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Architecture originelle

Les témoins les plus étonnants de la Préhistoire à Djibouti sont les tumulus ou aowelos (« tas de pierres assemblées par les ancêtres ») que l’on retrouve en nombre près des villes de Randa et Dasbyo. Ces structures de pierre témoignent de rites funéraires très élaborés et d’une société déjà très hiérarchisée. Les sépultures des hauts dignitaires sont ainsi surmontées d’imposants tumulus qui abritent les biens les plus précieux du défunt. Plats dans la région des Plaines ou pyramidaux dans les régions montagneuses, ces tumulus, placés au centre de cercles de pierre, hauts de 2 à 3 m et larges de 30 m en moyenne, impressionnent par la solide disposition de leurs pierres volcaniques d’un noir profond. Les plus anciens remonteraient à près de 3 000 av. J.-C. Le site paléolithique d’Handoga révèle, lui, les fondations de petites cases de pierre indiquant qu’il s’agissait sans doute d’un village étape pour les peuples nomades. Le site néolithique d’Asa Koma abrite, quant à lui, des fosses circulaires surmontées de petits cairns de blocs de basalte où de riches parures et céramiques furent retrouvées. Autant de sites qui n’ont pas encore révélé tous les secrets de ces civilisations pastorales dont les peuples nomades sont aujourd’hui les héritiers, à l’image des Afars qui ont développé un habitat léger et facilement transportable à dos de chameau : la daboyta, tente dont la structure se composant d’arceaux et de nattes de bois de palmier est recouverte de peaux tannées. Hémisphériques ou elliptiques, ces tentes font en moyenne 2 m de haut et 4,50 m de large. Selon la tradition, ce sont les femmes qui ont la charge du montage et du démontage de cet ingénieux habitat semi-permanent. Le tukul, au contraire, est un habitat permanent qui se présente sous la forme d’une hutte circulaire à l’armature de bois surmontée d’un toit de chaume de forme conique. Cet habitat s’est développé avec l’arrivée des populations venues d’Ethiopie.

Héritage colonial

A l’exception de Tadjourah, dont l’enchevêtrement de maisons blanches porte encore le charme des siècles passés, les villes du pays se sont toutes développées sous l’impulsion coloniale à partir de la fin du XIXe siècle. Djibouti-Ville en est l’exemple le plus évident. Le centre-ville suit un plan en damier aux longues rues bordées d’immeubles parfaitement alignés et aux différents quartiers s’articulant autour de grandes places. La place du 27 Juin centralise toutes les grandes administrations tandis que la place Mahamoud Harbi, veillée par le minaret blanc et vert de la grande mosquée, accueille le marché. Un important travail d’irrigation a également été réalisé depuis l’oued d’Ambouli afin de doter la ville d’espaces verts. Fonctionnelle, la ville se développe progressivement autour de trois pôles : le pôle administratif sur le Plateau de Djibouti, le pôle économique sur le Plateau du Marabout et la zone résidentielle du Plateau du Serpent. Les édifices coloniaux, aux murs épais et aux larges ouvertures, se reconnaissent à leurs silhouettes façonnées dans des matériaux locaux (coraux, roches volcaniques noires, calcaire) à l’image de la Chaumière, ancien lieu de rencontres des fonctionnaires. Parfaitement adaptée aux contraintes climatiques (surélévation évitant l’humidité, galerie ouverte permettant la ventilation, persiennes protégeant du soleil), l’architecture coloniale se fait très cosmopolite. Le style néo-mauresque, que l’on reconnaît à ses arcatures très travaillées et à ses galeries à arcades (Palais Présidentiel à Djibouti-Ville, ancienne résidence du gouverneur à Obock), se pare ainsi parfois de la sobriété et de l’élégance de l’architecture yéménite ou du foisonnement décoratif indien. L’héritage colonial se lit également dans les infrastructures ferroviaires. La structure métallique de la première gare de la capitale avait été entièrement réalisée dans les ateliers Eiffel. Autre prouesse architecturale : le viaduc de la ville de HolHol dont l’imposante silhouette métallique se dresse à 29 m de haut. A Ali-Sabieh, les infrastructures ferroviaires sont indissociables des infrastructures militaires, la cité s’étant développée autour d’un poste de protection de la ligne de chemin de fer. Forts et casemates sont, eux aussi, les témoins de cette époque.

Effervescence contemporaine

A partir des années 1960, un exode rural massif entraîne une croissance exponentielle et anarchique de la capitale qui voit naître le bidonville de Balbala. Sa croissance est telle qu’à partir des années 1980 il devient officiellement un quartier de la ville. En parallèle, la ville continue à développer ses infrastructures portuaires et industrielles, tout en créant de nouveaux quartiers, à l’image du quartier d’Haramous, non loin de l’aéroport, dont les villas grandioses entourées de hauts murs de béton bordent des avenues dessinées au cordeau. Un contraste saisissant avec les quartiers populaires. Depuis les années 2000, le gouvernement s’est fixé trois objectifs : rationaliser le développement urbain, préserver le patrimoine et embellir la ville. Dans le centre, on tente ainsi d’éviter les constructions de plus de 10 étages, tandis que la corniche, face au vieux port, est réhabilitée à grand renfort d’espaces verts. Aujourd’hui, Djibouti est devenue l’objet de toutes les convoitises, voyant affluer les capitaux étrangers finançant des projets pharaoniques. Le port historique de la capitale se transforme à grands coups d’hôtels de luxe et de marinas rappelant Dubaï, le centre-ville accueille désormais de gigantesques malls aux influences moyen-orientales, ainsi que la plus grande mosquée du pays. D’inspiration ottomane, avec ses deux minarets de 46 m et son dôme de 27 m, la mosquée Abdulhamid II est un cadeau… de la Turquie. En 2020, c’est l’architecte russe Alex Wizhevsky qui dévoilait son projet de gratte-ciel : les Djibouti Towers de 243 m de haut aux silhouettes évoquant les sabres traditionnels. Des projets à taille humaine ont également vu le jour, à l’image du Village d’enfants imaginé par l’agence Urko Sanchez Architects à Tadjourah. Salué pour ses qualités environnementales, ce village s’inspire des médinas traditionnelles tout en offrant de larges espaces ouverts, respectant la tradition nomade dans le souci de l’identité et de l’authenticité djiboutiennes.