Quelques repères de base
Les âges de l'humanité pendant la préhistoire sont définis en différentes périodes :
Le Paléolithique, Âge ancien de la pierre, des origines à -12 000 av. J.-C., est lui-même divisé en trois périodes. Le Paléolithique inférieur ou ancien, qui couvre plusieurs millions d'années et différentes glaciations ; le Paléolithique moyen, entre -200 000 et -37 000 ; le Paléolithique récent ou supérieur, qui va de la période précédente jusqu'à -12 000 ans, et qui voit apparaître l'art, les peintures et les gravures dans les cavernes ou sur des objets.
Le Mésolithique, Âge moyen de la pierre, de -12 000 à -8000, est une phase de transition, où la chasse s'affine et où débute une pré-domestication de l'environnement.
Le Néolithique, Âge nouveau de la pierre, qui débute au Proche-Orient d'abord pour s'étendre en Europe vers -8000, est considéré comme une période révolutionnaire, qui voit advenir le mode de vie agropastoral, la sédentarisation, la domestication, la culture et l'élevage, qui seront les piliers de nos modes de vie jusqu'au XIXe siècle. Mieux étudié, le Néolithique est divisé lui aussi en Ancien, Moyen et Final, et se conclut par la phase dite Chalcolithique, Âge du cuivre. C'est également à cette période que se développe le mégalithisme.
La Protohistoire, Âge des métaux - l'Âge du Bronze en -3800 et -2700, puis l'Âge du Fer jusqu'à la conquête romaine, qui est marquée sur le territoire de la Gaule en -52 par la prise d'Alésia. Le basculement entre Préhistoire et Histoire ne se produit pas au même moment sur les continents ou les territoires et dépend de divers facteurs.
Il faut noter que l'amélioration des outils de recherche archéologique et de datation ainsi que l'approfondissement des recherches actuelles tendent à modifier notre perception et nos définitions de ces périodes.
Cavités, cavernes, avens : les premiers habitats
Sur le territoire gardois, à cheval sur l'Ardèche, c'est à la grotte de l'Aven d'Orgnac que l'on découvre les plus anciennes traces de présence humaine, datées de - 350 000 ans. Faisant partie des plus anciens habitats d'Europe, la grotte d'origine s'est lentement comblée pour devenir un abri sous la roche puis un site en plein air. L'Homo erectus d'Orgnac est plus jeune de 50 000 ans que l'Homme de Tautavel mais lui ressemblait probablement. Tout près, la Baume de Ronze était fréquentée depuis le Paléolithique récent et fut utilisée comme bergerie à l'ère Néolithique. La Cité de la Préhistoire sur ce site permet de voir des reconstitutions, des expositions thématiques et même des ateliers et des démonstrations de techniques préhistoriques.
Près du Pont du Gard, les fouilles ont dévoilé des signes d'occupation (faune fossile et outils en silex) dans la grotte de la Balauzière. Le Moustérien, industrie lithique, est typique de l'Homme de Néandertal dont on trouve aussi des signes (racloirs et pointes) autour de Sumène et Saint-Hippolyte-du-Fort, région riche en gibier. Les chasseurs ont laissé leur marque à la grotte de La Roquette alors que la faune était bien différente : ours, hyènes et même rhinocéros parcouraient le Gard d'alors.
Le Paléolithique supérieur se distingue par les gravures sur les parois des cavernes. On en trouve peu dans le Gard, surtout en vue du potentiel du territoire, mais cela est peut-être dû aux orages et aux inondations typiques qui ont pu emporter les couches supérieures de la stratigraphie des grottes. Notons tout de même La baume Latrone, à Sainte-Anastasie, où des dessins de mammouths attaquant un félin et de mains positives, datés par carbone 14 de -37 464 ans, ont été trouvés. Il s'agit essentiellement de gravures digitales et de peintures aux doigts, qui sont similaires à celles vues dans la grotte de Chauvet en Ardèche. Les représentations de ces deux lieux figurent parmi les plus anciennes d'Europe.
La plus connue et la plus touristique des grottes du département, et une des plus belles à visiter pour ses merveilles géologiques, la Cocalière, a révélé une occupation intense de -45 000 à l'Âge de Fer, grâce à des ossements, outils et poteries découverts. À proximité de la sortie de votre visite, un chantier de fouilles est reconstitué avec différents objets et ossements.
Également ouverte au public, mais en partie seulement sur 1 km, l'abîme de Bramabiau a été un abri pour des dinosaures, qui y ont laissé leurs empreintes, aux humains de différentes époques de la Préhistoire, qui y ont fait une nécropole d'une trentaine de corps. D'ailleurs, après le Paléolithique, les grottes deviendront des temples, essentiellement d'usage sépulcral.
Début des constructions symboliques : dolmens, menhirs et cromlechs
Bien que difficile à dater, on situe la culture mégalithique à la fin du Néolithique, dans la période Chalcolithique. Cette culture se déploie sur toute l'Europe par région, plus connue dans l'ouest de la France, populairement en Bretagne, mais passant aussi par le Midi et se prolongeant jusqu'en Corse sur le territoire français. La contagion des mégalithes dans le Gard se fait de manière plutôt tardive, sur une région qui englobe l'Ardèche, la Lozère et l'Hérault. Ils sont témoins d'une organisation sociale, d'un travail collectif autour de l'élaboration de monument. Le menhir de la Lèque près de Lussan fait 5,60 m de hauteur pour un poids estimé à 8,5 tonnes. Les dalles supérieures des dolmens peuvent quant à elles peser plusieurs dizaines de tonnes.
Beaucoup d'énigmes persistent autour de cette culture. Les dolmens sont des chambres funéraires, collectives, les premières à ne pas utiliser des lieux naturels. On n'a jamais trouvé de vestiges de villages dans la proximité immédiate de ces monuments, et ces grandes constructions de pierre contrastent avec celles beaucoup plus pérennes des vivants de l'époque. Volonté d'honorer les ancêtres, de marquer le territoire ou encore démonstration politique ou sacrée ? Près d'Anduze à la Grande Pallières, au moins une quinzaine de dolmens sur un rayon de 1,5 km sont accessibles par randonnée, et cinq d'entre eux sont présentés par des panneaux d'information. Sur les sites des dolmens, des restes d'offrandes ont souvent été découverts en bordures des tertres.
Les menhirs peuvent se trouver en périphérie de dolmens, mais pas toujours, la corrélation de leurs dispositions n'étant pas encore révélée à ce jour - faisaient-ils partie d'un ensemble plus complexe ? On les trouve sur les parties hautes des reliefs ou dans les vallées ouvertes, parfois en solitaire, plus rarement en petit groupe. Quelquefois, ils forment un grand cercle d'environ 90 m de diamètre, généralement avec un menhir central plus imposant : ce sont les cromlechs. On en trouve trois sur le causse de Blandas, non loin du Cirque de Navacelles. Les pierres sont souvent couchées, mais celui de Lacam de Peyrarines a été redressé par une équipe de bénévoles dirigée par une archéologue au début des années 1970. Il est visible de la route, ou accessible par une petite porte à trouver dans la grille du champ sur lequel il se dresse, avec ses 46 pierres sur un diamètre de 120 m, avec en son centre un menhir de 2,15 m. Est-ce que les cromlechs étaient liés à la disposition des étoiles, ou servaient-ils à protéger les troupeaux symboliquement ?
Les menhirs n'ont cessé d'alimenter l'imaginaire et les légendes. Aussi vers Blandas, le menhir de la Pierre Plantée, un monolithe de 2,60 m était appelé dans le pays la pèira des mascas, la pierre des sorcières, car il était dit que celles-ci venaient danser autour de la pierre chaque samedi pendant la nuit. Le dolmen de la Pèire Cabucelade, la pierre au couvercle, fut appelé l'Ostalet de las Fadas, la petite maison des fées. Cette partie du Gard est l'une des plus riches en termes mégalithiques, et les sites sont accessibles à pied, sur des circuits que l'on peut faire en voiture pour aller de site en site.
Ceux des Causses sont pour la plupart dépourvus de gravures, mais dans les Garrigues, entre Nîmes et Alès, en aval de Quissac, et dans l'Uzège, quelques statues-menhirs ont été découvertes entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. À Saint-Théodorit, Saint-Bénézet ou à Bragassardes, ce sont de petites stèles, dont les dessins représentent une forme humaine stylisée. Sur les « têtes de chouette », les yeux et le nez sont faits d'un « T », sans bouche ou avec le pli d'un voile destiné à la masquer, avec un bandeau ou un tatouage au front. Le corps peut porter des vêtements ou des outils, et les chercheurs ont pu distinguer des statues féminines et masculines. On en retrouve une collection d'une quarantaine de pièces gardoises qu'il est possible d'admirer au Muséum d'histoire naturelle de Nîmes, d'ailleurs classé au 6e rang national pour la richesse de ses collections. Les statues-menhirs disparaissent à l'Âge du Bronze environ.
Des recherches qui étonnent encore
Le Gard n'a pas fini de dévoiler ses secrets, ce qui en fait un territoire d'étude passionnant. Les fouilles actuelles permettent encore de faire des trouvailles qui élargissent la vision et la connaissance du passé du département. En 2017, les chercheurs découvraient une magnifique mosaïque antique témoignant de la présence romaine à Uzès, et en 2019, ils tombaient sur un vaste cromlech, plutôt surprenant dans ce site en creux et non en hauteur. Il a la particularité assez exceptionnelle de voir ses monolithes collés les uns aux autres, de manière ininterrompue, formant une sorte d'enceinte. L'ensemble mégalithique, datant du Néolithique final pour être occupé à nouveau intensément vers 1000 avant J.-C., s'étend au-delà du site des fouilles qui se révèle peu à peu. Les résultats des recherches sont peu à peu communiqués au grand public.
Beaucoup de travail reste à faire pour mettre en valeur l'Histoire ancienne du département. Des sites magnifiques de la protohistoire, comme à Nages l'oppidum des Castels, construit par les Volques Arécomiques à l'âge du fer, font partie des merveilles méconnues du Gard. Le village fantomatique permet de s'imprégner de la vie à l'époque de la Gaule celtique, juste avant l'arrivée des Romains. Les pétroglyphes, les énigmatiques pierres gravées très nombreuses dans les Cévennes, ont fait l'objet d'une exposition au Musée du Colombier au début 2024. Les visiteurs du Gard, s'ils savent faire preuve de perspicacité, pourront eux aussi participer aux découvertes en cours...