Guide de Bahreïn : Histoire

Musée national de Bahreïn.
Musée national de Bahreïn.

L'Histoire du golfe est traversée de migrations, d'invasions et de voyageurs en quête de richesse. L'archipel de Bahreïn en est le plus parfait exemple. La présence de sources d'eau douce, dans ce climat aride, en a fait un des premiers foyers de peuplement de la région.

Chronologie
Chronologie

3500 av. J.-C. > Première apparition du nom de Dilmun sur une tablette d'argile trouvée à Uruk, grande cité mésopotamienne, dans le temple de la déesse Inanna.

3300 av. J.-C. > Les prémices de l'âge de bronze arrivent à Bahreïn, pourtant encore isolé du continent. Les archéologues ne trouvent que peu d'indices sur cette période.

2300 à 1750 av. J.-C. > Premier âge d'or de Dilmun, qui transfère son pouvoir dans l'archipel. Construction d'une capitale à Qal'At Al Bahrain.

2100 av. J.-C. > Premier temple de Barbar.

2050 av. J.-C. > Des remparts sont construits autour de Qal'At Al Bahrain. Développement d'un centre urbain à Saar. Nécropoles d'Al Ali.

2000 av. J.-C. > Second temple de Barbar.

1900 av. J.-C. > Troisième temple de Barbar.

1751 à 1100 av. J.-C. > Deuxième âge d'or de Dilmun.

1750 av. J.-C. > Abandon du site de Saar.

1475 av. J.-C. > Babylone prend le contrôle de l'archipel. La dynastie des Kassites contrôle les routes maritimes passant par Bahreïn. Les archéologues ont largement documenté cette période.

1300 av. J.-C. > Invention du falaj (système d'irrigation). Domestication du dromadaire.

1100 à 330 av. J.-C. > Déclin progressif de la civilisation de Dilmun, jusqu'à sa disparition.

800 av. J.-C. > Construction du palais pour le roi Uperi à Qal'At Al Bahrain.

544 av. J.-C. > Les Achéménides prennent le contrôle de Bahreïn.

330 av. J.-C. à 622 apr. J.-C. > Sous influence grecque, l'archipel s'appelle dorénavant Tylos.

325 av. J.-C. > Expéditions d'Alexandre le Grand.

300 av. J.-C. > Une colonie grecque s'installe à Qal'At Al Bahreïn.

129 av. J.-C. > Les Parthes, venus d'Iran, envahissent l'archipel.

100 av. J.-C. > Age d'or de la culture hellénistique.

200 > Les tribus arabes contrôlent Bahreïn.

250 > Un fort est construit à Qal'At Al Bahrain. Les Sassanides d'Iran sont les suzerains des chefs arabes à Bahreïn.

410 > Une communauté chrétienne s'installe dans l'archipel.

570-571 > Naissance du Prophète Mohammed.

622 à 1783 > Les chefs arabes se convertissent à l'islam, ainsi commence le Moyen Age islamique de Bahreïn.

718 > Construction de la mosquée Al Khamis.

900 > Révolution des Qarmates.

1520 à 1602 > Colonisation portugaise de Bahreïn.

1602 à 1620 > Les Ottomans contrôlent l'archipel.

1620 à 1737 > Bahreïn fait partie de l'Empire perse.

1737 à 1783 > Oman s'empare de l'archipel.

1783 > Ahmed Al Fateh conquiert l'île, et gagne son surnom de " conquérant ". Les Al Khalifa règnent toujours de nos jours.

1820 > Signature du traité entre Bahreïn et la Grande-Bretagne, qui fait de l'archipel un protectorat britannique.

1911 > Le joaillier Jacques Cartier se rend à Bahreïn.

1924 > Premier aérodrome du golfe Arabique.

1930 > Effondrement de l'industrie perlière car les Japonais ont maîtrisé la culture de la nacre.

1932 > Premier puits de pétrole de Bahreïn et du côté arabe du Golfe.

1945 > Construction de Bab Al Bahrain.

1956 > Crise de Suez.

1945 à 1971 > Des mouvements sociaux éclatent régulièrement pour demander l'indépendance. Dans le contexte israélo-palestinien, la communauté juive de Manama est particulièrement visée.

16 décembre 1971 > Bahreïn devient officiellement indépendant et déclare être une monarchie parlementaire, avec à sa tête non pas un roi, mais un émir.

1973 > Première élection de l'Assemblée nationale à Bahreïn.

1975 > Suite aux pressions de l'Arabie saoudite, l'émir dissout l'assemblée, après des blocages constitutionnels.

1979 > Révolution iranienne.

1981 > Selon les autorités, un complot venu d'Iran est déjoué. La monarchie sunnite des Al Khalifa reste au pouvoir.

Années 1990 > Forte opposition au régime monarchique.

Mars 1999 > Le Cheikh Isa meurt. L'Emir est mort, vive l'Emir. Son fils, Hamad bin Isa Al Khalifa, lui succède.

2001 > Une charte nationale est adoptée par référendum à 98,4 %. Le Conseil suprême pour les femmes est créé.

2002 > D'une monarchie absolue, Bahreïn devient une monarchie constitutionnelle. Salman Al Khalifa abandonne son titre d'émir pour devenir roi.

2004 > Nada Haffadh devient la première femme ministre (à la Santé). Le circuit de Sakhir est inauguré.

2006 > Elections parlementaires avec 72 % de participation. 19 femmes candidates sur 207.

2007 > Quatre femmes bahreïnies sont nommées au Prix Nobel de la Paix.

2009 > L'Etat abandonne le système de parrainage pour les travailleurs immigrés, qui peuvent désormais changer d'emploi quand ils le souhaitent. Une première dans la région.

2010 > Elections parlementaires avec 67,7 % de votants.

2011 > Le Printemps arabe se propage à Bahreïn. La population à majorité chiite se soulève et demande des réformes politiques.

2013 > Les tensions sont retombées dans le Royaume bahreïni.

2017 > La Place de la Perle à Manama, symbole de la contestation, est rouverte au public.

La civilisation de Dilmun (- 3000 av. J.-C. - 583 av. J.-C.)

Les premières traces d'occupation humaine remontent au troisième millénaire av. J.-C. L'île de Bahreïn s'appelait alors Dilmun ; des fouilles archéologiques ont permis de découvrir des nécropoles et des artefacts retraçant l'histoire de cette prospère tribu sémitique. Située au carrefour des routes maritimes reliant la Mésopotamie à la vallée de l'Indus, les habitants de Dilmun sont en relation avec les plus grandes civilisations de l'époque. Les premiers écrits mentionnant Dilmun ont été découverts dans la ville d'Uruk, aujourd'hui située au sud de l'Irak et coeur de la civilisation sumérienne.

La civilisation de Dilmun avait alors le contrôle sur le Koweït, le Qatar et la côte est de l'Arabie saoudite. Peuple de commerçants, les perles de Bahreïn étaient déjà un des éléments principaux de leur prospérité. Le circuit commercial était bien délimité : Dilmun achetait aux navigateurs de la vallée de l'Indus des marchandises précieuses : ivoire, or, lapis-lazuli, rubis, etc. Puis, ils naviguaient vers la Mésopotamie, où les marchands de Dilmun se ravitaillaient en blé, légumes, laine et cuivre. Un commerce florissant qui a assuré aux habitants de Dilmun une certaine prospérité, dont l'âge d'or se situerait de 2200 à 1600 av. J.-C.

Ces richesses ont attisé la convoitise des grandes puissances territoriales voisines. Plusieurs inscriptions et lettres racontent l'invasion du roi assyrien Sennacherib à la fin du VIIIe siècle av. J.-C. Sous domination assyrienne pendant tout le premier millénaire, la civilisation de Dilmun aurait disparu en même temps que l'Empire babylonien, en 583 av. J.-C.

Bahreïn, entre Perse et Grèce (VIe av. J.-C. - VIIe ap. J.-C.)

Du VIe siècle av. J.-C. jusqu'à la naissance de l'islam, Bahreïn fait partie de l'Empire perse. Alors que les vestiges de Babylone sont passés aux mains des Perses, Bahreïn n'échappe pas à la domination du grand empereur Cyrus II. L'archipel garde son importance stratégique en raison du commerce maritime, toujours actif. Mais le centre névralgique du commerce de l'Empire achéménide se déplace vers Persépolis, dans l'Iran actuel, connecté à la Méditerranée et aux Indes par la Voie Royale, route qui traverse l'Empire perse d'est en ouest, ancêtre de la Route de la Soie. Une satrapie, c'est-à-dire une province de l'empire, est créée. Elle englobe l'archipel de Bahreïn, l'Arabie et Oman. La correspondance du satrape avec la capitale Persépolis est une source archéologique majeure pour comprendre les relations entre ce petit centre commercial et l'immense Empire perse.

Mais d'autre sources nous sont parvenues : les récits des navigateurs grecs et des soldats d'Alexandre le Grand, qui appellent cette île Tylos. L'amiral Archias de Pella dit avoir rejoint l'archipel après un jour et une nuit de navigation depuis l'embouchure de l'Euphrate. Tylos serait le nom hellénisé de Tilmun, ou Dilmun. Hérodote et Strabon, historiens et géographes grecs, considéraient que les habitants de Tylos seraient les ancêtres des Phéniciens, ces marchands installés au Liban actuel et dont l'influence s'est étendue jusqu'à Gibraltar. Si les historiens actuels nient cette filiation, on retrouve chez les Phéniciens et les habitants de Tylos certains traits communs : mythologie, organisation sociale, talents de navigateurs et de commerçants. L'influence grecque s'y est en tout cas fait ressentir. Les Séleucides, qui régnaient sur les conquêtes orientales d'Alexandre le Grand y auraient établi une base militaire, sur le site de Qal'at al-Bahrain. Des colons grecs s'y sont également installés ; l'archipel était connu pour la qualité de ses athlètes.

La naissance de l'Islam

Alors qu'à La Mecque et Médine, le prophète Mohammed donnait naissance à l'islam, Bahreïn s'est immédiatement converti à la nouvelle religion : en 629, tout l'archipel est musulman, seulement 7 ans après le début de la conquête arabe. Le pays est alors dominé par la tribu arabe des Manadhira ; leur roi Al Mundhir Ibn Sawi Al Timimia a été un des premiers fidèles de Mohammed hors de l'Arabie. Signe de cette conversion rapide, la mosquée Al-Khamis a été construite en 692. Il s'agit d'une des premières mosquées construites dans le monde et constitue un des plus vieux vestiges de l'islam. La mosquée peut aujourd'hui se visiter, même si les bâtiments actuels datent pour la plupart du XIVe siècle. Les tribus arabes de Bahreïn prennent définitivement le pouvoir. La langue arabe devient la langue principale de l'archipel. Les rois de Bahreïn contribuent à l'expansion de l'islam dans la région, jusqu'à la formation du califat des Omeyyades, qui fondent leur capitale à Damas, en Syrie.

Mais en 750, le monde musulman se déchire. Les Omeyyades sont renversés par Abu Al Abbas As Saffah, qui fonde à Bagdad la dynastie des Abbassides, et le califat se déplace de Syrie en Irak. La civilisation arabe est à son apogée. Bagdad attire savants, géographes, mathématiciens, philosophes, astronomes et devient une des villes les plus importantes du monde. C'est l'époque des Mille et Une Nuits. Pour Bahreïn, ce nouveau califat représente des opportunités commerciales. Depuis l'époque de Dilmun, Bahreïn a su garder cette position dominante entre le Moyen-Orient et l'Inde. Grâce aux avancées scientifiques et géographiques, les Bahreïnis deviennent des navigateurs hors pairs : le golfe Arabique est leur chasse-gardée, et des expéditions s'aventurent jusqu'aux côtes du Mozambique, du Sri Lanka ou du royaume de Malabar, dans le sud-ouest de l'Inde. Bahreïn traverse un véritable âge d'or et sa population est prospère. Des philosophes bahreïnis vont acquérir une renommée mondiale, comme, au XIIIe siècle, le mystique Sheikh Maitham Al Bahrani. Mais à partir du Xe siècle, l'instabilité politique va devenir la norme de l'archipel.

La République des Qarmates

Vers l'an 900, Bahreïn va être au coeur d'une utopie méconnue. Originaire de Kufa, en Irak, Abu Sa'id al-Hasan al-Janaby s'empare d'Hajr, la capitale du Bahreïn médiéval, ainsi que de la côte est de l'Arabie saoudite et la ville d'Al-Hasa, qu'il choisit pour capitale. Ce mystique ismaélien (une branche du chiisme) va créer une " République ", dont le gouvernement est centré sur la raison et l'égalité. L'Etat est gouverné par un conseil de six sages et les propriétés des Qarmates sont partagées entre tous les initiés. Si ce culte n'est pas secret, ses membres doivent subir une initiation. Sous la direction des Qarmates, Bahreïn va devenir une grande puissance maritime et territoriale. Profitant de leur position stratégique sur la route de La Mecque, les Qarmates vont devenir célèbres pour attaquer les caravanes de pèlerins. En 906, ils en tueront 20 000 pour s'emparer de leurs richesses. En 926, sous la férule d'Abu Tahir Al-Jannabi, ils seront tout proche de prendre Bagdad ; le calife des Abbassides n'a d'autre choix que de leur payer un tribut annuel. En 930, ils pillent La Mecque. Au passage, ils désacralisent la source miraculeuse de Zamzam, et s'emparent de la pierre noire sacrée de la Kebaa. Ils demandent alors une rançon pharamineuse au Calife abbasside, qu'il ne peut payer. La pierre noire est rendue mystérieusement vingt-deux ans plus tard : enveloppée dans un tissu noir, la pierre est lancée au-dessus des murs de la mosquée de Kufa, avec pour seule explication, une note : " Nous avions pour ordre de nous en emparer, nous avons maintenant pour ordre de la rendre. " Battus par les Abbassides en 976, puis lentement affaiblis, les Qarmates sont renversés en 1058 par la dynastie des Uyunides, qui sera au pouvoir pendant deux siècles. Puis se sont les dynasties des Usfurides et des Jarids qui contrôlent l'archipel jusqu'en 1483, date de l'invasion de Bahreïn par Oman.

Le témoignage d'un navigateur arabe au XVe siècle

Ahmad ibn Majid est un navigateur arabe et un cartographe. Marin hors pair, il dirigeait son premier équipage à l'âge de 17 ans. Si certains historiens débattent de cette théorie, il aurait aidé Vasco de Gama à trouver la route des Indes. Voici comment il décrit Bahreïn :

" A Awal (Bahreïn), on recense 360 villages et de nombreuses sources d'eau à travers tout le pays. Près du merveilleux village d'Al Qasasir, un homme peut plonger dans l'eau salée de la mer et remplir une amphore d'eau douce. Autour de l'archipel, des pêcheurs de perles ramassent les précieuses huîtres. Près de 1 000 navires travaillent dans ce commerce. "

Bahreïn sous domination étrangère

Sous l'impulsion de Henri le Navigateur, roi du Portugal, l'Empire portugais connaît une expansion territoriale importante. Suite à l'expédition aux Indes de Vasco de Gama, l'océan Indien passe sous contrôle lusitanien. Le golfe Arabique est ainsi au coeur des préoccupations coloniales des Portugais. Bahreïn va se trouver ainsi entre le marteau et l'enclume : d'un côté, l'Empire ottoman, et de l'autre, le Portugal. En 1521, une flotte portugaise prend le contrôle de l'île, afin d'en faire une base militaire pour contrôler le commerce de la route des Indes. L'héritage de cette invasion est toujours visible aujourd'hui, le fort de Qal'at al-Bahrain en est le plus parfait exemple. Affaiblis par les luttes incessantes avec les Ottomans et par la concurrence des nations européennes, les Portugais sont chassés de l'île après 80 ans d'occupation.

En 1601, la population de Bahreïn se soulève et le Shah d'Iran Abbas Ier en profite pour s'emparer de l'archipel. La dynastie des Séfévides va ainsi régner sur la région pendant plus d'un siècle. L'invasion perse confère à Bahreïn une période de stabilité politique et commerciale. Tandis que l'Empire des Séfévides s'enrichit grâce aux perles, l'élite chiite du pays connaît un dynamisme intellectuel majeur, avec en figure de proue le théologien Cheikh Youssouf Al Bahraini. Cette culture arabo-persane explique l'importante communauté chiite de Bahreïn, toujours influente aujourd'hui. Après une invasion venue d'Afghanistan, l'Empire des Séfévides doit lâcher prise sur l'archipel. En 1717, les Omanais mettent la main sur l'archipel. En 1753, une nouvelle armée iranienne reprend le territoire perdu. Ce sera la dernière fois que la Perse règne sur Bahreïn.

La conquête des Al Khalifa

L'année 1783 marque le début du règne des Al Khalifa sur Bahreïn, dont les descendants sont toujours au pouvoir aujourd'hui. Mais leur route vers le trône a été semée d'embûches. Le clan des Al Khalifa appartient à une fédération de tribus arabes : la Bani Utbah. Originaires de Najd en Arabie saoudite, ces tribus bédouines ont migré au XVIe siècle vers l'embouchure du Chatt-el-Arab, dans la ville d'Umm Qasr, au sud de l'Irak actuel. La Bani Utbah était connue pour ses actions de piraterie ; les caravanes de pèlerins vers La Mecque et les navires de commerce constituaient leurs cibles préférées. L'Empire ottoman, ne pouvant tolérer ces razzias, a chassé les tribus vers le Koweït au XVIIIe siècle. Puis, autour des années 1760, deux clans de la Bani Utbah décidèrent de s'installer à Zubarah, aujourd'hui au Qatar.

En 1783, le chef des Al Khalifa se rend à Sitra, une des îles de l'archipel, afin d'acheter quelques denrées. Suite à une dispute, un coup de feu éclate, tuant le cheik sur le coup. Les Al Khalifa sur place sont massacrés et les survivants rendent compte de l'incident aux membres du clan restés à Zubarah. L'affront est tel qu'ils appellent vengeance. La Bani Utbah mène alors une expédition dévastatrice contre l'île de Sitra. Le gouverneur perse de Bahrain, Nasr Al-Madhkoor, décide donc d'attaquer Zubarah avec toute sa flotte. Trahi par un de ses proches qui espionne pour le compte de la Bani Utbah, il essuie une défaite cuisante. Il part se réfugier en Irak, afin de demander de l'aide, mais les renforts n'arriveront jamais et les Al Khalifa s'emparent de l'île.

Une difficile consolidation du pouvoir

Ahmed bin Muhammad Al Khalifa, surnommé " Al Fateh " (le Conquérant) devient le premier Al Khalifa à régner sur Bahreïn. Mais il doit sécuriser son trône et ce n'est pas une mince affaire. Les Saoudiens assiègent d'abord la capitale Zubarah. Les Al Khalifa abandonnent la péninsule qatarie et concentrent leur pouvoir sur l'archipel. Muharraq devient la capitale du Bahreïn alors que le clan Al Thani devient maître du Qatar. Les grandes puissances qui entourent le petit royaume sont menaçantes pour les Al Khalifa. Mais ces derniers se révèlent être des diplomates sans pareil et jonglent avec les intérêts de leurs voisins. Pour se protéger d'Oman, Bahreïn devient un vassal de l'Empire perse. Les Omanais ne pouvant accepter la situation, envahissent l'archipel et laissent une garnison au fort d'Arad, à Muharraq. Les Saoudiens aident alors les Al Khalifa à assiéger Arad, mais une fois les Omanais vaincus, les Saoudiens gardent le pouvoir et annexent Bahreïn à leur territoire. De vives tensions entre les sunnites et les chiites conduisent à une période d'instabilité, dont vont profiter les Al Khalifa. En 1811, ils attaquent à nouveau et s'emparent définitivement de l'archipel.

Pour consolider leur pouvoir, Bahreïn décide de s'allier aux Britanniques. En 1820, un traité est signé : les Al Khalifa s'engagent à ne plus commettre d'actes de piraterie dans le golfe Arabique. En échange, le Royaume-Uni reconnaît les Al Khalifa comme seuls souverains légitimes de Bahreïn.

Le protectorat britannique

En 1830, l'Egyptien Mohammed Pasha conquiert pour le compte des Ottomans la péninsule arabique. Pour éviter de perdre le pouvoir, les Al Khalifa déclarent leur allégeance à l'Empire perse. Mais, en 1860, la couronne britannique cherche à étendre son pouvoir sur la région, stratégique puisque située sur la route des Indes. Les Al Khalifa utilisent la même technique et demandent protection à l'Iran. Mais les Iraniens n'ont pas les moyens nécessaires pour résister à la puissante flotte anglaise. En 1861, le colonel Lewis Pelly de la Compagnie des Indes orientales signe avec les Al Khalifa un traité qui place, de facto, le régime bahreïni sous contrôle britannique. En échange de cette perte de souveraineté, Bahreïn obtient l'assurance de l'aide de l'Empire en cas d'attaque maritime ou terrestre. Il conforte également les Al Khalifa dans leur position de chefs politiques de l'archipel. Mais, si le gouvernement anglais restreignait les relations extérieures de Bahreïn, il laissait le soin des affaires intérieures à l'émir du pays.

C'est également au XIXe siècle que les premières relations avec la France sont apparues. En juin 1841, la corvette La Favorite largue les amarres en rade de Brest à destination de la Chine. Elle doit faire escale dans le golfe Arabique. Une escale à Bahreïn est prévue, non pas pour défendre quelques intérêts stratégiques, mais pour se rendre compte de la domination anglaise sur la région. Le Cheikh Abdallah bin Ahmed Al Khalifa a reçu l'équipage de La Favorite avec faste, comme le raconte le capitaine Théogène-François Page.

Déjà la vie à Bahreïn devient cosmopolite. La population, contrairement à celle de ses voisins, se distingue par son hétérogénéité. Aux Bahreïnis, se mêlent les étrangers et les colons, dans une réelle harmonie. Parmi ses principaux partenaires commerciaux : la Chine et l'Inde, dont l'influence se fait ressentir dans le mode de vie des habitants. Des familles persanes comptent parmi les plus prospères ; la culture, le style vestimentaire et l'éducation à Bahreïn sont marqués par des références aux Indes.

Vers l'Indépendance (1869-1971)

En 1869, des tensions agitent les Al Khalifa. Mais le nouveau Cheikh Isa bin Ali Al Khalifa arrive à apaiser les velléités de sa famille. Il amorce une transformation radicale de l'économie de l'archipel, qui passe d'un modèle tribal à une modernisation sans précédent. En 1870, Bahreïn a supplanté le Koweït, Bassorah ou Mascate et devient le centre commercial de la région. Le pays compte surtout sur les revenus de l'industrie perlière, dont les nacres sont exportées à Paris ou à Bombay. Albert Londres, dans son récit Pêcheurs de perles, écrit à propos de Bahreïn :

" C'est magnifique. Si l'eau potable n'est pas salée, je m'installe ici. La mer est turquoise, transparente. En regardant mieux, je suis sûr qu'au fond je verrais bailler les huîtres. Il ne me resterait plus qu'à enfoncer le bras pour y chiper une perle. [...] Savez-vous ce qui se passe dans le golfe Persique ? Une chose révoltante. Plus de vingt-cinq sources d'eau douce y jaillissent dans la mer. Tandis que les hommes à terre, n'ont que de l'eau salée à boire, les huîtres, sur leurs bancs, ingurgitent de l'eau douce ! Et c'est cela, paraît-il, qui donne un si beau teint aux perles de Bahreïn ". Attirés par les récits des voyageurs, les joailliers européens se pressent dans l'archipel, Jacques Cartier en tête. Le visionnaire bijoutier français (pas le navigateur malouin du XVIe siècle) ne jurait que par les perles de Bahreïn.

Le commerce de la perle reste ainsi la principale source de revenus pour de nombreux Bahreïnis. En 1905, sur 99 000 habitants, 15 000 sont des pêcheurs de perles. Ils vivent principalement sur l'île de Muharraq. Le royaume ne taxe pas cette activité, mais tire ses revenus des importations et du commerce. Grâce à cette manne financière, Bahreïn se dote en 1896 d'une police, et en 1900, du premier hôpital de l'archipel. Lors de la première moitié du XXe siècle, Bahreïn va poursuivre son développement. En 1919, une première école pour garçons est ouverte, suivie en 1928, d'un établissement réservé aux filles. Le premier téléphone arrive à Manama en 1932, le cinéma en 1938. Mais la concurrence des perles japonaises et le krach boursier de 1929 provoquent un fort déclin de l'industrie perlière. Mais heureusement pour Bahreïn, un prospecteur néozélandais va changer le destin de l'archipel.

Du pétrole à Bahreïn

Malgré plusieurs expéditions infructueuses au début du XXe siècle, le major néozélandais Frank Holmes est persuadé de trouver des hydrocarbures dans le désert bahreïni. Le Cheick lui accorde l'autorisation de sonder le sous-sol, si, auparavant, il trouvait des sources d'eau douce. En 1923, une fois sa mission préliminaire achevée, il obtient une concession. Il la revend en 1927 à l'American Eastern Co qui la cède enfin à la Standard Oil Company of California. Les travaux commencent en 1929 au sud de la Jabal Al Dukhan, " la montagne de fumée ". Le 2 juin 1932, les pages de la Gazetter of the Gulf relatent que " de grandes quantités de pétrole se jettent dans les oueds. Le pétrole, et ce qui était au départ perçu comme de la fumée mais qui était en fait du gaz, ont jailli de la station de forage et toutes les machines et les hommes travaillant sur place ont été recouverts de pétrole ". Bahreïn devient le premier pays du Golfe à extraire du pétrole. En 1934, le pays exporte 40 000 tonnes de pétrole, 160 000 en 1935, 640 000 en 1936. Pour répondre à la demande croissante en énergie, l'archipel se dote de la première raffinerie de brut de la région, construite sur l'île de Sitra. En mettant à profit ces nouveaux revenus, les autorités ont pu continuer leurs travaux de modernisation. Ecoles, universités, infrastructures, le pétrole a changé la face de Bahreïn.

Vers la démocratie (1971 à nos jours)

En 1968, le Royaume-Uni décide de se retirer de la région. Il souhaite mettre en place une fédération des émirats regroupant le Qatar, Bahreïn et les Emirats arabes unis. Mais, rassuré par l'abandon des prétentions iraniennes sur l'archipel, Bahreïn décide de faire cavalier seul. Le 14 août 1971, Bahreïn redevient indépendant. En 1972, les premières élections parlementaires du pays ont lieu. Une constitution inspirée de celle du Koweït est adoptée. Mais en 1975, suite à la crise pétrolière qui secoue le monde, l'émir de Bahreïn se voit obliger de dissoudre l'Assemblée, suite aux pressions de ses voisins (notamment l'Arabie saoudite), qui craignait un blocage du projet gouvernemental. En 1979, la Révolution iranienne qui place l'ayatollah Khomeini au pouvoir suscite un regain de tensions à Bahreïn : l'importante communauté chiite du pays est directement concernée par les événements de Téhéran. Un complot visant à rattacher l'archipel à l'Iran est déjoué en 1981, les insurgés ayant été probablement entraînés en Iran.

En mars 1999, l'émir Cheick Hamad bin Issa Al Khalifa succède à son père à la tête du Royaume et amorce une série de réformes démocratiques pour le pays. Suite aux élections d'octobre 2010, Hillary Clinton, alors Secrétaire d'Etat des Etats-Unis, assure que " Bahreïn a montré qu'une société multiethnique et multiconfessionnelle pouvait relever les défis de son développement à travers des réformes pacifiques et des élections représentatives ".

Mais le 14 février 2011, alors que la monarchie célèbre les dix ans de la Charte nationale qui avait institué une monarchie parlementaire, des centaines de manifestants occupent la Place de la Perle à Manama. Leurs revendications sont multiples : réformes démocratiques, respect des droits de l'homme, voire, pour certains, l'abolition de la monarchie. Le jour même, Fadhel Al-Matrook, un Bahreïni de 31 ans, est abattu par la police. Ses funérailles, le 15 février, réuniront des dizaines de milliers de personnes dans tout le pays. Ce mouvement, qui suit les révolutions égyptiennes et tunisiennes du Printemps arabe, sera brutalement réprimé par le régime et son allié saoudien, qui fournit hommes et équipements militaire. Pendant plusieurs mois, les manifestants occupent la Place de la perle, l'état d'urgence est déclaré le 15 mars et des affrontements entre jeunes et forces de l'ordre éclatent quotidiennement. L'opposition est muselée, ses leaders arrêtés. Pendant tout le Printemps, les autorités tentent tout pour juguler le mouvement, décrit par les observateurs étrangers comme pacifique. La Place de la Perle sera détruite par les autorités et fermée. Le 31 mai, une commission de dialogue nationale est créée.

Le 1er juin, l'état d'urgence est levé, et les manifestations s'essoufflent. Des incidents éclatent sporadiquement tout au long de l'année. En tout, 93 personnes ont trouvé la mort, et des milliers d'autres ont été blessées lors de ce mouvement. Des accusations de torture, de censure, et d'arrestations arbitraires ont terni l'image du régime bahreïni. Les revendications sociales des manifestants ont souvent été occultées par l'opposition entre la monarchie sunnite et la population chiite. L'ingérence de l'Iran dans les manifestations a souvent été dénoncée par le régime et ses alliés. Mais il ne faut pas oublier que les manifestations du 14 février portaient avant tout sur une amélioration du niveau de vie, des mesures démocratiques et une plus grande liberté. Depuis la fin du mouvement, en 2013, les Al Khalifa tentent de redorer l'image du pays et d'ouvrir le dialogue avec les partis d'opposition.

Depuis 2016, la situation politique s'est calmée, les investissements étrangers ont repris et Bahreïn cherche à développer son économie. Le tourisme est une des industries privilégiées, espérant des recettes d'1 milliard de dollars en 2020. Une manne financière bénéficiaire à toute la population. Un nouvel aéroport est en cours de construction pour pouvoir accueillir les millions de touristes que l'archipel attend de pied ferme.

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