Guide de La Palma : Population et langues
Les Canaries comptent plus de 2,1 millions d'habitants, ce qui représente 4,5 % de la population espagnole, mais n'occupent que 1,5 % du territoire. L'espace restreint que constitue l'archipel est donc soumis à une forte densité de 283 habitants au km².
Selon le dernier recensement de 2009, Tenerife compte 900 000 habitants, Gran Canaria 838 000, Lanzarote 142 000, Fuerteventura 103 000, La Palma 87 000, La Gomera 22 800 et El Hierro 10 900 habitants. Les principales villes, Las Palmas et Santa Cruz, comptent un peu plus d'un million d'habitants chacune.
Une population en légère augmentation. Cette population augmente d'environ 1 % par an en moyenne, avec des inégalités importantes entre les îles. Les populations de Fuerteventura et de Lanzarote augmentent respectivement d'environ 3,5 % et 2,5 % par an, tandis que La Gomera perd près de 1,5 % chaque année. C'est la seule île dont le dépeuplement se poursuit, notamment en raison de la proximité de Tenerife. Sur cette dernière, la population augmente d'environ 1 % par an, contre seulement 0,5 % sur Gran Canaria. Le taux de natalité est de près de 11,5 ‰, pour une moyenne nationale de 10 ‰. Le taux de mortalité est plus faible que le taux national, avec moins de 7 ‰ contre 8,5 ‰ ; la population canarienne est plus jeune ; de plus, le niveau de vie est supérieur. L'immigration d'environ 8 000 personnes par an contribue aussi à l'augmentation de la population canarienne : plus de la moitié des immigrés sont des espagnols péninsulaires attirés par les emplois du tourisme. Des Allemands, des Britanniques et d'autres Européens à la recherche d'une vie plus ensoleillée s'installent eux aussi sur l'archipel et travaillent dans le tourisme.
Bien que le Canarien parle castillan, son accent est beaucoup plus chantant que celui de la péninsule. Il rappelle plutôt celui de l'Amérique centrale (Cuba, Saint-Domingue) ou de l'Amérique du Sud (Venezuela), mais aussi, par son rythme rapide, celui de l'Andalousie.
Comme en Amérique du Sud, le " s " est quasi élidé et remplacé par une aspiration ([h]) presque imperceptible, en particulier en fin de mot. Ainsi, vous ne direz pas muchas gracias, mais mucha gracia, et préfèrerez buena tarde à l'habituel buenas tardes. A Tenerife, vous entendrez parler du village de Mahca, tout en lisant Masca sur la carte.
Le " g " est, lui aussi, faiblement prononcé, en particulier devant un " u ". Bien que cela se remarque moins, les voyelles ont parfois aussi des prononciations différentes, les voyelles proches (o et u, e et i) étant souvent confondues.
Le patois usité au sein des îles est un héritage discret mais réel des anciens habitants guanches. Le lexique de l'archipel est riche de différents canarismes, en particulier des quelques survivances de la langue guanche. Les premiers Canariens ont transmis aux conquistadores un vocabulaire lié à l'élevage des chèvres (ainsi, " chevreau " se dit baifo et non cabrito) ou à d'autres activités agricoles (un goro est un enclos de pierre), désignant un animal (le perenquén est le lézard caractéristique de Gran Canaria) ou une plante du pays, le tabaiba, ou encore le plat national à base de céréales, le gofio. On relève aussi quelques tournures archaïques qui n'ont pas survécu dans la métropole (ainsi, " avant-hier " se dit antier et non antes de ayer), et des mots ayant d'autres significations qu'en castillan, ainsi, luz (la lumière) désigne ici également l'électricité. Autre particularité, le silbo est un langage sifflé propre à La Gomera encore utilisé dans quelques endroits reculés de l'île. Avant l'avènement des routes et des télécommunications, il permettait aux habitants de cette île escarpée de communiquer à distance.
Des influences multiples. En outre, le vocabulaire canarien doit beaucoup au portugais. Ainsi, " corde " ne se dit pas cuerda mais liña, " maïs " ne se dit pas maíz mais millo, " être mouillé " ne se dit pas mojado mais enchumbado, et de nombreux poissons ont préféré le portugais à l'espagnol. Des mots très usuels viennent également d'Amérique du Sud. Vous ne prendrez pas l'autobus mais la guagua (prononcez wah-wah), et vous ne mangerez pas des patatas mais des papas. Plus récemment avec le tourisme ont été importés quelques anglicismes (trinque de l'anglais drink pour " boisson ", naife de l'anglais knife pour " couteau " ou encore moniv en lieu et place de dinero pour désigner la " monnaie ") et, au moins un emprunt au français, creyón pour " crayon de couleur ".
Des photos montrant des cadavres de clandestins africains échoués sur une plage ont fait le tour du monde, la Une de tous les journaux étrangers. Ces drames ont lieu principalement à Gibraltar et aux Canaries, car ce sont les portes d'accès vers l'Europe les plus proches pour de nombreux Africains en quête d'un avenir meilleur. Fuerteventura et Lanzarote sont les îles les plus rapprochées de la côte africaine, et étant les premières îles disposant de nombreuses plages sauvages accostables, elles sont la cible privilégiée des passeurs de clandestins. Le terme patera a été récemment remplacé par cayuco, bateau de pêcheur sénégalais, pour désigner les bateaux de fortune à bord desquels s'embarquent les Subsahariens, la patera restant celle des Maghrébins.
Les traversées durent plusieurs jours et arrivent principalement de Mauritanie, du Maroc ou du Sénégal. Les clandestins, une fois secourus par les ONG en place, sont placés dans des centres de rétention sur l'île pendant quarante jours. Si les autorités n'arrivent pas à définir le pays d'origine de ces clandestins, alors c'est gagné : ils sont envoyés en centre de rétention à Madrid ou ailleurs dans la péninsule et sont relâchés. Quelques-uns restent tout de même aux Canaries, mais sont bien cachés des touristes : il existe deux camps de réfugiés, l'un à Tenerife et l'autre à Fuerteventura.
De nombreux bateaux ne parviennent pas jusqu'aux côtes et sombrent dans l'océan, mais les statistiques sont impossibles à établir. De même, le nombre de corps de personnes n'ayant pas survécu à la traversée, jetés par-dessus bord, reste tabou chez les clandestins qui débarquent, tant ce long voyage en enfer est traumatisant. Beaucoup racontent leur peur viscérale de la nuit, lorsque leur frêle embarcation doit lutter contre un océan déchaîné dans le noir, et que les murmures de la tempête leur apparaissent comme des voix pendant qu'ils prient.
Depuis quelques années, la situation a évolué et les journaux ne parlent plus beaucoup de cette immigration, et pour cause. En 2007, l'Europe et les pays africains de partance de ces barques ont signé un accord très efficace. Un fonds européen est alloué à ces pays qui stoppent désormais les clandestins dans leurs eaux territoriales, au départ, avant qu'ils n'atteignent les eaux internationales puis espagnoles. Ainsi l'immigration clandestine est passée du chiffre hallucinant de 36 000 arrivées en 2006 à 3 000 arrivées en 2008. Les autorités espagnoles préfèrent communiquer sur une baisse de 80 % de l'immigration clandestine, car 3 000 entrées par an, c'est encore beaucoup. Tous les étés, des bateaux débarquent de nuit sur les plages sauvages de Fuerteventura dans la plus grande discrétion (pas d'article dans le journal), car les Canaries ne veulent plus ternir leur image vis-à-vis des touristes. De fait, le nombre d'Africains vendeurs à la sauvette tentant de survivre sur l'île a considérablement diminué.
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