Guide du Soudan : Arts et culture
Sans être uniforme, l'architecture soudanaise n'est cependant pas très diversifiée. Dans l'Antiquité, les styles et les techniques de construction locale ont été fortement influencés par l'Egypte, à partir de l'après-Kerma. En témoignent les pyramides ainsi que l'usage du chadouf (une grue de levage utilisée en Egypte) pour leur érection.
En architecture civile, traditionnellement, on trouve la maison nubienne au nord, avec une petite enceinte, une cour et des bâtiments séparés en briques, et les "toukouls" africains au sud, cases individuelles, rondes, de paille et de terre. La porte d'entrée nubienne est l'élément de décoration qui reste le plus utilisé encore de nos jours. Les voûtes et les coupoles, autrefois traditionnelles, sont aujourd'hui plus rares. Seules les tombes de saints locaux, en Nubie et dans la Gezira, présentent des dômes caractéristiques en pomme de pin, comme la tombe du Mahdi à Omdurman. Pour rester dans l'architecture religieuse, nombre de minarets du pays sont modernes et ressemblent à des fusées plus qu'à des minarets ! Les édifices chrétiens montrent des influences à la fois méditerranéennes et africaines, qui peuvent parfois ne pas faire bon ménage avec leur environnement.
Les toukouls, faciles à construire et peu onéreux, restent très utilisés, y compris dans le sud de la Nubie et jusque dans l'Est. L'introduction des parpaings et du béton a modifié le paysage dans les villages, surtout dans le Nord, mais principalement dans les grandes villes. A Khartoum, les immeubles modernes de plusieurs étages et les villas à l'occidentale sont désormais la norme dans les quartiers commerçants et résidentiels. Le projet Mogran de la confluence démontre une envie de prendre modèle sur les vitrines urbaines des pays du Golfe. Une grosse partie du bâti, néanmoins, reste dans une situation de précarité, dans la capitale et à travers tout le pays. A Juba, quelques immeubles à étages sont désormais visibles. Mais il est évident que cette "ville-champignon" se cherche encore.
Dans ce très grand pays riche de différentes cultures, l'artisanat est relativement peu développé. On y trouve cependant des bijoux, particulièrement les bracelets et les colliers, surtout dans le Nord et l'Est. A l'est aussi, les sabres et les couteaux sont des pièces d'apparat. Les objets en feuilles de palme, comme les boîtes ou les grands paniers ronds pour les repas, sont courants en Nubie. La sculpture sur bois, particulièrement le bois d'ébène, pour la fabrication de petits objets sculptés de la vie courante ou de statuettes, est une source de cadeaux souvenirs à ne pas négliger. On y travaille aussi le cuir. Ainsi, vous trouverez un peu partout des sacs ou des chaussons (poilus ou non) délicieusement kitsch. Les Soudanais possèdent également une garde-robe impressionnante, dont les toubes (robe féminine) et les gallabiyas (robe masculine) sont les pièces les plus connues. Les tissus sont en général ornés de motifs très divers. Mais le comble du raffinement ce sont les parfums de production locale, dont l'usage répond à des règles bien précises.
Les vêtements traditionnels sont nombreux et plutôt bon marché, même si vous ne savez pas vraiment négocier. Des statuettes, des masques ou des gravures sont aussi des souvenirs originaux. La petite pyramide de Méroé en grès est un choix toujours sûr. Mais le meilleur souvenir à rapporter du Soudan, c'est la nature chaleureuse de ses habitants !
Le cinéma soudanais est bien pauvre comparé à celui de son voisin égyptien, plus gros producteur cinématographique du monde arabe. Pourtant, en comparaison avec l'Afrique, le Soudan fut un pays pionnier, notamment grâce à Gadalla Gubara, considéré comme le père du cinéma soudanais, voire africain, et qui, dès avant l'indépendance, tourna ses premiers films. Song of Khartoum, qui expose la beauté aride de la capitale soudanaise au début des années 1950, passe pour le premier film en couleur d'Afrique subsaharienne. Gubara réalisa également nombre de films documentaires, dont Independence, en 1957, ainsi que des films abordant des thèmes sociaux, comme Tajoog, en 1984, qui évoque les complexités de l'amour dans la société arabe traditionnelle. A sa mort, en 2008, Gubara était déjà devenu aveugle, mais sa fille avait repris le flambeau en devenant elle-même réalisatrice.
Le Soudan compte peu de grands acteurs ou réalisateurs, en dehors d'Ali Mahdi. Certains acteurs sont partis jouer à l'étranger, comme Alexander Siddig, coutumier d'Hollywood (Star Trek, Syriana, Kingdom of Heaven) et, accessoirement, neveu de Sadiq al-Mahdi, ancien Premier ministre soudanais ! Les Soudanais s'intéressent davantage au cinéma égyptien, turc ou indien, voire aujourd'hui aux grosses productions américaines. Les salles de cinéma ont fermé un peu partout et les dernières ouvertes sont presque désertes. Le phénomène s'est accéléré avec l'arrivée du satellite et de l'Internet.
La danse tient une place à part au Soudan, étant pratiquée par de nombreux peuples, du nord au sud, des Béja aux Zandé, depuis des siècles. Lors de célébrations comme le sibir, dans les monts Nuba, la danse permet d'extérioriser la joie causée par un événement exceptionnel, une bonne récolte, une naissance, un mariage. Dans le cas des soufis, lors des dhikr, la danse favorise également la communion directe avec le divin. Jadis, les cérémonies mystiques, appellées zar, étaient accompagnées de transes au son lancinant du tambour. Aujourd'hui encore, les percussions sont très appréciées, même si les instruments à cordes et à vent, notamment hérités des colons, ont enrichi l'orchestre.
Les Soudanais aiment danser, cela fait oublier la chaleur ! Pendant les mariages, au son des youyous, on agite en l'air des cannes traditionnelles en ponctuant le rythme. Pendant un concert de musique traditionnelle ou moderne, on bat la mesure et on se dandine. Les soirées privées de la jeunesse locale ne sont pas bien différentes de celles qu'on organise en Europe. Vous verrez que même la sharia n'a pas réussi à éradiquer l'envie de bouger des Soudanais !
A l'origine, les auteurs soudanais écrivaient en langue arabe, principalement parce que le Nord arabe a toujours eu davantage accès à l'éducation que le Sud. La poésie, qui témoigne de la beauté et de la complexité de la langue du Coran, est un art prisé au Soudan depuis plusieurs siècles. D'autres langues locales y ont également excellé, comme le bedawi. Les contes soudanais ont été d'abord transmis par voie orale, avant d'être couchés sur le papier. Les textes religieux sont venus enrichir l'ensemble au XIXe siècle. Mais c'est au XXe siècle que le développement de la région entraîna un accroissement des élites intellectuelles et la démocratisation de l'accès aux oeuvres littéraires.
Le Soudan colonial, traversé par le questionnement sur l'identité de sa société plurielle, devint un foyer de débats sur le colonialisme et le multiculturalisme dans un espace afro-arabe. Tayeb Saleh, romancier et auteur de nouvelles, maître incontesté des lettres soudanaises, est réputé dans l'ensemble du monde arabe pour le réalisme et la justesse de ses écrits, parmi lesquels l'indispensable Season of Migration to the North, sorti en 1967. Saleh s'est attaché à mettre en lumière les contradictions de la société traditionnelle soudanaise avec ses valeurs, alors que l'époque des brassages culturels semblait remettre en cause l'ordre ancien. Sa disparition, en 2009, a laissé un grand vide parmi les intellectuels arabes.
Les thèmes de réflexion sociale et culturelle sont privilégiés par les écrivains soudanais. Awn as-Sharif Qasim (1933-2006) est ainsi une référence par ses nombreux écrits sur la culture islamique et les traditions du Soudan. Les rapports homme-femme sont aussi régulièrement mis en perspective. Plusieurs auteurs sont d'ailleurs des femmes, dont Malkat ed-Dar Mohammed (1920-1970) ou, aujourd'hui, Leila Abulela (née en 1964). La première fut pionnière dans la littérature soudanaise. Dans les années 1960, le fait qu'une femme écrive, et aborde parfois des sujets choquants pour la société patriarcale de son époque, a révolutionné la manière de voir de nombre de femmes soudanaises. La seconde est aujourd'hui un célèbre auteur à succès, récompensée par plusieurs prix internationaux. La tradition poétique a été perpétuée par des esprits brillants, tels que Salah Ahmed Ibrahim (1933-1993), Ibrahim Ali Salman (1937-1995) ou encore Mohammed al-Fayturi.
Aujourd'hui, les styles se sont diversifiés et le Soudan publie de plus en plus de titres qui sont traduits en langues étrangères, même dans la région Sud, où certaines oeuvres de langues locales sont publiées pour la première fois. L'arabe et, dans une bien moindre mesure, l'anglais continuent néanmoins de dominer le marché de l'édition soudanaise.
Malgré des cas réguliers de censure, les médias ont accédé à une relative liberté au Soudan, depuis la conclusion de la paix. Les choses pourraient toutefois se compliquer selon l'évolution de la situation politique. En tant que porte-voix du secteur, l'Union des journalistes soudanais est un élément de la société civile à ne pas négliger.
Les journaux restent une source d'information privilégiée au Soudan, même si leur audience recule au profit de la télévision et d'Internet. L'agence de presse nationale soudanaise est la SUNA (SUdan News Agency).
La plupart des journaux soudanais sont, bien sûr, de langue arabe. Le pays compte plus d'une vingtaine de quotidiens d'orientation plutôt indépendante. Parmi eux, Ray Al-A'am (L'avis général), Akhir Lahza (Dernière Minute), Akhbar al-Yaoum (Nouvelles d'aujourd'hui), Al-Ayam (Les jours), Al-Ahdath (Les événements), As-Sahafa (La presse), As-Sudani (Le Soudanais) ou Al-Khartoum sont les plus réputés. Les journaux des partis politiques paraissent, eux, une fois par semaine. D'autres revues traitent de sujets sociaux, mais les magazines en général ont encore du chemin à faire au Soudan.
Parmi les journaux anglophones, on compte le Khartoum Monitor, vénérable journal sudiste datant de la guerre, et The Citizen, publié depuis 2005 à Juba, les deux étant des quotidiens d'information indépendants. Autrement, vous lirez le Sudan Vision, progouvernemental ; le Sudan Tribune, dont le site d'informations éponyme, bien que très utile, n'a aucun lien avec le journal ; et le Juba Post, qui paraît une à plusieurs fois par semaine. Enfin, une poignée de journaux étrangers sont également en vente, comme Newsweek.
Depuis 1962, Sudan TV est la chaîne historique, longtemps unique, du paysage audiovisuel soudanais. Toutefois, depuis quelques années, avec la libéralisation du secteur et le développement du satellite, les chaînes se sont multipliées, y compris en local car il reste onéreux de chercher à couvrir l'ensemble du territoire national. Blue Nile TV est l'une d'elles.
Depuis les années 1990, la télévision s'est popularisée jusque dans les campagnes. Les chaînes du câble égyptien ou du Golfe sont les plus prisées. Al-Jazeera est, comme partout dans le monde arabe, incontournable. La BBC a également son audience au Soudan, peut-être aussi parce que l'une de ses présentatrices est Zeinab Badawi, une célèbre journaliste soudanaise très respectée dans son pays ! Les événements sportifs, les feuilletons et les nouvelles sont les programmes les plus regardés.
Sur le même modèle que la télévision, la radio s'est ouverte aux investissements privés. Parmi les plus écoutées localement, on trouve Radio Miraya (Mirroir), Mango FM pour les programmes musicaux, et Sudan Radio Service sur l'ensemble du territoire, et Capital FM Juba dans le Sud. La BBC est, comme dans le cas de la TV, une radio qui intéresse la population soudanaise.
A l'image du pays tout entier, la musique du Soudan est plurielle. Elle mélange des influences arabes et africaines, des rythmes et des instruments locaux (ces derniers sont visibles sur les billets de 2 SDG) ou, aujourd'hui, étrangers. Les musiques soudanaises actuelles tirent leur origine des musiques traditionnelles et religieuses des siècles passés. Au sud et dans les monts Nuba, chaque tribu possédait ses propres rythmes. Dans le Nord, il s'agissait du style madee, qui utilisait des instruments d'origine arabe avec des rythmes nubiens pour psalmodier les louanges du Prophète. Les musiques soufies ont eu également une grande influence sur la culture musicale du pays. Dans les années 1920, le madee se sécularise en haqiba, où le chanteur tient une place fondamentale, et la musique se popularise dans les événements festifs, comme les mariages, et s'introduit en ville.
Les temps de la guerre et de l'indépendance voient naître un mélange des genres et une ouverture franche à l'étranger. La musique pop, le jazz puis le reggae et le rap font leur apparition à la radio, tandis que de nouveaux instruments, comme la guitare, le violon ou le piano, viennent jouer les musiques plus traditionnelles, voire des musiques tribales du Sud. La musique se fait généralement sur la base d'un rythme à 5 temps et les chants fonctionnent comme les éléments d'un poème. De la chanson soudanaise émergent alors de grands noms, comme Mohammed Wardi, Mohammed al-Amin ou Abdel Karim el-Kabli. Et depuis que le régime a modéré ses ardeurs islamistes, des groupes de chanteurs trouvent même plus de place.
Aujourd'hui, en plus des siennes propres, le Soudan aime écouter toutes sortes de chansons venues du monde entier. Pour vous en convaincre, prenez un bus entre deux villes au Soudan, sans oublier d'emporter des boules Quiès...
Au Soudan, la peinture et les arts graphiques trouvent leur origine dans les civilisations nubienne et arabe, ainsi que dans les arts tribaux. L'art pictural est attesté dès l'Antiquité chez les Koushites qui, comme leurs voisins égyptiens, recouvraient leurs bas-reliefs ou les tombes royales de peintures polychromes. Les superbes fresques des églises chrétiennes du Moyen Age nubien montrent une forte influence byzantine. Des Arabes vint notamment la calligraphie. Quant à la peinture corporelle, elle est encore largement pratiquée par certaines tribus du pays. En Nubie, le henné, comme dans bon nombre de pays arabes, est utilisé par les femmes sur les mains, les pieds, et plus rarement le visage, selon des codes établis. Ainsi, une femme mariée arborera des motifs que ne pourra se permettre une célibataire.
Une autre tradition qui perdure jusqu'à nos jours est la pratique de scarifications faciales parmi de nombreuses tribus, de Nubie jusqu'au Sud-Soudan. Chaque type de scarification marque l'appartenance tribale et le statut social de l'individu. Notons que ces pratiques ne sont pas récentes. Elles remonteraient à l'Antiquité. Le dieu méroïtique Apadémak lui-même sacrifiait à cette coutume.
Depuis l'époque coloniale, les arts aussi ont subi des influences extérieures, particulièrement de l'Europe, puis des Etats-Unis. Avec la création de facultés et de centres d'études artistiques, la peinture soudanaise a incorporé des techniques nouvelles. La guerre civile et l'émigration ont ajouté les thèmes sociaux aux représentations figuratives. Des expositions de peinture contemporaine ont régulièrement lieu à Khartoum. La galerie d'art la plus connue du pays est celle de l'artiste Rachid Diab (www.rashiddiabartscentre.net). Les amateurs pourront y jeter un coup d'oeil.
Comme la peinture, la sculpture au Soudan remonte aux temps antiques et fut aussi très pratiquée par les tribus, particulièrement celles du Sud, où les statues étaient au centre de certains cultes animistes. Aujourd'hui encore, des tribus christianisées perpétuent cet art. Des expositions d'oeuvres de jeunes sculpteurs sont régulièrement organisées à Khartoum.
On pourrait tout à fait dire que le Soudan est un pays traditionaliste et religieux qui pose sur la modernité un oeil bienveillant... La religion, musulmane ou chrétienne, reste au centre de la vie quotidienne. Mais sa tolérance traditionnelle et son éclectisme lui permettent de s'adapter moins difficilement qu'ailleurs aux défis de la mondialisation. La société elle-même change par nécessité et a conscience de la richesse de sa diversité culturelle. Pour les Soudanais, le monde n'est pas figé et il est donc normal d'accepter de le voir évoluer. Ce constat n'empêche nullement certaines tribus à travers tout le pays de continuer à suivre les traditions ancestrales. Le respect du passé demeurant le garant d'un avenir serein.
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