Guide de Syrie : Politique et économie
La Syrie se partage en 13 mouhafazat (régions), bien que les cartes officielles y fassent figurer une 14e, celle d'Iskanderoun (avec Antakia comme capitale), cédée à la Turquie en 1939 par la puissance mandataire française. Les mouhafazat méridionaux sont au nombre de quatre (Damas, Quneitra, Dera et Souweida), les mouhafazat occidentaux de cinq (Homs, Hama, Tartous, Idlib, Lattaquié) et les septentrionaux et orientaux sont quatre (Halab-Alep, Raqqa, Hassaké, Deir ez-Zor).
L'organisation du pouvoir est consignée dans une Constitution.
Le président est nommé par le Parlement, puis sa nomination est confirmée par un référendum (Bachar al-Asad obtient 97,62 % des votes lors du dernier référendum le 27 mai 2007). Le prochain aura lieu en 2014. Les prérogatives du président de la République, désigné par le Baas, sont telles que dans les faits c'est lui et le Baas qui dirigent la vie politique syrienne. Le président cumule les fonctions de secrétaire général du parti, président du Front (le Front national progressiste) et commandant suprême des forces armées. Le chef de l'Etat peut déclarer une guerre, émettre des lois, amender la constitution et nommer le personnel civil et militaire. Il nomme aussi le Premier ministre (chef du gouvernement) et son Conseil des ministres, pour aussi longtemps qu'il le souhaite. D'autre part, la situation d'état d'urgence de la Syrie depuis 1963 confère à Bachar al-Asad certains pouvoirs spéciaux.
Le Conseil du peuple (Majlis al-Shaab), où siègent 250 membres, représente l'organe législatif du pays. Le gouvernement consiste en un Conseil des ministres, nommé par le président. Le vice-président actuel est M. Farouk el-Charaa.
On utilise couramment, pour définir le système politique syrien, le terme de joumloukia. Il s'agit d'un néologisme formé par le début du mot arabe signifiant " république " et par la fin de celui signifiant " royauté ". Le pouvoir syrien se caractérise par une forte imbrication des forces civiles et militaires. Ainsi, les officiers supérieurs siègent aussi à la tête du Baas et une bonne partie des membres de la direction nationale du Baas sont des militaires alaouites. Autre caractéristique : une séparation des pouvoirs pour le moins floue. A titre d'exemple, le maire de Palmyre est aussi le chef de la police de toute la zone.
Comme le souligne un rapport d'information de l'Assemblée nationale sur la place de la Syrie dans la communauté internationale publié à l'été 2010, la Syrie "n'est ni une démocratie ni un Etat de droit", c'est donc plutôt en termes de progrès ou d'absence de progrès que la question des libertés publiques et donc celle des droits politiques peut être posée.
L'accession au pouvoir de Bachar al-Asad en juillet 2010 a suscité de nombreux espoirs au sein de la communauté d'intellectuels syriens. Quelques semaines après sa prise de poste, le quotidien officiel Al-Thawa (Révolution) ouvre ses pages à des auteurs critiques, des centaines de forums de discussion ouvrent sur Internet et les pétitions contestataires se multiplient dans la presse libanaise. " La déclaration des 99 " à l'automne 2000, puis le " Manifeste des mille ", début 2001, appellent notamment à la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1963 et au pluralisme politique. Mais cette agitation de l'opposition fait peur au régime et le " printemps de Damas " tourne vite court.
Dès février 2001, les cercles de débats sont prohibés et les principales figures du mouvement arrêtées. Si les médias privés sont désormais autorisés, aucun de disposent de rubrique politique. La censure sur Internet est encore très utilisée avec près de 250 sites Internet interdits en 2010. Autre phénomène : la systématisation des interdictions de voyager pour les militants politiques et des droits de l'homme. Ainsi en 2009, 15 000 Syriens étaient touchés par cette mesure.
On peut cependant noter quelques signes encourageants dans le domaines des droits humains. Sur le plan régional, la Syrie n'apparaît pas comme le plus sévère des pays. Elle retient par exemple moins de prisonniers politiques qu'en Egypte, Jordanie ou Arabie saoudite. La prison de Palmyre pointée du doigt pour les traitements sévères, notamment la torture pratiquée sur les détenus, a été fermée. Pour la première fois dans l'histoire, le bureau des droits de l'homme de Beyrouth a été autorisé à venir en mission à Damas.
Enfin, début 2010, la première dame Asma al-Asad a tenu une conférence sur les organisations non gouvernementales, en encourageant leur création et en s'engageant dans la mise en place d'une loi pour les réglementer. Elle devrait notamment contribué à l'émergence d'un dialogue et à la connaissance plus approfondie des problèmes qui agitent la société syrienne. Toutefois, les plus sceptiques dénoncent cette mesure, se demandant si au final l'encadrement de la société civile naissante ne contribuerait pas à son contrôle plus qu'à son épanouissement.
Le parti Baas est arrivé au pouvoir en 1963. D'après l'article 8 de la Constitution adoptée le 13 mars 1973, il dirige l'Etat et la société. Laïc, très attaché au nationalisme arabe, le Baas, dont la devise est " Unité-Liberté-Socialisme ", se comporte comme un parti d'encadrement des masses. Du village à l'université, la présence des membres du parti est incontournable.
En 1972, Hafiz al-Asad tente d'ouvrir la scène politique en créant le Front national progressiste regroupant quatre, puis six partis politiques reconnus en plus du Baas. Force est de constater que ce Front reste entièrement dominé par le parti au pouvoir. Tout autre parti en dehors du Front demeure interdit. Une opposition très fractionnée est disséminée entre la Syrie (où elle se terre pour échapper à la répression) et l'étranger. Le Baas pourtant possède des institutions semblables à n'importe quel autre parti, des sections locales qui élisent des représentants au sein d'un Conseil central de 90 membres, lequel élit à son tour les 21 membres de la direction nationale.
Pour un certain nombre d'observateurs, l'ouverture sur le monde de la Syrie passe nécessairement par une refonte du système de parti unique.
Située au carrefour des routes commerciales entre l'Orient et l'Occident, la Syrie a toujours représenté un grand intérêt stratégique. C'est un des seuls pays du Moyen-Orient qui dispose d'une ouverture sur la mer Méditerranée, il partage une très longue frontière avec la Turquie au nord, l'Irak à l'est et également un point de contact avec la Jordanie au sud. D'autre part, le Golan lui donne un accès indirect à Israël, pays qui concentre la majorité des tensions de la région.
La Syrie sert donc de pays de transit, notamment grâce à son gazoduc et à ses deux oléoducs qui charient les hydrocarbures irakiens vers la Méditerrannée. L'ouverture en mai 2010 d'une première ligne de ferry qui relie le port de Tartous à Venise, en Italie, en passant par Alexandrie, en Egypte, donne un exemple des nombreuses perspectives de développement pour la Syrie.
Celle-ci ne se contente pas de liens économiques avec ses voisins, et Damas est également active au niveau politique, laissant entendre qu'elle peut aussi jouer un rôle diplomatique non négligeable. Nous présentons ci-dessous les principaux dossiers dans lesquels la Syrie est impliquée.
Si le réchauffement des relations franco-syriennes a permis un retour de la Syrie sur la scène internationale, il a aussi marqué la mise en place des coopérations multiples entre les deux Etats. Celles-ci opèrent dans les domaines suivants :
Economique. Début 2010, 16 entreprises françaises étaient installées en France, plus d'une vingtaine à travers des filiales. Le club des entrepreneurs franco-syrien créé en 2009 oeuvre à l'implantation de plus de PME françaises dans le pays.
Développement. A l'automne 2009, un bureau de l'Agence française de développement (AFD) a ouvert à Damas. Il devrait aider, entre autres, à la mise en place de projets de développement urbain, notamment au niveau des transports, du traitement des déchets et de la gestion de l'eau, à la mise en place de projets concernant les énergies renouvelables, la création d'emplois.
Universitaire. La France est le premier partenaire du pays dans ce domaine. A terme, 20% des enseignants syriens auront été formés en France.
Culturel. Le musée du Louvre a été choisi pour participer à la réorganisation du paysage muséal syrien.
Administratif. Création de l'INA (Institut d'administration public) en 2002 en partenariat avec l'ENA.
Agricole. Déclaration d'intention signée en 2010 pour faire profiter la Syrie de l'expertise française dans le domaine agricole et agro-alimentaire.
Source : rapport d'information de l'Assemblée nationale sur la place de la Syrie dans la communauté internationale rendu public le 16 juin 2010.
Encore en 2010, la Syrie et l'Israël étaient en état de guerre. Cela se traduit par un refus de laisser entrer sur le territoire syrien toute personne s'étant rendue en " Palestine occupée " et par l'interdiction, fixée par la loi syrienne, des relations directes entre les Syriens et l'Etat d'Israël ou des Israéliens.
Le différend entre les deux pays repose avant tout sur le Golan : le régime syrien veut récupérer cette zone au sud-ouest de son territoire occupée par Israël depuis juin 1967. Damas soutient également la revendication d'un Etat palestinien.
Une hostilité ancienne
Pour tout leader arabe, s'opposer à "l'entité sioniste" est une façon de gagner le respect de ses partenaires. Dans le concert des nations arabes, la Syrie marque son hostilité envers Israël depuis plusieurs années, en étant de toutes les guerres israélo-arabes. Dès 1948, elle essaie en vain d'empêcher la formation de l'Etat hébreu. En 1956, elle participe à l'union avec l'Egypte qui conduira à l'affaire de Suez. En 1967, Israël expulse les Syriens des hauteurs du Golan. En 1973, une nouvelle guerre, à l'initiative arabe cette fois, va permettre de déloger pour quelques jours les Israéliens du Golan. La riposte sera terrible : à l'issue de combats très meurtriers, Israël parvient à 40 km de Damas. Son aviation détruit les centres vitaux, économiques et militaires du pays (voir " Visite du pays ", l'encadré sur le Golan). L'armée subit un autre traumatisme en 1982, lorsque les forces israéliennes dirigées par Ariel Sharon foncent sur Beyrouth et écrasent au passage les radars anti-aériens et une centaine de chars syriens.
Tentative de dialogue
Des années plus tard, c'est une autre stratégie qui semble prévaloir dans les relations israélo-syriennes. Ehud Barak est élu en mai 1999 à la tête de l'Etat hébreu et place au rang de priorité la signature d'un accord de paix avec la Syrie. Jamais deux dirigeants n'ont échangé de si douces paroles. Les médias syriens changent même de langage, ils ne parlent plus d' " entité sioniste " mais d' " Israël ". Le Premier ministre Ehud Barak entend prendre pour base de négociations les concessions accordées à la Syrie par Itzhak Rabin en 1993.
Connu sous le terme de "dépôt rabin", cet accord prévoyait le retrait israélien jusqu'à la ligne de 1967. Seul hic, il n'y a aucune trace écrite officielle de son contenu, mais seulement des comptes-rendus de réunion. Seule condition à la concession israélienne : l'assurance que les Syriens maintiendraient des conditions de sécurité suffisantes sur leurs frontières. Ce grand pas franchi, seul restait le problème des rives du lac de Tibériade. Ce point ultime fit finalement capoter les négociations.
Une situation qui stagne
Depuis l'arrivée de Bachar al-Asad à la tête du pays en 2000, peu de changements sur le dossier. Si des discussions secrètes sur des arrangements de paix auraient été menées entre 2004 et 2006 en Europe, rien de concret n'en est sorti. Le rapport d'information de l'Assemblée nationale sur la place de la Syrie dans le contexte international souligne même que " la situation n'a pas évolué depuis l'été 2009 [...] il semble que, sur le fond, le problème apparaisse encore plus complexe qu'il ne l'était dans les années 90."
Aujourd'hui, les enjeux de chacun des deux partis ont évolué. Un retrait du territoire israélien, condition qui, il y a encore quelques années, satisfaisait la Syrie pour faire cesser l'état de guerre ne paraît plus suffisant aujourd'hui. Le rapport Guiguou* avance plusieurs explication à cela.
Obstacles à la paix
Côté israélien, cette restitution serait difficile à faire accepter à la population dont la majorité a toujours connu le Golan comme partie intégrante du pays. De plus, elle est attachée à cette partie du territoire skiable, recouverte d'un parc naturel et où l'on ne tire pas de coup de feu. D'autre part, l'intérêt stratégique du Golan n'a plus cours aujourd'hui. Les technologies modernes permettent de surveiller l'activité des voisins, sans nécessairement être poster sur un point en hauteur.
Côté syrien, une paix séparée avec Israël mettrait un terme à une opposition qui fonde sa légitimité aux yeux des autres nations arabes, et du reste du monde. Ouvrir sa frontière avec l'Etat hébreu risquerait de déclencher un vent de liberté à Damas et une mise en danger du régime. Un accord signifierait également abandonner la cause palestinienne en acceptant de normaliser ses relations avec Israël. Or le pays, comme beaucoup de nations arabes, s'est fait le chantre de la cause palestinienne.
Les Palestiniens
La Syrie abrite environ 600 000 réfugiés sur son sol. En comparaison avec les autres pays de la région, la Syrie se montre généreuse avec les déplacés. Ceux-ci bénéficient quasiment des mêmes droits sociaux que les Syriens, les camps se sont transformés en quartier ou en ville ordinaire et ses résidents ont facilement accès à l'emploi contrairement au Liban où très peu de professions leur sont accessibles.
*Rapport d'information de l'Assemblée nationale publié en juin 2010 sur la place de la Syrie dans la communauté internationale, présidé par Elisabeth Guiguou.
Israël, Palestine : Vérités sur un conflit, Alain Gresh, Philippe Rekacewicz, Hachette 2010.
Israël-Palestine : une guerre de religion ?, Elie Barnavi, Bayard 2006.
Géopolitique d'Israël, Frédéric Encel, François Thual, Points 2006.
" La Syrie, c'est Asad, mais Asad est plus grand que la Syrie. " Ces mots de l'éditorialiste du journal libanais As-Safir traduisent bien l'influence du régime sur la région entière, et le Liban en particulier.
Voulu par la France, le détachement, en 1920, du Liban de la " Grande Syrie " est considéré aujourd'hui encore par de nombreux Syriens comme non justifié. On en veut pour preuve qu'il n'y a toujours pas d'ambassade libanaise en Syrie.
Ce constat jette un éclairage particulier sur l'intervention syrienne au Liban qui n'a cessé de se renforcer depuis 1976. Habile tacticien, Hafiz al-Asad va jouer des différents protagonistes de la crise libanaise jusqu'à rendre indispensable sa présence.
Entrée militairement en 1976 à la demande du gouvernement libanais alors au pouvoir, la Force arabe de dissuasion se déploie progressivement sur tout le territoire à l'exception du Sud. Durant l'été 1982, Israël lance une opération baptisée " Paix en Galilée ", qui aboutit au départ des Palestiniens du Liban.
Après quelques échauffourées, la Syrie laisse faire. Fin 1984, Israël se retire du territoire libanais jusqu'à une frontière de sécurité au sud. La Syrie obtient alors le feu vert américain pour contrôler le Liban.
En octobre 1990, elle réduit le général Aoun qui contestait le bien-fondé des accords de Taëf et bénéficie, pour ce faire, du soutien tacite de l'Occident pour son engagement au côté de l'Arabie saoudite dans la guerre du Golfe. La tutelle syrienne sur le Liban est confirmée par le traité de fraternité, de coordination et de coopération signé en 1991 par le président Hraoui et le président Asad.
Le retrait unilatéral d'Israël en 2000 du Liban Sud introduit un élément nouveau. La présence des troupes syriennes apparaît beaucoup moins justifiée.
L'assassinat, le 14 février 2005, de Rafik Hariri, leader des mouvements anti-syriens libanais, et les manifestations spectaculaires qui ont suivi cet événement majeur ont abouti à la mise en application de la résolution 1559 des Nations unies adoptée en septembre 2004 sur appui de la France et des Etats-Unis. Celle-ci prévoyait le retrait total des forces syriennes du Liban.
La normalisation des relations et ses limites
Le retour de la Syrie sur la scène internationale avec sa participation au sommet de l'Union pour la Méditerranée, en juillet 2008 à Paris, marque également un resserrement du dialogue avec le Liban. Les chefs d'Etat syrien et libanais profitent de cette occasion pour se rencontrer. Un mois plus tard, la décision d'échanger des ambassadeurs entre les deux pays est prise, les représentations diplomatiques ouvrent en 2010 à Damas et Beyrouth.
En 2008, à la conférence de Doha au Qatar, la Syrie contribue à l'accord qui permet la formation d'un gouvernement d'union national au Liban et met fin à plusieurs mois de vacance à la présidence. Cette même année, Syrie et Liban s'accordent à la mise en place de groupes de travail sur les dossiers à traiter comme la délimitation des frontières ou les disparus libanais en Syrie.
Autre signe d'une régularisation des relations syro-libanais : la non-ingérence de la Syrie dans les élections législatives de 2009 au Liban qui ont vu gagné un parti anti-syrien.
Si ces avancées sont encourageantes, les plus sceptiques restent réservés. Ils soulignent le manque de propositions concrètes des groupes de travail et minorent l'impact de l'échange des ambassadeurs. D'autre part, comme le souligne Amine Gemayal, membre du parti politique Kataëb au Liban : " La Syrie considère toujours qu'elle a des droits sur le Liban. [... ] elle possède toujours des armées auxiliaires au Liban, sous une étiquette palestinienne mais encadrées par l'armée syrienne et avec des cadres syriens. "
D'autre part, les populations libanaises et syriennes restent très liées. Une chercheuse française a estimé que 60 % des familles libanaises avaient des parents en Syrie, et inversement. Plusieurs accords économiques lient les deux pays, 80% des banques syriennes sont libanaises et 300 000 Syriens travailleraient au Liban.
A lire : Le Liban et la Syrie au miroir français, Marie-Thérèse Oliver-Saidin, Harmattan, juin 2010.
Refroidi juste après les attentats du 11 septembre à New York, le dialogue entre les Etats-Unis et la Syrie s'est glacé avec le début de la guerre en Irak. Washington accuse Damas de soutenir des groupes terroristes, notamment en Irak et de chercher à se doter d'armes prohibées par le droit international. En novembre 2003, le Congrès adopte une série de sanctions économiques contre la Syrie très pénalisantes pour le secteur du transport aérien qui ne parvient pas à importer la moindre pièce de rechange pour les avions. Renouvelées en 2005, elles étaient toujours en place en 2010. En 2004, les Etats-Unis s'associent à la France pour faire adopté la résolution 1559 aux Nations unies pour un retrait des forces syriennes du Liban.
Une décision syrienne va cependant obliger les Etats-Unis a renoué le dialogue. Damas envisage en effet de renvoyer une grande partie des réfugiés irakiens qui ont trouvé refuge sur son sol après le début de la guerre en 2003 dans leur pays. Pour éviter cette manoeuvre qui envenimerait davantage la situation en Irak, Washington dépêche une représentation officielle dans le pays.
L'élection de Barack Obama en novembre 2008 a fait naître beaucoup d'espoir à Damas. Le 17 février 2010, Williams Burns, le sous-secrétaire d'Etat aux affaires politiques, et le président Al-Asad ont jeté les bases d'un nouveau dialogue entre les deux pays. Celui-ci prévoit la nomination d'un ambassadeur américain à Damas, la levée des restrictions sécuritaires pour les touristes américains désireux de se rendre en Syrie, l'établissement d'une coopération économique et des efforts communs de la part de chacune des parties. Pour la Syrie, son soutien au Hezbollah et au Hamas, ses liens avec l'Iran et le Liban, le processus de paix sur la question israélo-palestinienne, pour les Etats-Unis, la levée des sanctions commerciales.
Il reste difficile de mesurer la portée de ces mesures. Si Damas et Washington font preuve de bonne volonté, elles n'ont pas encore trouvé de véritables témoins d'entente. En témoignent les provocations ponctuelles d'une partie ou de l'autre. Dix jours après l'entrevue avec William Burns, Bachar al-Asad rencontrait le président iranien Ahmadinejad et M. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah. En avril 2010, le Département américain a insinué l'implication de la Syrie dans la livraison de missiles Scud au Hezbollah.
Depuis la fin de son isolement en 2008, la Syrie tente d'accroître son poids diplomatique. Bachar al-Asad multiplie les rencontres avec les chefs d'Etat aux quatre coins de la planète et s'implique dans les affaires internationales.
Dernier exemple, le cas Clotilde Reiss. Au printemps 2009, la Française est accusée par le régime iranien d'espionnage et d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Après quelques jours d'emprisonnement, elle est assignée pendant plusieurs mois à résidence à l'ambassade de France de Téhéran. Sa libération intervient seulement un an plus tard, la diplomatie syrienne aurait joué un rôle non négligeable dans les négociations, et Nicolas Sarkozy ne manque pas de le souligner en remerciant Damas.
Un interlocuteur pour l'Iran
Au niveau régional, la Syrie sert déjà d'intermédiaire entre l'Iran et les Etats du Golfe depuis les années 1980. Aujourd'hui, elle pourrait devenir un interlocuteur privilégié pour négocier avec l'Iran. Damas et Téhéran sont en effet des complices de longue date : tous deux sont hostiles à Israël et ne manquent pas de le rappeler. Il soutiennent ouvertment les "forces de résistance" du Hezbollah, du Hamas et du djihad islamique. D'autre part, les deux régimes sont autoritaires et restrictifs en matière de droit de l'homme. Ils n'ont donc pas à craindre que l'un exerce sur l'autre quelque pression que ce soit. La dimension religieuse rentre également en compte, la Syrie étant dirigée par une poignée d'Alaouites, dénigrés par les sunnites majoritaires dans le pays mais reconnus comme branche du chiisme, la religion dominante en Iran.
Assad, the Struggle for the Middle East, Patrick Seale, Tauris, Londres, 1988. Un ouvrage essentiel, basé sur des interviews d'Hafiz al-Asad.
Les Mystères syriens ; la politique au Proche-Orient de 1970 à 1984, Charles Saint-Prot, Albin Michel, 1984.
Les Corbeaux d'Alep, Marie Seurat. Récit par sa femme de la disparition du chercheur Michel Seurat, enlevé en 1985.
La Syrie dans la communauté internationale, rapport d'information de l'Assemblée nationale rendu public le 16 juin 2010.
La Syrie ne possède pas de ressources exceptionnelles. Son PIB par habitant est de 2 437 dollars américains en 2010, son PIB total de 52,2 milliards de dollars américains. Après une légère chute en 2009, le taux de croissance doit retrouver les 5 % en 2010. L'inflation a été divisée par cinq en deux ans, passant de 15 % en 2008 à 2,5 % en 2010. Côté emplois, le Bureau international du travail estime le chômage à 11 %, il serait plutôt de 20 % dont un tiers de jeunes.
Source de travail pour 30 % de la population, l'agriculture reste un secteur vital pour l'économie syrienne. Elle couvre les besoins du pays. Sa part dans le PIB tourne aux alentours de 27 % (2009). Les structures productives ou exploitantes agricoles changent de visage depuis le début des années 1990, notamment parce que la loi n° 10 (1991) autorise la création de sociétés privées.
Les deux productions phares de la Syrie sont le blé et le coton. La culture du coton représente à elle seule environ 50 % du PIB agricole et 5 % des exportations, la moitié de la production de coton étant absorbée par l'industrie du textile, en plein essor. Sur les 5 milliards de dollars par an de denrées exportées, le textile représente 10 %, les fruits et légumes 7 %. L'élevage des ovins représente un quart de la production agricole et 2 % des exportations.
Le pays se démarque également dans la culture de l'orge, des olives et de la betterave à sucre. Le tabac et l'arachide se cultivent près du littoral.
Avec une agriculture dépendante à 80 % des précipitations, le maintien d'une bonne irrigation demeure la priorité de l'Etat, propriétaire des quelque 200 barrages du pays. Et si l'une de ces constructions vient à faiblir, ce sont des centaines de personnes meurtries et des milliers d'hectares ravagés qu'il lui faut indemniser.
C'est la principale production du pays. Les hydrocarbures représentent un tiers des recettes budgétaires, un tiers du PIB et près de 70 % des exportations. Les relations économiques de la Syrie avec le reste du monde reposent donc essentiellement sur le pétrole. A titre d'exemple, les échanges commerciaux franco-syriens sont largement conditionnés par les produits pétroliers. Ils représentent 95 % des importations en provenance de Syrie.
Découvert au début des années 1980, il donne alors à l'économie de la Syrie, essentiellement agricole, un tout autre visage. Autrefois confinés au nord-est du pays, aux frontières turque et irakienne, de nouveaux champs pétrolifères ont été découverts au sud-est de Deir ez-Zor. Contemporaines des réformes de libéralisation du secteur, ces réserves d'un pétrole léger ont permis un accroissement important de la production. Limitée à 150 000 barils par jour du temps de la mainmise complète de l'Etat, la production actuelle s'élève à 382 000 barils par jour contre 462 000 en 2004.
L'industrie et les mines représentent 30 % du PIB. L'industrie voit sa part croître dans l'économie syrienne. Les principaux secteurs industriels sont le raffinage de pétrole, le textile, la préparation industrielle des aliments, les produits chimiques et la technologie de pointe. Le secteur manufacturier contribue à 25% du PIB avec la production d'objets artisanaux tels que les articles en soie, en cuir et en verre. Certaines industries ont de l'avenir, comme le traitement des engrais, favorisé par l'abondance de phosphate dans le sol syrien.
50% de la population active est employée dans le secteur des services, dont près de la moitié par l'Etat. Le domaine le plus important aujourd'hui est le tourisme.
En 2009, la Syrie a connu une fréquentation record avec plus de 6 000 000 de visiteurs, soit une hausse de 12 % par rapport à l'année précédente. Une tendance initiée en 2004 avec un bond spectaculaire du tourisme qui a augmenté de 40 %. Cette industrie, aujourd'hui l'une des plus importantes du pays, fait partie de l'histoire récente.
En 1972, la chaîne Cham Palace ouvre le bal en s'associant avec des partenaires occidentaux, comme le groupe français Méridien. Soutenues par le gouvernement, les infrastructures hôtelières se développent sous l'oeil attentif de l'Etat. Ainsi, 20 ans plus tard, la compagnie Cham est une compagnie mixte, détenue à 25 % par l'Etat. C'est à un rythme particulièrement lent que le tourisme se fait une place dans les discours officiels. Première des initiatives en sa faveur, la décision 186 de 1986 accorde à tous les projets de tourisme des exemptions d'impôts, ainsi qu'aux importations nécessaires à la construction d'installations touristiques (ces importations ne devant pas dépasser 50 % des investissements effectivement réalisés). Pour la première fois, en décembre 2001, lors d'un discours sur la politique gouvernementale, le tourisme est qualifié d' " un des moteurs essentiels de l'économie syrienne, tout comme l'agriculture, l'industrie et le commerce ". Symbolique d'une nouvelle approche de la question touristique, cette déclaration nécessite toutefois de se traduire dans les faits.
Depuis 2007, le secteur se développe à une vitesse impressionante. Les changements sont notamment visibles dans la vieille ville de Damas où la transformation de vieilles demeures arabes en restaurants ou hôtels de charme prospère. Au seul premier trimestre 2010, 12 boutiques-hôtels ont ouvert à Damas, et le phénomène se propage également dans certains quartiers d'Alep et de Hama.
D'autre part, des projets toujours plus audacieux voient le jour comme le développement du tourisme solidaire à Sheikh Hilal, un localité proche de Hama (voir chapitre sur Hama).
Mais l'industrie touristique en Syrie, de même qu'en Jordanie, est prise en otage par les incertitudes régionales. Ainsi, en octobre 2002, au moment des menaces de frappes sur l'Irak, des dizaines de tour-opérateurs ont annulé leurs voyages, entraînant des pertes substantielles pour les professionnels. Un constat noir pour ces derniers, et généralisable au Moyen-Orient tout entier. En un an (entre 2000 et 2001), la fréquentation touristique a chuté de 700 000 (23,2 millions de touristes au Moyen-Orient en 2000 contre 22,5 millions en 2001).
Les principaux visiteurs de la Syrie sont les arabes, 3,6 millions en 2009 contre 772 000 Européens parmi lesquels un quart de Francais. Les Iraniens, qui représentent près du quart de la totalité des voyageurs de Syrie viennent en pèlerinage dans le pays. Leur présence se ressent beaucoup plus dans les villes, à Damas en particulier, qui abritent plusieurs lieux saints hautement symboliques pour les chiites.
Dans les années 1970, la Syrie marquée par une étatisation de l'économie depuis plus de 30 ans et affaiblie par les conséquences de la guerre de 1967 est au bord de l'asphyxie économique. Hafiz al-Asad, alors président du pays, se voit obligé d'intervenir et lance la première ouverture économique du pays. Connu sous le nom de infitah, ce processus vise à attirer les investisseurs privés syriens, locaux et expatriés, et les investisseurs étrangers. Elle profite à la bourgeoisie commerçante, majoritairement sunnite et chrétienne, dont le régime attend en contrepartie le soutien politique.
En 1985, la Syrie connaît de nouveau des difficultés financières et se retrouve au bord de la banqueroute. Le pays engage une seconde infitah. Le régime ouvre alors au privé les secteurs que l'Etat ne peut plus gérer seul financièrement, ce qui se traduit par la constitution d'un secteur mixte dans le transport et le tourisme, puis dans l'agriculture et l'agroalimentaire. La loi n° 10 sur les investissements, votée en 1991, est le point fort de cette deuxième phase de libéralisation.
L'ère Bachar
L'arrivée de Bachar al-Asad à la tête de la Syrie va permettre de prolonger les réformes économiques entammées par son père. Dès son discours d'investiture, il se dit déterminé à rattraper le retard pris par l'économie syrienne. Dans l'année suivant son investiture, deux monopoles d'Etat sont supprimés : l'établissement de banques privées et d'une bourse de valeurs est approuvé ainsi que la création d'universités privées. Ainsi en quelques années, douze banques privées dont deux islamiques ont été créées.
La subvention des carburants et des produits alimentaires de base est supprimée, remplacée par des aides limitées aux foyers les plus modestes. Le taux d'imposition sur le revenu est passé de plus 50 % à 28 %.
Sur le plan commercial, la Syrie a intégré le GAFTA (le grand marché arabe de libre-échange) en 2005, et a signé un accord de libre-échange avec la Turquie et la Jordanie au printemps 2010.
Enfin, signe symbolique : la bourse de Damas a rouvert début 2009 après 40 ans d'inactivité.
B. Cabrillac, L'économie du Proche-Orient, PUF, coll. "Que sais-je ? ".
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