce et à l'évangélisation, et plusieurs Occidentaux partent alors à la découverte d'un monde inconnu. De multiples ambassades se dirigent vers l'Orient. Les Mongols sont à cette époque maîtres de la Chine, de l'Inde, de l'Asie centrale, de la Sibérie, de la Russie jusqu'à Kiev et de la Perse jusqu'à la Syrie ! Le plus grand empire jamais connu. L'empire de Genghis Khan était si sûr qu'on disait qu'une jeune fille portant sur sa tête un plateau d'or pouvait le traverser sans crainte... C'est à cette époque que le franciscain Jean du Plan Carpin est envoyé par le pape en mission de reconnaissance auprès des Mongols. Son voyage jusqu'à Karakorum, la capitale mongole, prit un peu plus de deux ans, et il fut accueilli comme un miraculé à son retour. Cinq ans plus tard, Guillaume de Rubrouk se rend lui aussi à Karakorum. Il en rapporta un récit très vivant sur les coutumes et les croyances des Mongols. " Comme Dieu a donné à la main plusieurs doigts, il donne aux hommes plusieurs chemins ", lui dira le khan Mongka. Les Mongols, qui étaient chamanistes, respectaient toutes les religions et tenaient souvent à ce que les missionnaires prient pour leur longévité ; des prières en échange desquelles ils leur octroyaient des exemptions de taxes.
En 1272, deux marchands vénitiens, Nicolo et Marfeo Polo, accompagnés de leur fils et neveu Marco Polo, partent vers la Chine, le " pays des Sères ". Pour Nicolo et Marfeo, c'était le second voyage en Orient, le premier les ayant conduits jusqu'au khan mongol et à Boukhara, où ils avaient passé trois années. Ce second voyage devait être fait en bateau, mais les guerres chinoises en mers du Sud les firent changer leur itinéraire, et, pour se rendre en Chine, ils traversèrent l'Asie centrale en passant par Balkh, le Pamir et Kashgar. Le récit de ce voyage, qui dura vingt-cinq ans, est à la fois un conte foisonnant de personnages fantastiques, et un roman d'aventure. Il rencontrera un énorme succès et fera de Marco Polo un personnage presque mythique.
À la mort de Genghis Khan en 1227, l'empire est partagé entre ses descendants qui parviennent à conserver son unité pendant près d'un demi-siècle. Mais à la mort du grand khan Mongka, l'empire commence à s'effriter, et la scission entre nomades et sédentaires se fait une fois de plus sentir. Le khanat des Djaghataïdes (descendants du deuxième fils de Genghis Khan qui avait hérité de la Transoxiane) se détache du reste de l'empire. Et en 1334, la Transoxiane éclate à son tour en plusieurs khanats dirigés par des émirs turcs musulmans.
Genghis Khan était mort depuis longtemps, mais sa gloire était encore présente en chaque guerrier quand, au XIVe siècle, apparaît un nouveau conquérant : Timour, surnommé Timour Leng (Timour le Boiteux) à cause d'une blessure au genou qui le rendait boiteux. C'est ce surnom, transcrit sous la forme de Tamerlan par les Occidentaux, qui sera retenu par l'histoire européenne. Revendiquant une lointaine parenté avec Genghis Khan, Timour se fait proclamer émir de Transoxiane en 1370, et passera le reste de sa vie à annexer les États voisins : le Khorezm, l'Iran, la Mésopotamie... Il atteindra Kazan, menacera Moscou et Kiev, descendra en Inde, prendra Delhi. La mort le faucha au moment où il préparait une vaste campagne en direction de la Chine.
Entre deux conquêtes victorieuses, Tamerlan retournait dans sa ville préférée, son joyau, Samarkand, la nouvelle capitale de son empire. Et il la parera de tous les attraits : palais, mosquées, mausolées, mais aussi et surtout il y fera construire un grand bazar, des ruelles de boutiques, des coupoles marchandes et des caravansérails.
Il savait que les nombreuses caravanes qui arriveraient dans sa ville, venues de tous les horizons, rapporteraient la magnificence de la capitale du plus grand des conquérants. Il fit tout pour encourager le commerce, et dans les courriers qu'il envoya aux rois de France et d'Angleterre pour annoncer sa victoire sur les Ottomans, il garantit que les marchands qui viendraient à Samarkand seraient traités avec le plus grand respect.
On trouvait de tout sur les marchés de Samarkand. L'organisation y était de fer, comme l'émir le voulait. Chaque ruelle ou artère commerçante était spécialisée dans un type de marchandise afin de stimuler la compétition, et de conduire les marchands à surveiller la qualité de leurs produits. Les tissus et les étoffes, souvent fabriqués localement, étaient d'une variété incroyable : soieries multicolores, damas, taffetas, draps de satin, soieries brodées d'or venant de Chine, velours, précieuses toiles de laine d'Europe, cotonnades unies ou imprimées venant d'Inde. On trouvait aussi des fourrures de Sibérie, des cuirs tatars, des porcelaines de Chine, des couteaux de Damas, des rubis et des lapis-lazuli du Badakhchan, des épices, des fruits, des légumes... Les marchands étrangers quittaient Samarkand avec le regret de ne pouvoir tout emporter. Ils furent les meilleurs " attachés de presse " de Tamerlan. Les informations se colportaient de caravansérail en caravansérail, et les merveilles de la cité augmentaient en fonction de la distance. Samarkand, avec ses jardins et ses éblouissantes coupoles bleues, devint une ville de légende.
À la mort de Tamerlan, son empire éclate très rapidement. Les Timourides, successeurs directs de Tamerlan, se déplacent vers Herat, et maintiennent leur contrôle sur l'Iran, le royaume de Khorezm et la Transoxiane. Mais dès la deuxième génération des Timourides, des querelles internes laissent le champ libre aux nomades des marges de l'empire : les Ouzbeks et les Kazakhs à l'ouest, et les Oïrats à l'est commencent à s'organiser de façon autonome.
IIe millénaire av. J.-C : les premières implantations urbaines sont créées à Afrosiab, site de l'actuelle Samarkand. La région est encore essentiellement peuplée de tribus nomades.
330 av. J.-C : arrivée d'Alexandre le Grand en Asie centrale qui détrône les Achéménides.
250 av. J.-C. - 226 de notre ère : empire des Kouchans.
226-651 : la région se trouve en grande partie sous domination des Sassanides.
642-712 : conquêtes arabes en Asie centrale.
IXe et Xe siècles : règne des Samanides sur tout le territoire de l'Ouzbékistan moderne. Période de prospérité de Boukhara.
1220 : les troupes mongoles déferlent sur l'Asie centrale. Boukhara est rasée.
1334 : l'empire mongol éclate en plusieurs royaumes concurrents, dirigés par des émirs türks de religion musulmane.
1370 : Tamerlan se fait proclamer émir de Transoxiane et entame sa conquête de la région.
1405 : mort de Tamerlan. Son empire ne lui survivra pas et sera rapidement divisé en plusieurs royaumes.
XVe siècle : l'Asie centrale est divisée en plusieurs khanats dirigés par des Ouzbeks. Plusieurs dynasties se partagent la région jusqu'à l'arrivée des Russes.
1635-1758 : des attaques de tribus venues du Nord sèment la panique au Kazakhstan, au Kirghizistan et en Chine, entraînant d'importants mouvements de population en Asie centrale. Les Russes commencent à avancer vers le sud.
1862-1884 : les armées du tsar s'emparent de toutes les grandes villes d'Asie centrale : Bichkek en 1862, Tachkent en 1865, Samarkand en 1868, Khiva en 1873, Kokand en 1877 et Merv en 1884.
1916 : violentes révoltes des populations d'Asie centrale contre la colonisation russe.
1917 : Révolution russe.
1924 : création des républiques socialistes soviétiques d'Asie centrale.
1930-1940 : la collectivisation et les purges organisées par Staline entraînent une hécatombe dans toutes les républiques d'Asie centrale.
1948 : Achgabat est entièrement détruite par un tremblement de terre. Le pouvoir soviétique isole totalement la ville pour masquer la catastrophe au monde occidental.
1954 : début de la campagne des " terres vierges " au Kazakhstan.
1966 : Tachkent est à son tour détruite par un violent tremblement de terre.
1991 : effondrement de l'Union soviétique. Les cinq républiques d'Asie centrale déclarent leur indépendance les unes après les autres. Il s'agit pour ces cinq pays du début d'une nouvelle ère à la fois politique et économique.
Niazov (Turkménistan), Karimov (Ouzbékistan) et Nazarbayev (Kazakhstan) deviennent les premiers présidents de la république de leur pays. Si Niazov est mort durant son règne en 2006, les deux autres sont toujours en exercice.
1992 : au Tadjikistan, la lutte politique entre les tenants d'un régime " à la soviétique " et les partisans d'un islam rigoureux dégénère en lutte armée. Les " soviétiques " s'emparent du pouvoir en décembre. Mais la guerre civile continue.
1994 : Rahmonov est élu président du Tadjikistan.
1995 : troubles politiques au Kazakhstan, tensions entre Russes et Kazakhs. Nazarbayev renforce le régime présidentiel. En mars 1995, un référendum autorise Karimov à prolonger son mandat présidentiel jusqu'en 2000 au lieu de 1997.
Akayev est réélu président du Kirghizistan (71,6 % des voix) et considéré comme le chef du régime le plus démocratique d'Asie centrale.
1996 : élections présidentielles kazakhs repoussées à 2000 par référendum.
1997 : signature d'un traité de paix au Tadjikistan, après cinq ans de guerre et plusieurs dizaines de milliers de morts.
1999 : Niazov se fait nommer président à vie par le parlement du Turkménistan.
2000 : victoire écrasante de Nazarbayev aux élections présidentielles du Kazakhstan. Karimov est également réélu en Ouzbékistan avec 91 % des voix. Rahmonov remporte un deuxième mandat présidentiel au Tadjikistan.
2001 : le Ruhnama, oeuvre "culte" rédigée par le président Niazov, devient " livre sacré " de la nation.
2002 : le Turkménistan adopte un nouveau calendrier qui rebaptise les mois de l'année des noms des héros nationaux, du Turkmenbashi et de sa mère.
2005 : au Kazakhstan, Nazarbayev remporte une nouvelle victoire à la soviétique avec 91% des suffrages.
Au Kirghizistan, grandes manifestations populaires pour contester le résultat des élections législatives et l'état de corruption du régime et du clan Akayez. La " révolution des tulipes " contraint Akayev à l'exil. Bakiev est élu dans la foulée à la tête de l'état.
En Ouzbékistan, répression sanglante de la révolte d'Andijan par Karimov en mai, les manifestant seraient officiellement des islamistes.
2006 : Victoire aux élections et troisième mandat pour Rahmonov. Mort du Turkmenbashi Niazov.
2007 : Berdymoukhammedov est élu président du Turkménistan avec 89% des voix. Islam Karimov est une nouvelle fois élu en Ouzbékistan.
2009 : Réélection de Kurmanbek Bakiev au Kirghizistan.
2010 : le Kirghizistan abolit la peine de mort. En avril, le président Bakiev est contraint à la démission suite aux manifestations de l'opposition réprimées dans le sang (près de 100 morts). Un gouvernement provisoire est mis en place et l'ancien président se poste en veille avec ses fièles dans son fief du Ferghana kirghize.
Depuis l'indépendance de l'Ouzbékistan, Tamerlan est devenu la référence historique du pays. Pas une ville qui n'ait sa statue, sa place ou sa rue Amur Timur. Le conquérant du XIVe siècle est une de ces figures historiques encore très controversées, difficile à cerner tant la légende y tient une part importante. Les sources écrites sur les premières années de sa vie sont inexistantes, et Tamerlan est surtout connu pour sa succession de campagnes victorieuses menées vers l'Inde, la Chine ou la mer Égée, de 1370 jusqu'à sa mort. La destruction de centaines de villes, les têtes des ennemis tués assemblées en tours, ont laissé des souvenirs et des traces dans une grande partie du monde oriental, occultant la paix qui régnait au coeur de son empire et le fantastique essor commercial illustré par Samarkand, la capitale de Tamerlan. Le prix à payer fut terrible, et l'empire ne survécut pas longtemps à la mort de son fondateur, se divisant aussitôt en principautés rivales qui disparaîtront moins d'un siècle plus tard. La lignée de Tamerlan donna naissance à deux personnalités qui s'illustrèrent chacune de façon très différente : Oulough Begh, l'astronome, et Babur, le chevalier errant qui ira fonder l'empire moghol en Inde. Ces hommes de lettres et de culture doivent beaucoup aux bases jetées par leur ancêtre à Samarkand. Aujourd'hui, celui que certains historiens considèrent comme un criminel sanguinaire, revient au premier plan de l'histoire ouzbèke, adulé comme un intrépide guerrier, un aventurier hors pair, un homme qui a conquis le monde malgré son handicap, son bras paralysé, la maladie. De fait, Tamerlan modifia considérablement le visage des contrées qu'il avait soumises. Il a préféré la vie citadine au nomadisme, il a imposé la religion musulmane en combattant sous la bannière du Prophète, tout en mêlant sans cesse la loi coranique aux traditions païennes. Sa victoire sur les Ottomans a permis de libérer l'Occident de la menace turque, créant chez les artistes européens un engouement pour ce personnage fabuleux. Un opéra de Haendel, qui porte son nom, témoigne de la forte impression que Tamerlan (ou sa légende) a pu faire sur les Occidentaux.
Au XVe siècle la dynastie des Chaybanides (descendants de l'un des petits-fils de Genghis Khan, qui contrôlent les steppes du nord de la mer d'Aral depuis le XIVe siècle) tente une percée vers le sud. Mais ces tribus qui ont pris le nom d'Ouzbeks se heurtent à d'autres tribus turcophones de Transoxiane, qui s'installent entre la Syr Daria et le lac Balksch, et deviendront ensuite connus sous le nom de Kazakhs. Dans les premières années du XVIe siècle, les Ouzbeks relancent une période de conquêtes, plus efficace que la première : ils s'emparent de Boukhara, Samarkand, du royaume de Khorezm, de Tachkent et du Ferghana, avant d'être sévèrement défaits à Merv par les troupes perses en 1510. La capitale des Ouzbeks est installée à Boukhara au milieu du siècle, et une courte période d'unité prévaut avant la chute de la dynastie chaybanide en 1599.
Le commerce international se faisait alors principalement par voie maritime : les marchandises à destination de la Chine transitaient par les ports de Perse (devenue chi'ite, ce qui renforce l'isolement de l'Asie centrale sunnite). L'Asie centrale n'était plus le passage obligé entre l'Orient et l'Occident, les commerçants navigateurs portugais, espagnols, hollandais, français ou anglais se tournaient vers d'autres horizons. Mais à Boukhara le commerce n'était pas mort pour autant. Les marchandises venaient de Russie, d'Inde, du Turkestan chinois, des steppes kazakhes. Les habitants de Boukhara avaient la réputation d'être de très ingénieux négociateurs, rien ni personne ne pouvait les empêcher de continuer leur commerce, ni les lois monopolistes du tsar ou du shah perse, ni les pillards de caravanes, ni les taxes douanières.
Le khanat de Boukhara vivait du commerce mais faisait preuve d'une extrême xénophobie. Jusqu'à la conquête russe, la ville sainte fut interdite aux non-croyants. Et ceux qui pénétrèrent son enceinte le firent souvent au péril de leur vie. Avant que le chemin de fer ne relie Boukhara au monde extérieur en 1888, parvenir jusqu'à la ville sainte de l'islam, oasis entourée de steppes désertiques et de tribus de brigands, était un exploit. En ressortir vivant tenait du miracle.
Après la chute des Chaybanides, l'Asie centrale se disloque une fois de plus. Les Djanides s'établissent à Boukhara, alors qu'une branche chaybanide garde le contrôle du royaume de Khorezm. Au XVIIIe, un troisième khanat apparaît autour de la ville de Kokand. En lutte perpétuelle les uns contre les autres, ces trois khanats ouzbeks doivent en outre faire face aux pressions des nomades turkmènes attirés par les richesses des villes. Une petite période de stabilité s'instaure néanmoins au XVIIIe siècle, lorsque les Mankits, prennent le contrôle de Boukhara et pacifient la région. En parallèle, la dynastie des Kungrats affermit son emprise sur le khanat de Khiva.
Alors que la Transoxiane semble stabilisée, l'agitation réapparaît dans le nord de l'Asie centrale. Les Oïrats, qui nomadisent dans les steppes de l'Altaï, commencent à migrer vers l'ouest, repoussant les Kazakhs. Ceux-ci se retrouvent contraints de demander la protection des Russes, déjà largement présents dans la région à des fins commerciales. La grande expansion de l'empire russe commence dès 1716, sous le règne de Pierre le Grand. Une première expédition conduit à la création de Semipalatinsk (au nord du Kazakhstan), alors qu'une deuxième lancée contre le khanat de Khiva se termine en désastre pour les Russes. Après l'échec d'une autre tentative terrestre, les Russes adoptent la voie fluviale : leurs navires traversent la mer d'Aral puis la Syr Daria en 1850. Simultanément, les Cosaques sont lancés à l'assaut du Kazakhstan et fondent Almaty en 1855. Les Russes obtiennent de la part des Chinois un protectorat sur la zone à l'est et au sud du lac Balkach en 1864. La route du Turkestan leur est désormais ouverte. Tachkent tombe en 1865, et un gouverneur général du Turkestan est choisi parmi les généraux russes en 1867. Le khanat de Boukhara devient à son tour un protectorat russe en 1868, celui de Khiva tombe en 1873, alors que celui de Kokand passe sous autorité directe de la Russie en 1875.
Les Russes s'attaquent alors à l'ouest de l'Asie centrale. Les Turkmènes sont vaincus à Gök Tepe en 1881, Merv est annexée en 1884, puis vient le tour du Pamir, que les Russes occupent à partir de 1891. C'est alors que commence ce que Kipling baptisa " le grand jeu ", une lutte d'influence entre la Russie et la Grande-Bretagne, implantée en Inde. Le point de rencontre entre les deux puissances du moment se fait en Afghanistan : sa frontière nord est fixée par un accord entre la Russie et la Grande-Bretagne signé en 1887. La frontière orientale est déterminée en 1895, après la conquête russe du Pamir. Le corridor de Wakhan, une bande de terre séparant les deux empires, fut créé en Afghanistan.
Les Russes gèrent leur nouveau territoire comme des colonies : l'administration est assurée par des envoyés de Moscou, et les colons ne s'installent que dans les grandes villes. L'emprise de Moscou est plus ou moins sensible suivant les pays, mais tous vont se rebeller violemment en 1916, lorsque les troupes russes tentent de recruter les populations locales pour participer à la première guerre mondiale. Les révoltes sont particulièrement sanglantes dans la région de Khojand, au Tadjikistan, qui tente de créer un gouvernement indépendant mené par les Jadids (réformateurs inspirés par le mouvement des Jeunes Turcs). Le Kazakhstan compte pour sa part plusieurs milliers de morts alors que plusieurs autres milliers fuient vers la Chine et la Mongolie. L'hécatombe est encore plus sévère au Kirghizistan, dont près d'un tiers de la population trouve refuge en Chine, où elle est souvent maltraitée et contrainte au retour.
Profitant de l'agitation, les Basmachis, avec à leur tête Enver Pasha, commencent à s'activer dans toute la région. Cet ancien ministre de la Guerre de l'Empire ottoman, qui avait dû fuir son pays à la fin de la Première Guerre mondiale, tentait de créer un État pan-turc en Asie centrale. Les paysans, qui haïssaient l'armée bolchevique, soutenaient en masse celui qui se faisait appeler " le chef de toutes les armées de l'Islam ". Les Basmachis s'emparèrent de Douchanbe, mais ne purent résister à l'Armée rouge. En août 1922, Enver Pasha meurt les armes à la main dans le Pamir tadjik. La rébellion se réfugie dans les montagnes où elle s'éteint dans les années 1930.
Ces troubles permettent aux Bolcheviks, arrivés au pouvoir en Russie lors de la révolution de 1917, de prendre le contrôle des protectorats russes et des dernières poches indépendantistes locales.
Trois républiques socialistes soviétiques sont créées en 1924. Le Kirghizistan et le Kazakhstan sont à l'origine regroupés en une seule entité (qui prend le nom de Kirghize), et les deux pays ne seront séparés qu'en 1936. Le Tadjikistan est une république autonome à l'intérieur de l'Ouzbékistan, dont il ne se détachera qu'en 1929. Les frontières entre les différentes républiques acquièrent alors les limites qui sont les leurs aujourd'hui, avec toutes leurs aberrations, facteurs de tensions ethniques.
Les premiers temps de l'occupation soviétique laissent quelques espoirs aux populations locales. Dans les années 1920, les promesses économiques de la NEP conduisent de nombreux Ouzbeks à adhérer au Parti communiste, et certains obtiennent même des postes administratifs assez élevés. La monoculture du coton, qui conduira à une véritable catastrophe écologique dans toute la région, commence alors à se développer sur ordre de Moscou. Mais la collectivisation forcenée lancée par Staline est une véritable catastrophe pour l'Asie centrale. Les Turkmènes sont sédentarisés de force, les Kazakhs fuient en masse ou tuent leur cheptel pour éviter qu'il ne soit saisi. Les élites locales qui avaient pu participer à l'administration de leur pays dans les années 1920 sont presque systématiquement éliminées. Au Tadjikistan, près de 70 % des membres du Parti communiste local en sont expulsés, et remplacés par des Russes aux postes de responsabilité. Au Kazakhstan, où la lutte contre la sédentarisation et la collectivisation est la plus farouche, les exécutions et les fuites massives réduisent la population ethniquement kazakhe à un tiers des habitants du pays. Entre 1929 et 1934, au plus fort de la collectivisation, 1,5 million de Kazakhs meurent de faim.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les pays d'Asie centrale servent de base arrière à la Russie : de nombreuses industries y sont délocalisées, apportant leur lot de nouveaux colons russes. Le Kazakhstan connaîtra les plus grands apports de population européenne avec la campagne des " terres vierges ", lancée de 1954 à 1964. Le Kazakhstan doit en outre absorber les vagues de populations déplacées par Staline : Coréens, Allemands de la Volga, Tchétchènes, tous considérés par Moscou comme des risques potentiels durant la Seconde Guerre mondiale. En 1970, les Kazakhs sont une ethnie minoritaire dans leur propre pays.
Tenues de main de fer par Moscou pendant 70 ans, dirigées par des Russes la majeure partie du temps, les cinq républiques soviétiques d'Asie centrale sont bien mal préparées à l'indépendance qui leur est offerte en 1991. La plupart des dirigeants locaux des partis communistes et parfois même les populations (des manifestations pro-Gorbatchev sont organisées à Douchanbe) soutiennent Gorbatchev et dénoncent le coup d'État dont il est victime en août 1991.
Mais l'effondrement de l'URSS ne laisse pas vraiment le choix aux soviets suprêmes nationaux, qui déclarent l'indépendance les uns après les autres. Des référendums sont ensuite organisés pour faire avaliser cette décision par les populations locales. Et des élections menées dans la foulée placent au pouvoir les anciens apparatchiks du système soviétiques...
Au Kirghizistan, des élections présidentielles directes sont organisées en octobre 1991 et voient la victoire sans équivoque (95 % des voix) d'Askar Akayev. Ce physicien avait été élu à la fin de l'année 1990 à la tête du parlement, dans l'espoir de calmer les tensions ethniques durant lesquelles Ouzbeks et Kirghiz s'étaient violemment affrontés.
Au Kazakhstan, les élections présidentielles de décembre 1991 placent Nursultan Nazarbayev à la tête du pays. Celui-ci était président du parlement depuis juin 1989, et proche de Gorbatchev. Le Kazakhstan est le dernier pays à déclarer son indépendance.
En Ouzbékistan, le référendum de décembre 1991 approuve l'indépendance à 98,2 %, et le même mois, c'est Karimov qui est élu président par le parlement ouzbek. Islam Karimov, un outsider à l'intérieur du Parti communiste ouzbek, avait été choisi comme secrétaire général du parti en 1989, pour apaiser les tensions ethniques qui opposaient les Kirghiz aux Ouzbeks dans la vallée du Ferghana.
Au Turkménistan, Niazov, qui était déjà secrétaire général du parti communiste local, appelle un référendum qui se prononce à 94 % en faveur de l'indépendance. La République du Turkménistan est proclamée le 27 octobre 1991.
Le Tadjikistan est le pays qui gérera le moins bien la transition vers l'indépendance. Celle-ci est proclamée en septembre 1991, mais de violentes manifestations anti-gouvernementales éclatent en mars 1992, et dégénèrent en conflit armé à partir du mois de mai. Nabiyev, qui avait pris le pouvoir en août 1991 ne parvient pas à négocier avec les manifestants réformistes, et est contraint à la fuite. Le pays sombre dans une guerre civile qui durera cinq ans et fera près de 500 000 morts.
Conscients des difficultés présentées par leur nouvelle indépendance, les cinq nouveaux États vont rapidement tenter de se fédérer dans une structure plus lâche que l'ex-URSS. Le 21 décembre 1991, les cinq républiques signent la déclaration d'Alma-Ata, qui marque leur entrée dans la Communauté des États indépendants, initiée le 8 décembre par la Biélorussie, l'Ukraine et la Russie.
Près de vingt après leur indépendance, les républiques d'Asie centrale ont mis en place des systèmes politiques qui présentent tous des degrés plus ou moins prononcés d'autoritarisme, souvent teinté de paternalisme. Au Kazakhstan et en Ouzbékistan, les présidents élus au moment de l'indépendance sont toujours au pouvoir, et contrôlent d'une main de fer tout le système politique national, muselant ou interdisant toute opposition politique. Au Turkménistan, Niazov, président à vie, est mort en 2006 mais son successeur perpétue l'exercice ubuesque du pouvoir de ce régime. Après cinq années de guerre civile, le Tadjikistan panse ses plaies et tente de se reconstruire économiquement. Quant au Kirghizistan, considéré comme le pays le plus démocratique de la région, c'est par une révolution qu'il a mis fin au règne d'Akayev. Le président Kurmanbek Bakiev, réélu en juillet 2009, a cependant été contraint de prendre la fuite en avril 2010 suite à un virage autoritaire et la sanglante répression des manifestations de l'opposition.
Des troubles politiques éclatent en mars 1995, et conduisent à un renforcement du régime présidentiel. Une nouvelle constitution est adoptée lors d'un référendum aux résultats contestés, mais la majorité de la population se contente du régime présidentiel de Nazarbayev, considéré comme la seule solution pour mettre fin aux troubles ethniques entre Russes et Kazakhs qui agitent le pays. Des élections parlementaires ont lieu en 1995 : trente partis et organisations politiques sont en concurrence. La division de l'opposition permet à Nazarbayev de poursuivre sa politique sans être vraiment inquiété. Les élections présidentielles qui auraient dû avoir lieu en 1996 sont repoussées par référendum jusqu'en 2000. Elles voient une nouvelle victoire " à la soviétique " du président.
Les dernières élections présidentielles ont eu lieu en décembre 2005. Le parti présidentiel, l'Otan (Patrie) s'était pour l'occasion allié au parti Asar (Ensemble), le deuxième parti du pays fondé par la fille de Nazarbayev. Cinq candidats étaient en présence, bien que seulement trois d'entre eux aient une envergure politique suffisante pour prétendre concourir : outre Nazarbayev, un candidat indépendant dont le programme consistait à lutter contre la corruption du régime Nazarbayev, et un concurrent du Parti pour un Kazakhstan juste, ancien président du parlement, étaient en compétition. Sans grande surprise, Nazarbayev a été réélu avec 91 % des voix, après des élections dont le déroulement et les résultats ont été critiqués par les observateurs internationaux. Les prochaines élections présidentielles sont prévues pour 2009.
Depuis l'indépendance, Nazarbayev a mis en place un régime politique autoritaire, dans lequel l'influence familiale et clanique est très forte. La liberté d'expression, bien qu'elle soit reconnue par la Constitution, est largement bafouée : le gouvernement exerce un contrôle très strict sur la presse locale, et les créneaux de diffusion des radios et télévisions sont entièrement aux mains de l'État. Les journalistes sont régulièrement victimes de procès en diffamation. Et en mars 2006, l'un des leaders de l'opposition politique a été assassiné, dans des circonstances restées obscures.
Néanmoins, le Kazakhstan est loin d'être le pays le plus autoritaire de la région, et la croissance économique stable conduit la population à se satisfaire pour l'instant de l'emprise du clan Nazarbayev. L'un des enjeux de son gouvernement est de parvenir à maintenir une bonne entente entre les populations kazakhes et russes. La capitale a été transférée d'Almaty à Astana en 1996, afin de rapprocher le centre politique des marges septentrionales du pays, majoritairement russes. Russe et kazakh sont toutes deux langues officielles. Beaucoup plus lié aux grandes firmes énergétiques mondiales que ses voisins, le Kazakhstan a été, plus tôt que les autres pays d'Asie centrale, touché par la crise économique qui a mis fin à dix années de croissance ininterrompue (en moyenne 10% par an). Le gouvernement, à l'image des grands pouvoirs occidentaux, a du se lancer dans un plan de sauvetage de ses banques, aisément bouclé grâce aux revenus du gaz et du pétrole.
Les débuts politiques du Kirghizistan indépendant sont agités par des scandales de corruption liés aux concessions des mines d'or du pays. Une valse de Premiers ministres marque le début des années 1990. Mais le président Akayev parvient à éviter d'être mis en cause, et organise en janvier 1994 un référendum d'approbation de son régime. Les 96 % d'opinions favorables laissent supposer quelques manipulations du scrutin, mais permettent à Akayev d'asseoir son autorité sur le pays.
Une constitution avait été adoptée en mai 1993, prévoyant un parlement unicaméral (qui deviendra bicaméral par référendum l'année suivante), et un pouvoir exécutif fort, avec un président élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Des élections présidentielles sont organisées en décembre 1995, et voient la réélection d'Akayev avec 71,6 % de voix contre deux candidats communistes. Ces élections sont saluées par la communauté internationale comme libres et justes, et le Kirghizistan est alors considéré comme le pays le plus démocratique d'Asie centrale. Akayev est réélu pour un troisième mandat en 2000.
Mais la contestation gronde dans le pays, qui reproche au président la corruption de son régime, et surtout la mainmise de sa famille sur la majeure partie des structures économiques. Les élections législatives de février et mars 2005 mettent le feu aux poudres. Les résultats sont contestés par la population qui lance de grandes manifestations dans les villes principales du pays, et notamment dans la capitale, Bichkek. La " révolution des tulipes " contraint Akayev à l'exil, et le Parlement, réuni en session d'urgence, confie les manettes du pays à Kourmanbek Bakiev, ancien Premier ministre d'Akayev qui avait été contraint à la démission en 2002 après des manifestations durement réprimées par la police. Des élections présidentielles sont organisées en juillet 2005, et confirment Bakiev à la présidence du pays avec 88,9 % des voix. La situation se stabilise quelque temps, mais la frustration refait surface dans le pays. Les Kirghiz reprochent à leur nouveau président de ne pas lutter contre la corruption et de ne pas respecter ses engagements électoraux. En mai 2006, de nouvelles manifestations ont eu lieu à Bichkek, conduisant le gouvernement à présenter sa démission... refusée par le président. En novembre 2006, le président est une fois de plus menacé par des manifestations de plusieurs dizaines de milliers d'opposants politiques, qui lui reprochent de ne pas avoir mené les réformes promises. La stabilité politique du Kirghizistan semble encore bien fragile, raison pour laquelle, certainement, le président Bakiev cherche à se rapprocher de la Russie qui ferme plus aisément les yeux que les américains sur le durcissement de son pouvoir. Réélu en juillet 2009, il tenta de reprendre en main la presse et d'accroître la main mise du clan du sud sur le pouvoir. Le Kirghizistan tente également de renforcer ses positions par rapport à l'Ouzbékistan voisin, qui lui fournit, en échange de l'eau des Pamir et des Tian Shan, le gaz dont les kirghizes ont besoin. Chaque tension entre les deux pays aboutit à des coupures de gaz au Kirghizistan ce qui a poussé Kourmanbek Bakiev à céder 75% de la compagnie kirghize de gaz au russe Gazprom. Selon les termes de l'accord, le Kirghizistan, grâce à Gazprom, devrait rapidement devenir autosuffisant sur le plan énergétique.
La Kirghzie est aujourd'hui à la croisée des chemins. La croissance économique, continue depuis 2000, ne suffira pas à atténuer des disparités sociales de plus en plus criantes, si aucun dispositif social n'est engagé par l'État en faveur des plus démunis. Les inégalités sociales s'accroissent et la division des pouvoirs politiques et économiques sur les appartenances tribales aggravent cette fracture.
Le 7 avril 2010, huit mois après la réélection de Kurmanbek Bakiev, de graves émeutes ont éclaté à Bichkek, témoignant de la tension sociale exacerbée qui sévit dans le pays. Dans la matinée, plusieurs centaines de manifestants (un site d'opposition évoque le chiffre de 10 000 personnes) ont défilé sur la place Ala Tau avant de se diriger vers la "Maison Blanche", siège de la présidence. Dégénérant en affrontement armé, la manifestation a fait près d'une centaine de morts et a conduit le président Kurmanbek Bakiev à décréter l'état d'urgence dans la capitale, alors que d'autres affrontements avaient lieu en province, particulièrement à Naryn, où les manifestants prenaient le contrôle du bâtiment gouvernemental.
À l'heure où ce guide était imprimé, les manifestants à Bichkek s'étaient emparés du siège de la télévision et Kurmanbek Bakiev se voyait refuser le soutien de Moscou, les russes semblant voir d'un bon oeil la défection d'un gouvernant trop sensible aux dollars américains pour ne pas accepter l'implantation des bases américaines dans son pays. La reprise en main du pays par ses traditionnels alliés du Nord contente donc le Kremlin.
Il en résulte donc qu'au départ sous presse de notre édition, le Kirghizistan se trouvait tout proche d'une guerre fratricide entre clan du nord et clan du sud. Il en résulte que le régime autoritaire de Kourmanbek Bakiev issu de la révolution des tulipes en 2005 avait donc été renversé mais que celui-ci était en position d'attente avec ses fidèles dans son fief de la Ferghana kirghize. Et que l'opposition avait nommé un gouvernement de transition. A suivre...
Le développement économique de l'Ouzbékistan ne s'est pas accompagné d'une ouverture politique, bien au contraire. L'Ouzbékistan est aujourd'hui le pays le plus autoritaire de la région, celui dont le bilan démocratique est le plus affligeant, et dont la liste des infractions aux droits de l'homme est la plus longue...
Le Parti communiste ouzbek change de nom après l'indépendance, et se transforme en Parti démocratique populaire. Mais Karimov reste à sa tête, et la structure étatique reste similaire à celle de la période soviétique, bien que les noms des institutions soient modifiés. Les premières élections présidentielles ont lieu en 1992, mais le principal parti d'opposition est interdit quelques semaines avant le scrutin, que Karimov remporte avec le score soviétique de 86 % des voix.
Les élections législatives ne sont organisées qu'en 1994, et seuls les partis fidèles à Karimov sont en compétition. Il en était de même des dernières élections législatives, organisées en décembre 2004 et janvier 2005. Le Parlement est entièrement fidèle à Karimov.
En mars 1995, un référendum autorise Karimov à prolonger son mandat présidentiel jusqu'en 2000 au lieu de 1997. Et le président obtient sans surprise 91,9 % des voix lors du scrutin de 2000. Les prochaines élections présidentielles sont prévues pour 2009.
Quelques partis sont à nouveau autorisés, mais ils ne représentent toujours pas l'opposition, dont la plupart des membres actifs sont en exil ou en prison. Le seul parti autorisé en plus de celui du président est le Parti pour le progrès de la patrie, fondé par le plus proche conseiller de Karimov...
L'emprise du président ouzbek est sensible à tous les niveaux. Les institutions politiques sont noyautées par Karimov et ses proches. Les médias sont censurés et tous les titres indépendants sont interdits depuis 1993. L'Ouzbékistan présente en outre la pire situation d'Asie centrale en termes de droits de l'homme. L'écrasement sanglant de la révolte d'Andijan, en mai 2005, qui a provoqué l'indignation internationale, n'était que la face la plus visible de la répression quotidienne à l'oeuvre dans le pays. Karimov justifie ces actions par la lutte contre le Mouvement islamique d'Ouzbékistan, une organisation de jeunes islamistes radicaux basés dans la vallée du Ferghana. Ce groupe est à l'origine de nombreuses violences entre Ouzbeks et Kirghiz, ainsi que de la série d'attentats qui ont touché Tachkent en février 1999.
Depuis les événements d'Andijan, on assiste en Ouzbékistan à une dérive radicale du pouvoir qui n'est pas sans rappeler les grandes heures de la politique stalinienne ou brejnévienne. Aucun progrès n'est fait en matière de réforme économique ou sociale, et l'écart ne fait que se creuser entre une population de plus en plus pauvre et désoeuvrée et une classe de dirigeants de plus en plus fortunés. Les élections présidentielles de 2007 et législatives de 2009 ont vu le parti dirigeant asseoir toujours plus son emprise sur le pays, alors qu'Islam Karimov délègue peu à peu le pouvoir à sa fille aînée, Gulnara, qui ne semble pas plus éclairée que son père sur les évolutions nécessaires de la société ouzbèke.
Le Tadjikistan est le seul des pays d'Asie centrale à avoir sombré dans la guerre civile après l'indépendance. La lutte politique entre les tenants d'un régime " à la soviétique " et les réformistes a rapidement dégénéré en lutte armée, exacerbée par les tensions entre laïcs et religieux musulmans. La guerre civile se déclenche début 1992, et la faction " soviétique " parvient à s'emparer du pouvoir politique en décembre de la même année, grâce au soutien des Russes et des Ouzbeks. Des négociations sont ouvertes entre le nouveau pouvoir politique et l'opposition en exil, mais sans résultat probant. Il faudra l'intervention des Nations unies, six sessions de discussions entre 1994 et 1996 pour qu'un accord de cessez-le-feu soit finalement signé (en 1994, renouvelé plusieurs fois jusqu'en 1996 malgré de nombreuses violations de tous les côtés), et enfin un traité de paix le 27 juin 1997.
La guerre civile a fait plusieurs dizaines de milliers de morts. En 1993, on comptait entre 50 et 70 000 réfugiés tadjiks en Afghanistan. L'économie s'était totalement effondrée, le pays était ravagé moralement et matériellement. Le Tadjikistan reste aujourd'hui encore le plus pauvre de la région.
Entre deux négociations de paix, une Constitution est adoptée en 1994 et validée par référendum en novembre de la même année. Des élections présidentielles sont organisées et voient la victoire d'Imomali Rahmonov, ancien président du Soviet suprême. Le résultat est contesté à la fois par l'opposition locale (et notamment par le Parti légal de la renaissance islamique, seul parti confessionnel autorisé en Asie centrale), et par les observateurs internationaux. Mais Rahmonov se maintient au pouvoir malgré tout. Des élections législatives sont ensuite organisées en février 1995, d'autant plus contestées que la plupart des partis d'opposition sont interdits, et que le Parti démocratique, à peine revenu d'exil, reste peu influent. De nouvelles élections législatives sont organisées en 2000, les premières depuis les accords de paix. Le climat est tendu, un candidat est assassiné une semaine avant les élections. Le scrutin est remporté par le Parti démocratique populaire, qui rassemble près de 80 % des suffrages. Les résultats sont évidemment contestés par l'opposition, et de nombreuses infractions ont été constatées par les observateurs internationaux. Mais le régime se maintient malgré tout. Les élections présidentielles du 6 novembre 2006 ont d'ailleurs donné un troisième mandat à Rahmonov avec 76,4% des suffrages face à 5 autres candidats sous haute surveillance. Grâce à une réforme de la constitution adoptée par référendum en 2003, Rahmonov pourra briguer deux nouveaux mandats et peut donc espérer demeurer à la tête de l'état jusqu'en 2020.
Le Turkménistan est le pays le plus " folklorique " de la région sur le plan politique. Tous les pouvoirs étaient aux mains du Turkmenbashi, le " père de tous les Turkmènes ", alias Saparmurat Niazov, l'ancien président de la République socialiste soviétique turkmène. Le Turkménistan était le premier pays d'Asie centrale à ratifier sa nouvelle constitution en mai 1992. Il s'agit en théorie d'une république présidentielle fondée sur la séparation des trois pouvoirs. En pratique, Niazov était chef du seul parti du pays (le Parti démocratique, héritier direct du Parti communiste), il est président de la république, du conseil du peuple (une espèce d'Assemblée nationale bis, non élue), du Conseil des anciens (pour respecter la coutume turkmène dans laquelle des anciens ont leur mot à dire sur la conduite des affaires publiques), du Conseil des ministres, et il nomme même les juges...
Lors des premières élections présidentielles du pays, en juin 1991, Niazov se voit gratifier de 99 % des voix. Quelques mois après l'adoption de la nouvelle Constitution, de nouvelles élections présidentielles sont organisées, que Niazov remporte également haut la main. En janvier 1994, un référendum (99 % de participation, 212 voix contre ! ! !) étend son mandat de cinq à dix ans. Et comme les élections sont décidément des formalités bien embêtantes, Niazov se fait nommer président à vie par le parlement en décembre 1999 (dans une formidable mise en scène, le Turkmenbashi fait mine de refuser cette lourde tâche, et les membres du parlement doivent le supplier d'accepter !).
Le culte de la personnalité qui caractérise la dictature autoritaire turkmène n'a plus alors aucune limite. En octobre 2001, le Ruhnama, oeuvre culte rédigée par le président, devient " livre sacré ", précédé seulement du Coran dans l'ordre de préséance. Cet ouvrage qui est un méli-mélo d'histoire (largement réécrite à la gloire du peuple turkmène), de nationalisme exacerbé et de conseils paternalistes, devient le texte de référence du système éducatif. Des lectures publiques ont lieu tous les soirs à la télévision, agrémentées des trémolos dans la voix du présentateur et d'effets sonores grandiloquents. Le Ruhnama a même été honoré d'une statue, trônant dans un parc d'Achgabat, qui s'ouvre le samedi soir pour mieux impressionner les promeneurs.
Le président contrôle absolument tout, de la politique à l'économie, jusqu'aux modes de vie des Turkmènes. En août 2002, un nouveau calendrier est adopté, qui rebaptise les mois de l'année des noms des héros nationaux, du Turkmenbashi et... de sa mère ! Les statues et portraits du président sont omniprésents dans les villes et les campagnes du pays. L'ensemble des médias est évidemment contrôlé, la presse étrangère, et notamment russe, est interdite.
Prônant la neutralité sur la scène internationale, le pays s'est progressivement replié sur lui-même : des " visas de sortie " sont désormais nécessaires pour les Turkmènes qui veulent quitter leur pays, la double nationalité a été abrogée en 2003 (100 000 Russes ont dû "choisir" du jour au lendemain la leur), les mariages mixtes sont pratiquement interdits... Mais le régime turkmène, que l'on considère souvent comme l'équivalent centre-asiatique de la Corée du Nord, reste néanmoins courtisé par les puissances internationales : situation géostratégique et surtout réserves de gaz et de pétrole obligent...
Niazov meurt le 21 décembre 2006 après 21 ans de règne sans partage. Suite au décès du Turkmenbashi, le pouvoir n'a pas vacillé. Le président par intérim Gourbangouly Berdymoukhammedov, successeur désigné, a été élu triomphalement le 14 février 2007 avec 89 % des voix face à 5 autres candidats fantoches. Le nouveau président turkmène s'est tout de suite montré d'une grande largesse en autorisant de nouveau les spectacles de cirque, de ballet et d'opéra... Tout en contrôlant toujours aussi férocement les médias et l'économie du pays. Sa politique de "Nouvelle Renaissance" ne semble pas vouloir changer d'un pouce de celle de son prédécesseur.
" Les frontières entre les différents pays de l'Asie centrale n'ont pas de rationalité géographique, économique ou ethnique. La vallée du Syr-Darya débute au Kirghizistan, dans un district peuplé essentiellement par des Ouzbeks (Osh), elle débouche ensuite en Ouzbékistan, dans le Ferghana, pour passer au Tadjikistan (Khojent), revenir en Ouzbékistan et finir au Kazakhstan. La route directe reliant la capitale de l'Ouzbékistan, Tachkent, à la province ouzbèke du Ferghana doit donc passer par le Tadjikistan (Khojent) ; il existe une autre route qui permet de ne pas quitter l'Ouzbékistan, mais elle passe par un col et est beaucoup plus difficile. Symétriquement, les routes praticables par tout temps qui relient la capitale du Tadjikistan, Douchanbe, à Khojent et à Khorog (capitale du Gorno-Badakhchan) passent respectivement par l'Ouzbékistan et le Kirghizistan, alors que les routes directes, en territoire tadjik, sont fermées d'octobre à mai à cause de la neige. Le sud et le nord de la Kirghizie sont également isolés en hiver. Lorsque, en été, on va de Douchanbe à Tachkent par la route d'Oura-Teppe, on passe deux fois la frontière entre les deux pays. "
Olivier Roy, La nouvelle Asie centrale ou la fabrication des nations, éd. Le Seuil.
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