Guide de La Palma : Survol des Canaries
Une fois aux Canaries, on se rend compte de ce qui fait leur spécificité : des terres de basalte, des collines (ou même des monts) de lave, des forêts luxuriantes, des amas nuageux très denses et des disparités climatiques étonnantes d'un bout à l'autre de l'archipel.
Africaines (considérées comme territoire occupé par une puissance étrangère par l'Union africaine), macaronésiennes (avec Madère et les Açores) comme espagnoles par leur architecture : les Canaries sont à la croisée de plusieurs mondes. Les Canaries ne peuvent par conséquent que séduire tous les publics...
Depuis plus de vingt ans, les gouvernements locaux ont entamé une réflexion suivie d'actions en faveur de la préservation de l'écosystème et sont soucieux de conjuguer tourisme et respect de l'environnement. Il est vrai que les errements immobiliers des années 1970-1980 ont laissé des traces peu enviables sur le littoral.
Les volcans de l'archipel ne sont pas éteints et vous aurez peut-être le rare privilège d'assister à leurs réveils épisodiques, nettement plus doux que leurs convulsions de jeunesse mais se déclenchant régulièrement. La dernière éruption a eu lieu en 1971, sur le volcan Teneguía, à la pointe méridionale de La Palma. A Tenerife, la dernière éruption s'est produite en 1909, sur le volcan Chinyero, à une dizaine de kilomètres en contrebas du Teide. A Lanzarote, la dernière période d'activité remonte à 1824. Elle fut faible si on la compare à l'éruption dévastatrice que connut la région de Timanfaya, sur la côte ouest, entre 1730 et 1736 : le tiers de l'île fut alors englouti par la lave ! Sur El Hierro, les récits anciens évoquent une seule éruption, celle du volcan de Lomo Negro, à l'ouest de l'île en 1793.
D'autres éruptions ont pu être datées approximativement, par les témoignages des Guanches. Ainsi, trois éruptions sur Tenerife, l'une, incertaine, en 1341, la seconde en 1393-94, et la troisième, plus probable, en 1430 dans la vallée de La Orotava ont été rapportées. De même, l'île de La Palma ne fut occupée qu'en 1493, peu après une éruption au volcan Tacande qui se déroula en 1480, selon une analyse des cendres au carbone 14.
Fuerteventura aligne 52 km de sable blanc. C'est le refuge pour les amoureux des plages paradisiaques, avec ses lagons bleu turquoise et ses dunes vierges. Le nord de l'île est bien préservé, autour du parc national de dunes et de la plage de Corralejo, tandis qu'au sud de l'île, la magnifique plage de Jandia (40 km de sable blanc) souffre malheureusement d'une pression touristique et immobilière étouffante : les complexes bétonnés s'alignent de Morro Jable à Costa Calma.
Gran Canaria et Lanzarote comptent aussi des plages naturelles de sable blanc. Sur la première, à Playa del Ingles à Maspolomas au sud de l'île, où vous trouverez même un champ de dunes protégé entre les deux stations balnéaires. Sur Lanzarote, des criques de sable blanc très agréables jalonnent les côtes sud, de Playa Blanca à Orzola, car la côte nord a été engloutie sous la lave du volcan Timanfaya. La plus belle plage, Playa de Papagayo, est à la pointe sud de l'île, tandis que des excursions en bateaux proposent une journée à Isla de los Lobos, aux plages désertes et paradisiaques.
Tenerife. Sur plus de 350 km de côtes, l'île compte plus de 225 km de falaises ! Parmi les 50 km de plages disséminées tout autour de l'île, 35 km sont constitués de galets et de gravier, tandis que seulement 15 km sont constitués de sable. Ces criques naturelles sont magnifiques lorsque le sable noir scintille sous le soleil (comme Playa de Benijo, massif de l'Anaga). Ces plages très isolées sont synonymes de calme et de naturisme, ne sont pas surveillées, et la baignade y est souvent dangereuse. A l'opposé, pour conserver son affluence touristique, Tenerife compte quelques plages artificielles aménagées avec du sable blanc importé du Sahara ! Parmi elles Playa de las Americas et Los Christianos au sud (les deux stations les plus touristiques de l'île) mais aussi Mesa del Mar à Tacoronte et Las Teresitas à Santa Cruz.
A La Gomera, La Palma et El Hierro, les plages de sable sont quasi inexistantes. La Gomera compte quatre très belles (mais dangereuses) plages de sable noir à Valle Gran Rey (Playa de los Ingles), San Sebastián, Playa Santiago et Agulo, et quelques plages très isolées comme à Alojera ou la Dama. Sur La Palma, vous trouverez quelques plages de sable noir comme Playa de los Nogales et Playa de los Cancajos, et des piscines naturelles appelées charcos (piscinas de Fajana et Charco Azul au nord-est). Il est très agréable de se baigner dans cette eau limpide au milieu des rochers, mais attention en cas de forts courants et de grosses vagues. Sur El Hierro, pas de plages, mais de très beaux charcos comme Charco Manso au nord et Charco Azul, au sud-ouest.
Le climat des Canaries est subtropical océanique. L'anticyclone des Açores garantit un beau temps stable toute l'année tandis que les vents alizés apportent un peu d'humidité à l'air. Lorsque le tourisme naissait sur Tenerife, certains hôtels attiraient les clients avec cette publicité : " Un jour sans soleil est un jour remboursé " ! Chaque île et même chaque village possède un microclimat particulier car l'anticyclone des Açores maintient un beau temps constant tandis que les vents des alizés poussent des nuages humides qui rafraîchissent l'atmosphère. La meilleure période pour s'y rendre s'étale de mars à novembre. En hiver, la lumière est cependant meilleure et l'on peut se baigner en contemplant les sommets enneigés de La Palma et Tenerife.
Un soleil éternel. Les Canaries restent toute l'année un paradis pour les touristes qui cherchent le soleil et des températures agréables. On compte seulement 5 à 6 jours de pluie par mois de novembre à février, et de 0 à 2 jours de mai à octobre. La quasi-totalité des précipitations concerne le centre des îles (en altitude) et la côte nord où s'amassent les alizés. En revanche, les précipitations dépassent à peine les 100 mm aux pointes sud de Tenerife et Gran Canaria, ainsi qu'à Fuerteventura et Lanzarote, deux îles désertiques très arides. Les températures moyennes sont elles aussi idéales : elles oscillent entre 20 et 30 °C toute l'année. En hiver, l'air ambiant se rafraîchit mais le thermomètre ne franchit pas la barre des 15 °C. En hiver en revanche, le vent souffle avec violence sur Lanzarote et Fuerteventura et le climat varie avec l'altitude sur toutes les îles dépassant les 1 000 m. Aini les cols de haute montagne sur La Palma et Tenerife sont fermés pour cause de neige, et plus rarement les sommets d'El Hierro et de La Gomera.
Les alizés. Ces vents océaniques viennent du nord-est. La faible amplitude thermique observée aux Canaries (hors altitude) est expliquée par la présence des alizés (présent à plus de 50 % toute l'année). Ils ne sont pas porteurs de pluie, mais les nuages qu'ils amassent sur le flanc des îles sont chargés d'une humidité qui se dépose sur la végétation, et que les aiguilles des pins et les feuilles des lauriers laissent s'égoutter sur le sol en quantité surprenante. La végétation pourvoit ainsi à sa propre alimentation en eau.
La calima. Ce vent chargé de sable et de poussière du Sahara souffle jusqu'aux Canaries. Les îles de Fuerteventura et Lanzarote sont logiquement les plus touchées par ce phénomène qui se produit plus fréquemment en été, mais également Gran Canaria et Tenerife. Les jours de calima et de grosse chaleur, le ciel est blanc, la visibilité est très réduite au point que vous ne verrez aucun panorama si vous visitez le Teide ou un autre pic... Cette mini-tempête de sable permanente peut durer plusieurs jours et peut provoquer des problèmes respiratoires chez les personnes les plus sensibles à la poussière.
Le Panza de Burro. C'est un ensemble de nuages à basse altitude formant une épaisse couche blanche s'agglutinant sur les pentes des massifs montagneux. L'effet est fort saisissant depuis les hauteurs des îles occidentales.
En Espagne, la protection de l'environnement est assurée par une loi nationale, mais celle-ci se heurte au système des Communautés autonomes, qui prévoit que le domaine de l'environnement, à l'exception notable des parcs nationaux, relève du pouvoir régional.
Si dans certaines régions, la loi fédérale va au-devant des politiques régionales, elle apparaît aux Canaries comme un instrument peu adapté et daté, mais incontournable, étant donné l'absence de lois communautaires. En effet, la Communauté autonome des Canaries mène en matière de protection de la nature une politique très stricte, voire restrictive, avec la création de très nombreux espaces protégés, et de nombreuses zones et activités interdites, ou soumises à restrictions. Les autorisations sont en général difficiles à obtenir. Parallèlement à ces interdictions, les Canariens essaient de concilier la protection avec le tourisme de masse, au risque de sacrifier certaines zones.
L'on ne saurait prétendre que cette thématique soit lestement traitée par les responsables locaux, pour preuve l'existence d'une Agence canarienne du développement durable et du changement climatique ainsi que l'élaboration du Plan énergétique canarien poursuivant quatre objectifs principaux : garantir l'approvisionnement en énergies, favoriser leur utilisation rationnelle par une consommation efficace, développer les énergies renouvelables et parvenir à un développement durable. De même que les Canariens peuvent s'enorgueillir de disposer avec El Hierro d'un espace entièrement alimenté en énergie renouvelable, délaissant pour 2012 sa centrale alimentée au fioul.
Existe en sus de ces protections locales un projet, intitulé Protection du grand écosystème marin du courant des Canaries, réunissant à la fois l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et le Programme des Nations unies pour l'environnement, dont la tâche première est de préserver autant que possible tout l'écosystème marin autour de l'archipel et d'assurer sa biodiversité. Un programme d'envergure associant aussi le Cap-Vert, le Sénégal, la Guinée-Bissau et le Maroc. Débuté en 2010, ledit projet sera maintenu sur cinq ans avant d'en tirer les premières conclusions et acter sa prolongation.
L'alimentation en eau de l'archipel provient à près de 88 % des réserves souterraines naturelles. Il s'agit de nappes emmagasinées par les roches imperméables, dans des poches de retenue situées parfois bien au-dessus du niveau de la mer : on ne creuse pas alors de puits en profondeur, mais des galeries horizontales, pouvant s'enfoncer dans la terre jusqu'à 5 km de longueur. L'eau descend ensuite vers les régions habitées dans des canaux aménagés et couverts pour éviter l'évaporation.
Les ressources en eau sont donc nettement plus importantes dans les îles les plus montagneuses. Avec 217 hm³ annuels provenant presque uniquement des eaux souterraines, Tenerife représente près de la moitié de la consommation de l'archipel. La consommation se maintient ainsi juste en dessous du seuil de renouvellement des eaux souterraines, l'infiltration annuelle étant de 240 hm³, soit 28 % des précipitations estimées sur l'ensemble de l'île ; le reste s'évapore.
Plus on se déplace vers l'est, plus la faiblesse des ressources naturelles se fait sentir : les eaux souterraines ne représentent plus que 75 % des 130 hm³ utilisés annuellement par Gran Canaria, et sont quasi inexistantes à Lanzarote. Sur cette dernière, les précipitations ne représentent que 134 hm³ par an et s'évaporent à 96 %. L'île consomme moins de 5 hm³ annuels, provenant en grande partie du dessalement de l'eau de mer. Bien que cette technique ne fournisse que 6 % des ressources de l'archipel, elle est également utilisée à Fuerteventura et, depuis peu, dans le sud de Tenerife, également pour pourvoir aux besoins des centres touristiques. Les Canariens sont attentifs à ne pas épuiser les nappes, évitant ainsi des infiltrations d'eau de mer ; seule Gran Canaria demande à ses nappes souterraines plus qu'elles ne peuvent fournir. A Lanzarote, le dessalement est coûteux et polluant, mais indispensable à l'alimentation des complexes touristiques.
Ceux-ci représentent près du tiers de la demande en eau de l'île, contre moins de 11 % pour le reste de l'archipel. Le plus grand consommateur est l'agriculture, avec 60 % des ressources utilisées, en particulier par les bananeraies, puis la population urbaine, avec 25 %. Le prix de l'eau est d'environ 0,12 € le mètre cube.
Les parcs nationaux, bien qu'indépendants de ces impératifs économico-touristiques, adoptent également cette gestion contrastée, à l'américaine, et finalement peu pédagogique : on accepte d'un côté des bus de tour-opérateurs ou un téléphérique transportant des milliers de personnes et, de l'autre côté, on ferme des sentiers de randonnée qui, ouverts, ne seraient fréquentés que par quelques initiés respectueux. Au total, cent trente-neuf sites protégés couvrant 300 000 ha, soit 40 % des terres. Cette proportion varie de 56 % pour El Hierro à 29 % pour Fuerteventura. Tenerife représente à elle seule le tiers des zones protégées, et Gran Canaria un quart.
Les Canaries comptent, à elles seules, quatre parcs nationaux sur les huit que possède l'Espagne. Les parcs nationaux du Teide, à Tenerife, et de la caldera de Taburiente, à La Palma, datent de 1954. En 1974 fut créé à Lanzarote le parc de Timanfaya, sur le site de la grande éruption de 1736, puis, en 1981, le parc du Garajonay permit de protéger la plus belle forêt de lauriers de l'archipel, celle de La Gomera.
Gran Canaria, à l'environnement relativement pauvre et très dégradé, possède de nombreuses zones protégées, mais pas de parc national. On peut imaginer comme elle jalouse le Teide de son éternelle rivale, qui a contribué à ce que Tenerife devienne plus touristique qu'elle. D'excellents motifs politiques entrent donc sans doute en jeu dans le projet actuel d'un parc national à Gran Canaria, représentatif des différents milieux de l'île, également présents et protégés sur d'autres îles.
Parc national du Teide. Le plus grand des parcs nationaux est celui du Teide à Tenerife, avec près de 14 000 ha englobant toute la caldera de Las Cañadas, à plus de 2 000 m d'altitude. Le parc a un intérêt géologique et botanique : si l'altitude réduit le nombre des espèces végétales à cinquante-sept, quinze sont caractéristiques des Canaries, vingt autres de Tenerife, et onze autres encore de la seule zone protégée du parc.
Parc national de la caldera de Taburiente. Sur près de 5 000 ha, ce parc situé sur La Palma s'étend des crêtes de ce cirque érodé jusqu'au magnifique barranco de Las Angustias, où descendent des pentes couvertes de pins canariens. Plusieurs routes permettent d'admirer le panorama sur les crêtes, mais on n'accède qu'à pied à l'intérieur de la caldera.
Le parc national de Timanfaya à Lanzarote, en revanche, n'a pas donné la priorité aux randonneurs mais aux tour-opérateurs. C'est pour le moment le seul parc dont l'entrée est payante. On ne visite ainsi qu'une petite partie des 5 000 ha protégés du champ de lave déversé par le volcan Timanfaya en 1736, le reste étant interdit d'accès, mais on verra d'autres paysages volcaniques tout aussi magnifiques, plus facilement, en dehors du parc.
Le parc du Garajonay abrite, sur près de 4 000 ha, une forêt d'un intérêt exceptionnel : plus de quatre cents espèces végétales distinctes, dont quarante-trois sont propres à l'île, et vingt-neuf connues uniquement dans la zone protégée. Certaines zones du parc sont interdites ; néanmoins, on pourra sans difficulté faire de paisibles balades à l'ombre des lauriers géants.
La protection des cent trente-cinq autres sites classés des Canaries est beaucoup plus récente. Les plus grands espaces protégés sont les parcs, naturels ou ruraux, situés pour la plupart dans des zones élevées, tandis que l'urbanisation oblige la protection des côtes à se diviser en de nombreux sites de petites dimensions : monuments naturels, paysages protégés ou sites d'intérêt scientifique.
Parc maritime. L'un des parcs naturels, le parc maritime et terrestre de La Graciosa, protège également une grande surface de mer englobant tous les îlots du nord de Lanzarote.
Les cinq réserves de la biosphère reconnues par l'Unesco sont la laurisylve de Los Tilos dans le nord de La Palma (1983), l'île de Lanzarote, non seulement pour ses volcans mais aussi pour sa flore particulière, ses cultures traditionnelles et ses salines (1993), El Hierro (2000), la moitié de Gran Canaria (2005), et une partie de Fuerteventura (2009), incluant à chaque fois les territoires maritimes environnants. Le classement des ZEPA, issu de la directive européenne Oiseaux, est avant tout informatif, et ne s'applique qu'à des sites bénéficiant déjà d'un classement national, à l'exception de la zone de Lajares à Fuerteventura. Cependant, ces zones ont généralement été inscrites aux Canaries comme dans toute l'Union européenne, sur les listes nationales des zones qui formeront le réseau européen Natura 2000, donnant la priorité à la protection des habitats.
Si la faune terrestre est plus pauvre aux Canaries que dans les zones continentales comparables d'Afrique du Nord ou d'Europe méditerranéenne, cet insularisme a favorisé l'apparition d'espèces endémiques. La faune terrestre canarienne compte cent neuf espèces de vertébrés, quatre-vingt-six sont indigènes et vingt-trois ont été introduites par l'homme. Et sur ces espèces indigènes, dix-sept sont classées en danger d'extinction, et trente-sept sont menacées... Autre effet de l'insularité, les mammifères indigènes ont quasi disparu face aux espèces dominantes introduites par l'homme (rats, hérissons, chats, lapins et de tous les animaux domestiques : mouton, chèvre, vache, porc, chameau). Il reste seulement trois espèces de musaraignes et sept de chauves-souris ! En revanche, onze des treize espèces de reptiles sur les Canaries sont endémiques contre deux introduites, en raison de très nombreux lézards endémiques.
Bien qu'appelés chameaux, ce sont des dromadaires que l'on trouve dans les îles Canaries. Les dromadaires (Camelus dromedarius) appartiennent à la famille des ruminants. Ils ont un pelage plus ras que celui des chameaux, une moindre résistance et, signe très distinctif, une seule bosse. Ils sont arrivés dans les Canaries aux alentours de 1404. A cause de leur taille, ils durent être attachés et nager derrière les bateaux. Ils furent largement utilisés pour les travaux agricoles, à la construction des terrasses cultivables, avant de devenir des attractions touristiques.
Au début de notre ère, les Guanches élevaient de nombreux chiens et c'est pourquoi Pline l'Ancien baptisa l'archipel : Canaries, nom dérivé du latin canis. Il semble que le chien canarien, appelé verdino ou encore bardino sur certaines îles, soit le descendant direct des chiens guanches. Il rappelle également le lévrier sloughi utilisé pour la chasse par les Touareg, population d'origine berbère, comme, sans doute, une partie des premiers Canariens. Au cours de randonnées, ou même en marchant sur une route de l'intérieur des îles, vous croiserez fréquemment ces chiens plutôt costauds, gardant une maison ou un troupeau de chèvres, cherchant le gibier de leur maître ou l'accompagnant en promenade, ou tout simplement des chiens sauvages. La plupart du temps, ils aboient plus qu'ils ne mordent. Le chien est un animal respecté et l'on peut vous faire des appels de phares seulement pour prévenir de la présence d'un chien de l'autre côté du virage.
Les Canaries détiennent de nombreuses espèces endémiques de lézards, qui ne sont pas menacées par les animaux introduits par l'homme contrairement aux mammifères. Le plus beau, le rarissime lézard géant (Gallotia simonyi), vit à El Hierro et peut atteindre un mètre de longueur. On verra beaucoup plus facilement son cousin le lézard canarien (Gallotia galloti) à Tenerife, à La Gomera et à La Palma, ou le lézard de Gran Canaria (Gallotia stehlinii), qui n'est pas, lui non plus, d'une taille négligeable (jusqu'à 80 cm). On pourra également observer le gecko canarien (Tarantola delandii), toujours appelé du nom guanche de perenquén. Cette espèce habite toutes les îles, sauf Fuerteventura et Lanzarote, où vit un autre gecko.
Les vertébrés les plus nombreux sont évidemment les oiseaux, qui ne connaissent pas les frontières océaniques. On compte soixante-quinze espèces nicheuses, dont soixante-deux sont indigènes, et de nombreuses espèces présentes en France comme la mouette, le merle, le pinson, le rouge-gorge, le roitelet huppé ou la mésange bleue.
Les espèces endémiques aux Canaries : le pigeon de Bolle (Columba bollii), le pigeon de laurier (Columba junoniae), le pinson bleu (Fringilla teydea) et le traquet des îles Canaries (Saxicola dacotiae). Comme la flore de ce milieu naturel, on considère ces oiseaux comme des reliques de l'ère tertiaire. Cependant, malgré leur rareté, les pigeons présentent peu d'intérêt pour le profane : ils ressemblent beaucoup à notre pigeon ramier, si commun dans toute l'Europe.
Les espèces endémiques à la région Macaronésie : le célèbre canari (Serinus canaria), qui vit aussi à Madère et aux Açores. Il n'a pas un plumage d'un jaune aussi lumineux que sa variété domestique : il est plutôt terne dessus et jaune d'or dessous, mais son chant est identique. Le martinet unicolore (Apus unicolor) et le pipit de Berthelot (Anthus berthelotii), qui habitent également Madère sont très communs.
Sur la côte, sept espèces de puffins et pétrels, après avoir passé l'hiver en haute mer, s'installent en colonies sur les falaises, les îlots rocheux et les récifs les plus inaccessibles. Ils pêchent loin des côtes durant la journée et ne regagnent les nids qu'à la tombée de la nuit. On pourra les observer, planant au ras des vagues, lors d'une traversée en bateau entre deux îles, ou d'une sortie en mer. Le plus remarquable d'entre eux est le puffin cendré (Calonectris diomedea), présent sur toutes les îles. Doté d'un plumage gris et blanc, il ressemble beaucoup à un albatros en miniature, par son aspect général et son gros bec jaune.
A l'intérieur des îles, l'un des oiseaux les plus remarquables et les plus communs est le faucon crécerelle (Falco tinnunculus), ou cernícolo en espagnol. L'oiseau est beaucoup plus commun qu'en Europe : on le verra facilement jusqu'à plus de 3 000 m. On en verra parfois plus de cinq chassant ensemble, et l'on reconnaîtra aisément leur plumage roux, leur silhouette effilée et leurs ailes pointues. On les observera peut-être dans l'attitude dite du Saint-Esprit tournoyant en cherchant une proie, soudain suivie de piqués foudroyants. Un autre rapace, assez répandu sur toutes les îles est la buse variable (Buteo buteo), tout comme la huppe (Upupa epops), facilement reconnaissable à son plumage orangé et rayé de noir et blanc sur sa queue. Dans les pinèdes de Tenerife et de Gran Canaria, on aura peut-être la chance de remarquer le pic épeiche (Dendrocopos major) pour son plumage noir et blanc taché de rouge sur la tête et sous la queue.
La faune marine des Canaries compte plus d'un millier d'espèces d'invertébrés marins, plus de cinq cent cinquante espèces de poissons, vingt-quatre espèces de mammifères marins et cinq de reptiles marins. Seules dix-huit espèces d'invertébrés sont considérées comme des espèces endémiques, auxquelles s'ajoutent cinq poissons n'habitant que l'ensemble Canaries-Madère, et une petite espèce de gobie (Didogobius kochi) caractéristique des seules Canaries. La faune marine est la première victime de l'urbanisation du littoral qui a détruit une grande partie des milieux naturels côtiers.
Vous trouverez les soles et les mulets sur les côtes, les maquereaux, les sardines et les anchois en profondeur, les thons et les espadons en haute mer. A ceux-là s'ajoutent de nombreuses espèces plus typiquement canariennes, que les plongeurs trouveront moins colorées que les poissons coralliens des Antilles et de Polynésie ; néanmoins, elles possèdent un certain exotisme. Vous pourrez le constater lors de la visite du bel aquarium au Loro Parque de Puerto de la Cruz à Tenerife. Parmi les poissons, plusieurs requins (requin bleu, grand requin blanc, requin-marteau, requin ange) sont présents dans les eaux canariennes. Les baigneurs n'ont encore jamais vu l'ombre d'un aileron, seuls les plongeurs ont ce privilège. On pourra toujours se faire peur en imaginant les raies et autres torpilles, les murènes et les barracudas, qui restent pourtant plus rares que les vieilles et les mérous. En se promenant sur les côtes rocheuses découvertes à marée basse, on découvrira aussi des crabes rouges, des étoiles de mer, des anémones vertes, quelques poissons.
Sur la vingtaine de cétacés recensés, seuls quelques-uns sont observés régulièrement.
Il s'agit principalement de dauphins : le dauphin à flancs blancs (Stenella coeruleoalba), le dauphin commun (Delphinus delphis) et le dauphin souffleur (Tursiops truncatus).
On note également une population résidente de plus de deux cent cinquante globicéphales noirs (Globicephala macrorhynchus), dans le canal qui sépare Tenerife et La Gomera : ces petites baleines d'environ 6 m sont aisément reconnaissables à la grosse bosse de leur front et à leur longue nageoire dorsale. On les observera à coup sûr, ainsi que les dauphins, au cours d'excursions en mer au départ du sud de Tenerife et de La Gomera. Il faudra beaucoup plus de patience pour voir l'un des quelques cachalots (Physeter macrocephalus) présents dans les eaux canariennes, principalement dans la fosse profonde entre Tenerife et Gran Canaria.
Les Canaries présentent un grand intérêt pour le botaniste : on y compte près de deux mille espèces de plantes, dont cinq cent quatorze sont endémiques. L'insularité est à elle seule un facteur d'endémisme : la centaine de kilomètres d'eau salée qui sépare la côte africaine de Fuerteventura constitue une barrière infranchissable pour nombre d'espèces. Cette biodiversité est tant rare et précieuse que l'Unesco a classé le parc national du Teide à Tenerife et le parc national de Garajonay à La Gomera Patrimoine mondial de l'humanité, tandis que la caldera de Taburiente à La Palma, El Hierro, une partie de Gran Canaria, une autre de Fuerteventura et le parc national de Timanfaya ont été classés Réserve de biosphère.
Près de 40 % des espèces sont endémiques, car sept cents plantes ont été introduites aux Canaries, importées de tous les continents. Les Canaries constituent donc l'un des meilleurs exemples d'endémisme, qui n'est surpassé que par Hawaii, la Nouvelle-Zélande, Madagascar, et les îles Juan Fernández au large du Chili. Certes, ces 40 % pourraient sembler faibles par rapport aux 82 % recensés à Hawaii, mais il faut tenir compte de l'âge plus récent et des dimensions plus restreintes des Canaries. Il faut aussi tenir compte de la relative proximité d'archipels aux conditions géographiques semblables : Madère, les Açores, les îles du Cap-Vert.
Tenerife et Gran Canaria sont de loin les îles qui présentent la plus grande diversité floristique, avec près de mille deux cents espèces chacune. La Palma vient ensuite, avec plus de sept cents espèces, puis La Gomera, avec six cent cinquante espèces. El Hierro, en raison de sa petite taille, et Fuerteventura et Lanzarote, en raison de leur aridité, ne comptent qu'environ cinq cents espèces chacune.
La flore canarienne, tout comme le climat de l'archipel est particulièrement variable selon l'altitude et les zones déterminées par l'influence des alizés. Les zones de basse altitude des îles centrales et occidentales et la totalité de Fuerteventura et Lanzarote sont caractérisées par un fort ensoleillement, de faibles précipitations et des sols généralement pauvres. Elles sont constituées principalement d'euphorbes et autres plantes grasses. Ce milieu semi-aride atteint les 1 000 m d'altitude dans les parties méridionales des îles et ne dépasse pas les 600 m dans les parties septentrionales.
L'espèce d'euphorbe la plus caractéristique (et endémique) de l'archipel est l'euphorbe candélabre (Euphorbia canariensis), appelée cardon en espagnol. Lors de son séjour aux Canaries, André Breton évoqua ainsi cette plante : " Le chandelier à cent branches d'une euphorbe à tige aussi grosse que le bras, mais trois fois plus longue, qui, sous le choc d'une pierre lancée, saigne abondamment de blanc et se macule. " A Fuerteventura, on cherchera l'euphorbe de Jandía (Euphorbia handiensis), spécifique à l'île et très bien adaptée à l'aridité. Les tabaiba, caractéristiques de l'archipel et dont le nom vient de la langue guanche, sont également des euphorbes, toujours présentes parmi les premières plantes qui colonisent les champs de lave et autres landes volcaniques côtières.
D'autres plantes grasses typiquement canariennes sont liées aux milieux rocheux de l'archipel : ce sont les aeonium, ou verodes en espagnol, dont l'archipel compte trente-deux espèces et sous-espèces, et qui vont jusqu'à pousser sur les toits des maisons. Certaines sont très spécialisées ; ainsi, l'aeonium nobile ne pousse que dans les zones basses et sèches de La Palma.
Les espèces de cactus (non indigènes) que l'on verra en grand nombre dans tout l'archipel ont été importées du Mexique. Le figuier de Barbarie, archétype du cactus, et l'agave qui s'orne lors de sa floraison d'une excroissance de plusieurs mètres de hauteur, se sont ainsi répandus partout au détriment de la flore indigène.
A basse altitude, le seul arbre est le palmier canarien (Phoenix canariensis), également caractéristique de l'archipel. Il ne dépasse pas les 500 à 600 m d'altitude. C'est un palmier-dattier, au tronc plus épais et au feuillage plus fourni que le dattier africain. Ses dattes, appelées támaras ou dátiles sont comestibles, mais, loin d'avoir la qualité de celles du continent, ne sont pas consommées. Cependant, les Guanches semblaient s'en contenter et utilisaient aussi les feuilles ou palmes, comme les artisans canariens d'aujourd'hui, pour faire de la vannerie. Il n'est pas certain qu'il reste encore des palmiers sauvages.
A partir de 200 m d'altitude, jusqu'à 1 000 m au sud des îles et 600 m au nord, pousse la forêt thermophile. C'est l'écosystème qui a le plus souffert de la pression humaine, notamment agricole, et les exemples intacts ne subsistent aujourd'hui que dans des zones difficiles d'accès. L'un des arbres les plus caractéristiques en est le genévrier (Juniperus phoenicea), ou sabina en castillan. On en verra de très beaux exemplaires, tordus par le vent, à la pointe occidentale d'El Hierro. C'est une espèce typiquement méditerranéenne, présente également à Madère.
Sur les versants nord de Tenerife, la Gomera, El Hierro et La Palma, entre les altitudes de 600 et 1 500 m, se trouve cette extraordinaire forêt subtropicale liée aux alizés, qui y garantissent une humidité élevée et des températures relativement stables. Le monteverde se trouve, en effet, souvent dans le brouillard que la mer de nuages concentre à cette altitude, et les feuilles des arbres captent l'humidité qui leur est nécessaire. On considère ce milieu naturel, présent également à Madère et aux Açores, comme un musée botanique de ce qu'a pu être la forêt méditerranéenne de l'ère tertiaire avant de disparaître devant les glaciations. Cette forêt relique est due non seulement à l'insularité et aux particularités climatiques, mais également au relief qui, en particulier sur Tenerife, lui a permis de subsister en s'élevant en altitude. Le monteverde s'est considérablement rétréci devant les activités agricoles : il reste important à La Gomera et sur les pentes de l'Anaga et du Teno à Tenerife, mais a presque entièrement disparu de Gran Canaria, n'y subsistant plus que dans des zones très réduites et assez dégradées. Sur Gran Canaria, Tenerife, La Palma et El Hierro, l'étage végétal situé entre 1 000 et 2 000 m d'altitude, de climat méditerranéen sec, est occupé par la forêt de pins. Sur les côtes nord, les pinèdes succèdent à la laurisylve à partir de 1 500 m, tandis que, sur les côtes sud, elles apparaissent, plus clairsemées dès 1 000 m.
Entre 600 et 1 000 m d'altitude pousse la laurisylve, forêt de lauriers arborescents, prolongée entre 1 000 et 1 500 m par le fayal-brezal, forêt de bruyères également arborescentes. La laurisylve abrite une vingtaine d'espèces d'arbres indigènes, pour beaucoup endémiques, et pouvant dépasser les 10 m de haueur alors que leurs cousins européens demeurent à l'état d'arbustes. L'arbre le plus typique, le laurier (Laurus azorica), n'est pas propre à la région, mais deux autres arbres de la même famille sont caractéristiques de la Macaronésie : Persea indica, ou viñatigo en espagnol, et Ocotea foetens, ou tilo en espagnol.
Comme toutes les forêts de conifères, la pinède est un milieu assez pauvre, constituée presque exclusivement d'une seule espèce : le pin canarien (Pinus canariensis), caractéristique de l'archipel. On remarquera son port triangulaire qui le rend semblable à un sapin, ses aiguilles groupées par trois (et non par deux), et surtout sa capacité à coloniser rapidement les terrains volcaniques récents, comme à Tenerife le champ de cendres issu en 1909 du volcan Chinyero. Il est en outre capable de renaître après les incendies qui affectent souvent les pinèdes et qui les ont réduites, rien que dans les cinq dernières années, à Tenerife. Les pins bénéficient de l'humidité apportée par les alizés : dans le brouillard, leurs aiguilles, leurs branches, et les mousses qui y pendent, ruissellent de gouttes d'eau brillantes et s'égouttent sur le sol, inondé sous les arbres et sec partout ailleurs. On observera à loisir ce phénomène sur les hauteurs d'El Hierro : il ne pleut pas, ce sont les arbres qui pleuvent !
Les sommets d'El Hierro, La Gomera et Gran Canaria, qui ne dépassent pas les 2 000 m d'altitude, sont parsemés de pins. Ce n'est qu'à Tenerife et, dans une moindre mesure, à La Palma, qu'apparaît donc une végétation propre à la haute montagne, subissant un climat beaucoup plus rigoureux, avec un ensoleillement important, une forte amplitude thermique, des vents violents et des chutes de neige en hiver. Il n'y a ici plus aucun arbre, et la plante la plus importante en taille est le taginaste rouge (Echium wildprettii), pouvant atteindre plusieurs mètres de longueur, caractéristique de la caldera de Las Cañadas à Tenerife et des crêtes de La Palma, et hautement symbolique des Canaries. Cette espèce appartient à un genre endémique de la Macaronésie, principalement représenté aux Canaries, où il compte vingt-cinq espèces et sous-espèces distinctes.
Les plantes les plus rares de la haute montagne se concentrent ainsi dans Las Cañadas, comme le genêt du Teide (Spartocytisus supranubius) aux fleurs blanches ou roses, la marguerite du Teide (Argyranthemum teneriffae) et, rare entre toutes, la violette du Teide (Viola cheiranthifolia). Ces deux dernières espèces sont endémiques. On les distingue dans les milieux rocheux de Las Cañadas et du Teide, sur les pentes duquel elles dépassent les 3 500 m d'altitude.
Le dragonnier, sans doute l'arbre le plus symbolique de l'archipel, est reconnaissable entre mille à son tronc massif et lisse, d'où partent quantité de branches couronnées de feuilles pointues. Bien qu'il se développe lentement, il parvient à dépasser les 20 m de hauteur. Le plus connu et le plus grand est aussi le plus ancien : le dragonnier d'Icod de los Vinos a plus de 600 ans et mesure 17 m de hauteur ! L'espèce a donc une longévité exceptionnelle puisqu'il existait dans le jardin de la maison Franchi à La Orotava, à Tenerife, un dragonnier dont l'âge a été estimé à 6 000 ans (il avait 13,50 m de circonférence !) qui fut détruit par un ouragan en 1868. Des études scientifiques révèlent actuellement des fossiles de cet arbre dans toute l'Europe ; certains auraient vécu plus de 7 000 ans.
Le dragonnier est connu depuis l'Antiquité. Les Romains, comme les Guanches, n'ignoraient pas les multiples propriétés (colorant, médicament, antioxydant) de sa résine, baptisée sang-de-dragon pour la teinte rouge qu'elle prend au contact de l'air. Cela valut à l'espèce d'être fortement exploitée, de sorte que si les grands dragonniers sont aujourd'hui nombreux dans les jardins, les arbres sauvages, souvent de petite taille, ne poussent plus que dans des milieux rocheux, falaises, récifs ou barrancos difficiles d'accès.
Cette espèce (Dracaena draco) pousse principalement sur Gran Canaria, Tenerife et La Palma. Il est caractéristique de la Macaronésie car il pousse également à Madère et sur les îles du Cap-Vert, et ses plus proches parents ne se rencontrent pas avant les côtes africaines de la mer Rouge et l'île de Socotra, dont la végétation est assez comparable à celle des Canaries.
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