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A la naissance, une chèvre ou un mouton

Dans la société nomade, le mariage est suivi habituellement par la naissance d’un ou plusieurs enfants. Traditionnellement, le père et la mère attribuent à chacun une chèvre ou un mouton, qui devient par la suite le premier élément du troupeau du nouveau-né. A l’enfant somali, on donne trois noms : son prénom, celui du père et celui du grand-père. Il doit apprendre les choses essentielles à sa vie : sa généalogie (dès 6 ans) pour savoir qui il est (car on ne sait pas ici d’où l’on vient mais de qui l’on vient), les contes et les chants par lesquels la tradition et le savoir sont transmis, et la connaissance du désert qui l’entoure (météo, faune et flore).

Les garçons sont circoncis entre l’âge de 8 et 10 ans, ce qui donne lieu à de grandes fêtes. La circoncision est pratiquée ici depuis des millénaires. Autrefois, les filles étaient aussi systématiquement excisées (ablation du clitoris) et infibulées selon les coutumes nomades. Les mutilations génitales féminines sont aujourd’hui illégales à Djibouti (article 333 du Code pénal), mais restent pratiquées. Les mentalités évoluent toutefois, pour le moment surtout dans la capitale.

L’espérance de vie reste faible : 65 ans (82 ans en France, 65 ans en Ethiopie, 65 ans en Erythrée, 56 ans en Somalie).

Education et apprentissage nomade

Pendant des siècles, les tribus nomades qui peuplent Djibouti n’ont connu que la culture orale. Histoire, traditions, religion, tout était transmis oralement. Et il a fallu attendre les années 1970 pour que l’afar et le somali soient transcrits.

Djibouti figure parmi les pays d’Afrique les plus tardivement décolonisés. Et les colons français n’ont pas fait beaucoup d’efforts pour développer l’enseignement. Après l’indépendance, l’éducation devient une priorité pour le jeune Etat, qui y voit un moyen sûr de cohésion populaire et d’élévation de chacun. Les écoles se multiplient dans tout le pays. Le taux de scolarisation en primaire atteint aujourd’hui les 90 %, mais ce taux chute à 66 % en secondaire.

En 2000, une université (PUD) est ouverte (www. univ.edu.dj) en collaboration avec des universités françaises. Aujourd’hui, les étudiants peuvent suivre 5 grandes filières : médecine, sciences, ingénierie, droit/économie/gestion, lettres/langues/sciences humaines. Le français demeure la langue de l’enseignement. Les diplômes sont reconnus en France. Il existe aussi des formations professionnelles tertiaires ou industrielles courtes.

Santé et couverture sociale

La médecine traditionnelle est pratiquée par des cheiks et des marabouts. Les premiers sont à la fois des professeurs d’école coranique, des maîtres de prière et des pharmacologues. Les seconds s’apparentent plutôt à des guérisseurs qui fabriquent des amulettes et traitements à base de plantes. Les remèdes populaires pour prévenir ou soigner demeurent toujours en usage dans la population.

On utilise abondamment les ressources offertes par la faune et surtout la flore des régions semi-désertiques. Vous verrez beaucoup de ces produits au marché de Djibouti, ce qui n’empêche pas de consulter dans un dispensaire. Les deux sont complémentaires dans l’esprit des gens. L’un soigne professionnellement, l’autre soigne plus ou moins, mais avec du réconfort, des paroles et une dimension religieuse. L’Université de Djibouti a ouvert son école de médecine en 2007, la première cohorte est sortie diplômée en 2015. Depuis, l’établissement forme chaque année une quarantaine de généralistes.

Les Djiboutiens bénéficient d’un régime de protection sociale depuis 1953, mais c’est en 2014 que l’Assurance Maladie Universelle (AMU) voit le jour. Elle assure une couverture médicale de base à toute la population vivant sur le territoire de la République de Djibouti.

La société djiboutienne d’aujourd’hui

Tous les Djiboutiens sont à l’origine nomades, issus de familles d’infatigables marcheurs, poignard en bandoulière, bâton entre les épaules, lecteurs incomparables du désert... Traditionnellement, le quotidien des nomades tourne autour de deux éléments : le troupeau (sa plus grande richesse) et la quête de l’eau. Dans une famille traditionnelle nomade issa, les rôles sont bien définis : l’homme se charge de la sécurité du troupeau et du campement, de la traite des chamelles, des relations avec l’extérieur. Les femmes élèvent les enfants et s’occupent de l’approvisionnement en eau et en bois, traient les brebis et les chèvres. Les enfants apprennent vite à garder les troupeaux.

Le pays aujourd’hui mêle avec pragmatisme les traditions nomades, les exigences de la vie moderne, les influences étrangères. La population, largement sédentaire, vit souvent de petits commerces, activité dans laquelle elle excelle. Les élites qui dirigent le pays ont souvent été formées à l’étranger et influencent la vie locale. Les femmes affirment leur place dans la société, elles sont très actives d’autant qu’elles ne consomment pas le qat. Djibouti change, et cette évolution n’est pas forcément bien vécue par tout le monde. Les bénéfices des bonnes performances économiques ne sont pas vraiment partagés. Le chômage et la pauvreté sont bien ancrés et, pour s’en sortir, il faut s’entraider, se trouver de petites activités commerciales ; bref, se débrouiller.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, on a créé les mabraz, des cercles privés où les Djiboutiens aiment se réunir, quel que soit leur statut social, pour boire le thé,  « brouter » du qat et discuter des grandes orientations de la vie et du pays. Le rôle social de ces mabraz n’est pas négligeable. C’est là que, dans les années 1970, les velléités indépendantistes ont en partie pris forme. Et aujourd’hui encore, ces espaces sont le théâtre de discussions entre divers acteurs de la société.

Le mariage

Traditionnellement, chez les nomades issas, l’homme se marie à partir de 25 ans et choisit une épouse âgée au minimum de 15 ans et qui n’appartient pas à la même fraction. Lors de sa demande, le prétendant fait l’éloge des ancêtres de sa future épouse. Il remet une dot (bétail, objets d’usage quotidien) à sa belle-famille (dont la moitié est rendue au couple un mois après le mariage). La famille de la femme fournit le toukoul, que la future épouse décore de bijoux. La cérémonie dure sept jours et se déroule au campement de l’épouse où le couple passera le premier mois. Chez les Afars, les règles de la fima régissent strictement les conditions du mariage : qui peut épouser qui, la date de la cérémonie (elle est fixée par les augures). L’homme choisit son épouse vers l’âge de 25 ans. Selon la coutume, il est préférable qu’elle appartienne à la tribu du père du prétendant. Lors de la cérémonie, la jeune épouse arbore des vêtements très colorés ainsi que d’impressionnantes parures de bijoux, que chaque famille garde précieusement pour ce genre d’occasion. Le jeune couple doit habiter chez les parents de la femme jusqu’à ce que cette dernière accouche de son premier enfant.

Le Code de la famille, adopté en 2002, prévoit que « le mariage n’est formé que par le consentement des deux époux et du tuteur de la femme » et l’article 13 fixe à 18 ans l’âge légal du mariage. L’article 14 prévoit que « le mariage des mineurs qui n’ont pas atteint l’âge de la majorité légale est subordonné au consentement de leurs tuteurs ». Selon l’article 31, « la femme doit respecter les prérogatives du mari en tant que chef de famille et lui doit obéissance dans l’intérêt de la famille. Le mari et la femme doivent remplir leurs devoirs conjugaux, conformément aux usages et à la coutume ». La polygamie est autorisée par l’article 22. Mais ces dispositions permettent de remettre en cause un mariage. Ces lois visent à protéger les droits des femmes à Djibouti, mais leur application se heurte au poids des traditions et à des stéréotypes bien ancrés sur le rôle de la femme dans la société.

La place de la femme

Les voyageurs découvrent les femmes de Djibouti avec émerveillement, sur les marchés, au bord des routes conduisant un troupeau. Belles, élancées, gracieuses, vêtues de tissus colorés qui les enveloppent superbement (le diri), elles ont fait tourner la tête de bien des étrangers. Elles assurent depuis toujours un rôle essentiel bien que discret dans la société djiboutienne. La situation de la femme djiboutienne évolue considérablement depuis les dernières décennies, à l’image de tout le pays.

Dans le monde nomade, des règles ancestrales régissent sa vie au sein de sa tribu depuis des siècles. Avec la sédentarisation de la population et l’urbanisation croissante, bon nombre d’entre elles sont devenues commerçantes, et assurent ainsi une fonction toujours essentielle pour la survie de la famille. Peu à peu, elles accèdent à des postes plus importants de la société (cadres, affaires, justice), grâce à l’éducation et au changement des mentalités. Sans doute la présence grandissante des femmes en politique va-t-elle faire évoluer les choses. Plus de 50 % des étudiants à l’université sont aujourd’hui des femmes. Mais elles sont aussi les premières à devoir faire face au chômage et à la pauvreté.

Pauvreté, chômage, accès à l’eau

Les mesures prises dans les années 1990 ont permis de redresser une situation difficile. Mais une grande partie de la population vit encore dans une pauvreté relative, voire extrême. Le taux de chômage est très élevé (60 %) et beaucoup ne s’en sortent, plus ou moins bien, qu’en exerçant diverses activités commerciales temporaires. Le plus souvent, grâce à l’entraide aussi. L’accès à l’eau potable demeure une priorité du gouvernement et de grands chantiers ont permis d’améliorer la situation ces dernières années, avec toutefois des disparités flagrantes entre la capitale et le reste du pays. Chômage et pauvreté s’expliquent en partie par la faiblesse du capital humain (manque de formation), la faiblesse des capacités de gestion. Les bénéfices de la rente militaire, de l’activité portuaire ne profitent directement qu’à une minorité qui, peu à peu, s’éloigne des réalités quotidiennes de la population.