Guide d'Azerbaïdjan : Population et langues

Berger, Siyazan.

Sylvie FRANCOISE

L'Azerbaïdjan a une population de 9,2 millions d'habitants, à 55 % urbaine, avec une densité moyenne de 103 habitants par kilomètre carré, l'une des plus fortes du Caucase. Le pays a une population jeune (l'âge moyen est de 27 ans), grâce à une natalité relativement forte (toutefois en baisse depuis l'indépendance) mais également à cause d'une espérance de vie modeste (63 ans dans les années 1992-1994, mais remontée à 72 ans aujourd'hui). La grande majorité de la population est d'origine ethnique azérie, une ethnie que l'on retrouve également en Iran (15 millions d'individus), en Russie, en Turquie et en Asie centrale (environ 4 millions). La population azérie s'est définie progressivement, au fil des invasions et occupations par des groupes ethniques perses, mongols, arméniens, kurdes... Le résultat de cette histoire mouvementée est une diversité ethnique renforcée par des particularismes géographiques marqués. En 1989, le pays comptait 90 nationalités et groupes ethniques différents. Ceux-ci ont obtenu une protection légale dès 1992, lorsque le président Elchibey a créé le Conseil consultatif pour les relations interethniques, prenant en compte un certain nombre de revendications de minorités, notamment frontalières. Mais aucune référence aux Arméniens n'était incluse dans ces dispositions légales en faveur des minorités ethniques.

L'ethnie majoritaire (à près de 90 %) dans le pays est azérie : il s'agit d'une ethnie d'origine turque, dont les caractéristiques culturelles et linguistiques ont été à peu près définies dès le XI^e siècle. La population azérie est concentrée dans la péninsule d'Absheron, qui accueille les principales villes du pays, dont Bakou. La proportion d'Azéris dans le pays a largement augmenté depuis l'indépendance, à cause du départ de nombreux Russes et Slaves et de la guerre du Haut-Karabakh qui a entraîné la fuite de la plupart des Arméniens du pays. Avant l'indépendance, les Arméniens représentaient environ 6 % de la population locale : leur proportion est tombée aujourd'hui à moins de 2 %.

Malgré l'indépendance et le retour de nombre d'entre eux en Russie, les Russes restent une importante minorité en Azerbaïdjan. Contrairement aux autres groupes ethniques qui sont arrivés en Azerbaïdjan depuis de nombreux siècles, les Russes ne se sont implantés qu'à partir du XIX^e siècle, en même temps que les troupes tsaristes puis l'Armée rouge pénétraient dans le pays. Les populations russes d'Azerbaïdjan sont essentiellement urbaines et exercent encore aujourd'hui une forte influence, notamment culturelle. Les écoles russes font encore partie des établissements les plus réputés du pays, et la langue russe est parlée par une large partie de la population.

Les Lesghiens sont largement représentés dans le nord du pays : on en compte environ 171 000 le long de la frontière avec le Daghestan. Cette ethnie caucasienne est en effet originaire des montagnes du Daghestan, où vit encore une grande partie de ses représentants. Les Lesghiens sont musulmans sunnites, depuis leur conversion après les invasions arabes du VIII^e siècle. Les échanges transfrontaliers avec les Lesghiens du Daghestan restent très importants et sont d'ailleurs facilités par la législation azérie.

Les Talych, essentiellement implantés le long de la frontière iranienne, font partie des groupes ethniques importants à la fois politiquement et par leur nombre. Cette ethnie musulmane chiite, originaire du nord de l'Iran, compte environ 80 000 représentants en Azerbaïdjan. Leur dialecte est proche du farsi.

Les 44 000 Avars d'Azerbaïdjan vivent le long de la frontière du Daghestan, d'où ils sont originaires. Leur histoire, leurs caractéristiques et leur répartition géographique sont assez proches de celles des Lesghiens.

Les Tsakhours sont originaires du Daghestan, où une partie d'entre eux réside encore. Cette population musulmane, dont on recense 20 000 représentants en Azerbaïdjan aujourd'hui, est venue s'installer dans le pays au XIII^e siècle.

L'Azerbaïdjan compte également une importante communauté juive. La plus ancienne, les Juifs des montagnes, également baptisés Tats, se sont implantés très tôt en Azerbaïdjan. La légende raconte qu'ils seraient les descendants des Juifs capturés après l'invasion de la Samarie par le roi assyrien Sargon, au VII^e siècle av. J.-C. Une autre vague, mieux située historiquement, a eu lieu aux V^e et VI^e siècles, lors des répressions menées en Iran contre les populations juives. Les Juifs des montagnes seraient environ 11 000 aujourd'hui en Azerbaïdjan, essentiellement installés dans la région de Guba. Le pays compte également des communautés juives ashkénaze (4 300 personnes) et géorgienne (6 000 personnes), toutes deux arrivées au XIX^e siècle. Les Juifs n'ont jamais été persécutés en Azerbaïdjan, mais la période de troubles politiques consécutive à l'indépendance a entraîné le départ de 45 000 d'entre eux vers Israël, entre 1989 et 1993.

L'Azerbaïdjan accueille également d'importantes communautés kurde (dans l'est du pays) et géorgienne. Les Arméniens sont présents dans le Haut-Karabakh, mais ont presque disparu du reste du pays, suite aux mouvements forcés de populations provoqués par la guerre.

La langue azérie est d'origine turque et appartient à la branche sud des langues altaïques. Près de 85 % des habitants du pays parlent l'azéri et 38 % d'entre eux le russe. L'azéri contemporain est relativement proche du turc d'Anatolie et du turkmène, langue avec laquelle il partage une origine commune : les tribus oghuz qui vivaient en Asie centrale du VII^e au XI^e siècle.

La langue des Azéris a connu de nombreuses vicissitudes, au gré des invasions et des occupations. Avant l'époque soviétique, la littérature azérie était écrite en arabe, puis, à partir du début du XX^e siècle, l'influence de la langue vernaculaire est devenue de plus en plus présente dans la production culturelle locale. En 1924, les Soviétiques ont soutenu l'introduction d'un alphabet romain, pour imposer progressivement, à partir de 1930 (et rendre légalement obligatoire en 1940), l'utilisation de l'écriture cyrillique. Au moment de l'indépendance, la question de l'écriture est devenue un enjeu politique, dans la mesure où elle était un instrument de rapprochement culturel (fallait-il revenir à l'arabe ou adopter un système similaire à celui de la Turquie ?) : le pays a finalement choisi d'adopter un alphabet roman incorporant quelques modifications pour rendre l'intégralité des nuances de la langue locale.

Ces nombreux changements d'écriture ont évidemment eu des conséquences néfastes, et notamment celle de couper une partie de la population de son héritage littéraire. Les poèmes et les textes azéris sont en effet rédigés en persan pour les plus anciens d'entre eux, puis en turc à partir du XVI^e siècle, avant l'introduction de la langue vernaculaire au milieu du XIX^e.