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Les musique et danses traditionnelles

Étant donné la situation géographique et l’histoire du pays, la musique djiboutienne est sans surprise pétrie d’influences africaines, arabes et européennes. Bien que singulières, les musiques traditionnelles afars et somaliennes partagent, par exemple, un air de famille avec celles d’Éthiopie ou de la péninsule arabe. Passé ce jeu de miroirs, la tradition musicale djiboutienne affiche une grande particularité : le rôle prépondérant accordé au texte. Constituée de nombreux poèmes et contes nomades qui ont été mis en chanson, la musique traditionnelle du pays s’axe depuis toujours autour de la poésie. Ainsi, écouter une chanson djiboutienne, c'est d’abord entendre un texte, prêter attention à son écriture, admirer ses tournures. Peut-être est-ce lié à la tradition orale du pays, les chants, poésies et contes étant vecteurs du savoir nomade. En conséquence, tout le monde ici connaît des dizaines de chants et poèmes, dont certains ont une origine très ancienne.

Un genre particulièrement représentatif de cette essence poétique djiboutienne est le guux. Sorte de blues traditionnel local, ce dernier est reconnaissable à son chant guttural exprimant la mélancolie du nomade. Autrement, parmi les chants traditionnels les plus courants, on citera le malaabo de la ville de Tadjourah. Réservé aux femmes, qui le chantent en groupe, il anime les cérémonies familiales majeures : naissances, circoncisions, mariages... Les paroles sont des éloges et des compliments, qui s’adressent à la personne que l’on fête et à sa famille. On chante, tout en dansant au rythme d’un tambour. Ce dernier accompagne aussi la danse dabal. A l’occasion de certaines cérémonies, des danses avec des poignards sont exécutées par les hommes et les femmes (la nacna par exemple). D’autres danses et chants évoquent ou fêtent l’arrivée de la pluie ou le départ pour un combat, comme le horra, un chant des guerriers afars.

Dans l’ensemble, la musique d’accompagnement est souvent simple : tambour, battements de mains, reprise en chœur de la voix principale. Simple, mais très efficace et communicative. Depuis toujours, le tambour joue un rôle de première importance. Le dinkara des Afars, constitué d’un petit et d’un grand tambour, a longtemps été utilisé comme messager. Ses rythmes codés annonçaient des évènements : début et fin du ramadan, décès du sultan, Nouvel An, etc. Le reste de l’instrumentation traditionnelle djiboutienne comprend le tanbura, qui ici désigne une lyre (et non un luth comme dans de nombreux pays) et parfois l’oud. À noter qu’à Djibouti, l’usage des instruments est plutôt récent. On attribue d’ailleurs l’introduction de l’usage des instruments arabes ou européens au poète et compositeur somalien Cabdilaahi Qarshe (1924-1997) initiant ainsi la chanson moderne dans la Corne de l’Afrique.

Parmi les grands noms à retenir de la musique traditionnelle djiboutienne, Abayazid Ali Dahabli a gagné une reconnaissance nationale pour son blues nomade et ses mélodies afars simples accompagnées à la guitare tandis que Houssein Haylé est devenu une vedette grâce à son style unique fait de musiques traditionnelles telles que le dinkara, le laale (danse traditionnelle afar) et le saxag (danse de séduction) mélangées au zouk, au reggae et à la soul.  

Si des festivités d’importance comme la fête de l’indépendance réservent leur lot de musiques traditionnelles, quelques établissements dans le pays en accueillent régulièrement. C’est le cas de l’Étoile de Kokeb, à Djibouti-Ville, restaurant réputé aussi bien pour ses spécialités variées (et excellentes) que pour le Lewat, dîner-spectacle avec danses folkloriques.

La musique populaire

Un des genres les plus populaires dans le pays est le balwo, style somalien très sentimental et riche en poésie créé au milieu du XXe siècle par l’illustre artiste Abdi Sinimo (1920-1967). Autre genre populaire (et d’origine somalienne), le qaraami, apparu dans les années 1940, qui fusionne musique régionale et jazz, puis soul et funk dans les années 1970. Un temps oublié, il a regagné pas mal de popularité dans les années 1990 grâce à Sarah Halgan, excellente artiste du Somaliland longtemps exilée en France.

Si l’on excepte quelques légendes de la musique comme Abdi Nour Allaleh, on peut avancer sans se tromper que la chanson populaire est ici un genre à dominante féminine. Nombreuses sont les Djiboutiennes qui se sont imposées auprès du public, comme Nima Djama, aussi impliquée dans la politique, Xabiiba Balbalaaf (1961-2020), chanteuse particulièrement réputée pour la qualité de ses textes, ou encore Fatouma Mansour. Toujours très écoutée, la chanteuse née en 1968 est une des rares artistes djiboutiennes à avoir pu embrasser une carrière internationale. Outre ses succès en solo, elle est aussi célèbre pour avoir fondé Dinkara, avec le compositeur Moyalé, un des groupes phares du pays. Longtemps considéré comme le fer de lance de la pop djiboutienne, ce dernier a imposé sa patte unique, installée quelque part entre afro-rock et groove afar.

Dès les années 1970, la musique populaire djiboutienne commence à s’imprégner de styles étrangers comme le reggae, le funk ou le zouk, un courant hétéroclite incarné par des artistes tels que Roda Maash, chanteuse somalienne née en 1963 et qui a participé à plusieurs groupes phares du pays comme Dinkara, ou encore Aïdarous, compositeur et chanteur célèbre pour sa fusion entre musique afar, jazz et world music. Deux excellents albums qui documentent très bien cet épisode panaché de la musique djiboutienne ont été édités récemment sur le label new-yorkais Ostinato Records. En 2019, ce dernier a eu accès aux archives de la Radiodiffusion-Télévision de Djibouti (RTD), un vrai trésor qui lui a permis de sortir une anthologie du groupe 4 Mars, ensemble de 40 membres dont la musique reflétait la richesse d’influences du pays en son temps - rythmes somaliens, égyptiens et yéménites, structures musicales soudanaises, inspirations turques ou jamaïcaines, jazz… - ainsi qu’une compilation des grands titres du Groupe RTD, le big band de la chaîne nationale, dont la musique était elle aussi un confluent de saveurs : reggae, voix bollywoodiennes et cuivres ethiojazz. Aujourd’hui, la nouvelle garde djiboutienne brille via sa diaspora comme Shay Lia - de son vrai nom Shanice Dileita Mohamed –, artiste de R&B et de soul basée à Montréal, et considérée comme une Beyoncé canado-djiboutienne. Outre l’Ambassadeur et le Casanova, le meilleur endroit pour un concert dans le pays est le Menelik, discothèque branchée fréquentée autant par la jeunesse dorée de Djibouti que par les expatriés.