Néolithique

L’Homme de Néandertal aurait commencé à naviguer entre les îles il y a 100 000 ans mais il faut attendre la fin de la dernière ère glaciaire, il y a 11 700 ans, pour qu’Homos sapiens s’installe véritablement sur ces terres. Les îles du nord-Égée portent la trace des premiers habitants néolithiques dans quelques sites exceptionnels, à l'organisation sociale et urbaine poussée pour la période. Il s'agit notamment du site de Poliochni, sur l'île de Lemnos, qui constitue la plus ancienne "ville" organisée excavée en Europe (Ve-IIe millénaires av. J.-C.) ou encore du site fortifié de Palamari, sur l'île de Skyros, admirablement conservé (IIIe-IIe millénaires av. J.-C.).

2700-1200 av. J.-C.

La civilisation minoenne, née en Crète, conquiert une grande partie des terres insulaires de la mer Égée et développe un quasi-monopole sur le commerce maritime en Méditerranée : les îles du Nord-Égée se retrouvent dans la zone d’influence de ces puissants et brillants navigateurs. C’est une époque d’intenses échanges commerciaux avec l’ensemble des populations méditerranéennes : ces îles se trouvent sur la route nord-sud entre la mer Noire, l’Asie Mineure, la Crète et l’Égypte. Cette grande civilisation disparaît mystérieusement autour de -1200, le déclin résultant certainement des effets combinés d’invasions achéennes, de catastrophes naturelles et de l’absorption par les tribus doriennes.

1650-1100 av. J.-C.

Venue du nord, la tribu des Achéens fonde Mycènes, dans le Péloponnèse. La plus florissante des cités achéennes lance le début de la civilisation mycénienne et conquiert une grande partie de la Grèce égéenne. Les Mycéniens s’installent en Asie Mineure et dans les îles du sud-Égée à peu près à la même époque où les Thessaliens – ou Pélasges – seraient arrivés du continent dans les Sporades et sur certaines des îles du nord-Égée. Celles-ci ne constituent pas le cœur de la zone d’influence mycénienne mais continuent de bénéficier d’une position stratégique sur les grandes routes maritimes de la Méditerranée. La civilisation mycénienne y laisse des traces, notamment sur l'île de Psara où l'on admire encore aujourd'hui le site mycénien d'Archontiki.

1100-800 av. J.C.

A partir de -1100, la civilisation mycénienne décline et disparaît progressivement, laissant la prééminence aux Doriens, puis aux Éoliens et aux Ioniens dans la région du nord-Egée. On connaît peu de choses des siècles dits « obscurs » qui suivent, alors que les raisons de la disparition des Mycéniens font toujours débat. La trace des Sporades et des îles du nord-Egée est alors plus ou moins perdue, bien que le commerce continue de prospérer dans la région.

800-350 av. J.-C.

Elles réapparaissent dans l’Histoire à la faveur de la révolte des cités ioniennes : des tyrannies se mettent en place dès le VIIe s. av. J.-C. pour s'assurer l'hégémonie en mer Égée orientale, à la fois sur les îles alentour et sur le continent ionien. C'est le cas à Samos, où le tyran Polycrate (535-522 av. J.-C.) finance les arts et les sciences, comme en témoignent le tunnel d'Eupalinos ou l'Héraion. Bientôt ces îles et cités sont confrontées à l'expansion de l’Empire perse dont elles rejettent la domination : c'est le début des guerres médiques. Face aux victoires successives des cités grecques qui ont émergé pendant la période archaïque, ces îles sont finalement intégrées à la Ligue de Délos, prêtant allégeance à Athènes. Cependant, et hormis les Sporades qui restent immuablement fidèles à Athènes, les îles du nord-Égée changent d'allégeance et alternent entre Athènes et Sparte dans la guerre meurtrière du Péloponnèse qui suivra peu après.C’est au cours de cette période dite classique que les cités du nord-Égée se munissent d’importants lieux de culte et de savoir, comme à Hephaista sur l'île de Lemnos.

360-140 av. J.-C.

Depuis la fin de la guerre du Péloponnèse, des conflits entre Thèbes, Athènes et Sparte fragilisent les cités. Cela profite au royaume de Macédoine, situé au nord de la Grèce. À partir de 359 av. J.-C., Philippe II de Macédoine soumet les peuples voisins (Illyriens, Thraces…) et s'empare des Sporades et des îles du nord-Égée. Contrôlant toute la Grèce à l’exception de Sparte, il propose une union sacrée afin de libérer les cités d’Asie Mineure sous contrôle perse. A cette époque, le Sanctuaire des Grands Dieux, à Samothrace, devient un lieu de vénération particulier pour la dynastie macédonienne. Mais Philippe II meurt assassiné en 336 av. J.-C. : l’unification des terres grecques a finalement lieu sous l’impulsion militaire de son fils, Alexandre le Grand. Celui-ci ne se contente pas de finir de conquérir les îles égéennes, mais fonde un des plus grands empires de l’histoire. Cette unité ne survivra pas à l’empereur : à sa mort, le monde grec entre dans une période de décadence. C’est au prétexte de « libérer les Grecs » que Rome déclenche les guerres de Macédoine (215-148 av. J.-C.) et va se lancer dans la conquête des cités et îles égéennes.

Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.)

Alexandre le Grand, dont le précepteur fut Aristote, succède à son père Philippe II à l’âge de 20 ans. Après avoir vaincu les peuples révoltés de Grèce, il conquiert l’Egypte où il fonde Alexandrie, et s’empare de Babylone et Persépolis qu’il fait brûler. Il traverse le Tigre et l’Euphrate, soumet les Perses, puis entreprend l’étonnante expédition qui le mène au-delà de l’Indus, en Inde du Nord. Miné par la maladie (certains historiens affirment qu’il fut assassiné), Alexandre le Grand meurt à Babylone, dont il rêvait de faire la capitale de son empire.

Alexandre le Grand © KenWiedemann - iStockphoto.com.jpg

140 av. J.-C - 330 apr. J.C.

En 146 av. J.-C., la Grèce est officiellement rattachée à Rome. Les îles du nord-Égée sont successivement intégrées aux provinces romaines de Macédoine (Sporades), Thrace (Thassos et Samothrace) et Asie Mineure (nord-est Égée) alors que le tout dernier roi de Macédoine, Persée, se réfugie au Sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace, fuyant les Romains. La transformation de la République en Empire coïncide avec la plus longue période de paix jamais connue par les Grecs : la Pax Romana (27 av. J.-C.-180 apr. J.-C.). Les îles bénéficient d’un environnement économique favorable, ayant accès à un immense empire maritime pacifié. C'est une période faste pour les îles du nord-Égée. Entre-temps, l’apôtre Paul a introduit le christianisme dans les terres grecques, et les Évangiles, écrits en grec, détrônent progressivement le panthéon olympien.

330 -1200 apr. J.C

Fondateur de Constantinople en 330, l’empereur Constantin met en place les bases du grand Empire byzantin auquel est intégré l'ensemble des îles égéennes et qui, durant quelque onze siècles d’existence, devra affronter maints ennemis. Fer de lance de cet empire, l’Église byzantine – sa rupture avec Rome date de 1054 – est très puissante et ses monastères prospèrent, dont le splendide monastère de Nea Moni, fondé à Chios en 1042. Il faut lutter contre les incursions barbares et pirates en mer : des forteresses sont construites en hauteur, le plus souvent sur les restes d'acropoles antiques, comme au kastro de Skyros, mais, face à l’insécurité permanente, les Sporades et les îles du nord-Égée se vident au cours de cette période plutôt terne pour ces îles.

1200-1500

En 1204, les croisés prennent Constantinople et y fondent un Empire latin qui annonce la déchéance de l’Empire byzantin. Les îles du nord-Égée sont disputées par cet empire affaibli et les puissantes cités latines de Gênes et Venise. De grandes familles génoises et vénitiennes prennent position dans les îles, surtout intéressées par le profit économique qu'elles peuvent tirer de ces îles plutôt que par la domination politique des populations. Elles renforcent des forteresses byzantines préexistantes ou construisent de nouvelles structures de défense pour lutter contre les attaques pirates, byzantines et ottomanes et importent leur savoir-faire en la matière. Cette présence est visible partout dans les îles, et plus particulièrement à Chios, dans les villages de Kampos notamment. En 1453, Constantinople tombe aux mains de l’Empire ottoman qui conquiert progressivement l’ensemble des territoires grecs.

1500-1830

Après la chute du nord-Égée sous les attaques de Soliman le Magnifique, l’ensemble égéen est intégré à l’Empire ottoman. Maîtres pour près de quatre siècles, les Ottomans marquent durablement les îles du nord-Égée : on retrouve la trace des siècles ottomans dans le quartier du kastro, dans la ville de Chios, ou dans les rues de Mytilène, à Lesbos. Dès 1821, certaines îles grecques du nord-Égée participent au mouvement de libération nationale, fortes de leurs flottes historiques. C'est notamment le cas de Chios et Psara qui sont détruites en représailles (1822-24). Alors que la guerre d’indépendance grecque bat son plein, la destinée de l’ensemble nord-égéen va prendre deux chemins distincts : le traité d’Andrinople signé entre l’Empire ottoman d’une part et le Royaume-Uni, la Russie et la France d’autre part garantit l’indépendance d'un nouvel État grec, auquel sont intégrées les Sporades (1830), tandis que les autres îles du nord-Égée sont maintenues hors de Grèce et dans l'Empire ottoman.

Les massacres de Chios et de Psara

Lorsque la guerre d'indépendance est lancée contre l'Empire ottoman en 1821, l'île de Chios est l'une des plus prospères et ses richesses sont convoitées par tous. Pour éviter que l'insurrection ne prenne sur l'île, les dirigeants ottomans sèment la terreur parmi des populations prises en otage. Alerté par la situation des Chiotes, Lykourgos Logothetis, capitaine de Samos, débarque sur l'île pour lui venir en aide et défait provisoirement les forces ottomanes. Mais la réaction ne tarde pas et en avril 1822 les troupes de Nasuhzade Ali Pacha massacrent la population grecque de Chios. Les survivants sont vendus en esclavage et certains arrivent à s'enfuir sur les îles voisines, aidés par les flottes de Psara, Samos, Hydra et Spetses, les flottes les plus riches de Grèce, investies fortement dans l'insurrection. Ce massacre particulièrement violent réveille les consciences européennes : c'est le début du mouvement des Philhellènes qui vont pousser pour aider les insurgés grecs. Le tableau d'Eugène Delacroix, Scènes des massacres de Scio s'inscrit dans ce moment. En représailles, le capitaine psariote Konstantinos Kanaris coule le vaisseau amiral ottoman et poursuit les contre-attaques en mer, notamment par brûlots. Là encore, la réaction ottomane se fait particulièrement rude : en juin-juillet 1824, la flotte ottomane débarque à Psara et détruit l'ensemble de l'île en la canonnant, en massacrant sa population ou en la vendant en esclavage. Elle fut inhabitée pendant des décennies, les survivants libres s'installant en Eubée. Considérée depuis comme île-héros et île-martyre, Psara maintient cette histoire avec fierté.

1830-1920

Les îles de Thrace et du nord-est de l’Égée restent sous domination ottomane pendant plus de 80 ans après la création de la jeune monarchie grecque. C'est une période de prospérité pour l'ensemble des îles : les pirates quittent ces mers, le commerce maritime fructifie ainsi que l'agriculture dans les îles les plus fertiles. Les riches armateurs et commerçants de la région ouvrent des comptoirs de commerce internationaux et leurs navires dominent les mers. Partout, de riches maisons au style néoclassique sont érigées, pour illustrer la richesse grandissante de certaines populations. L’État grec récupère progressivement des terres hellènes : les îles Ioniennes, sous domination britannique, sont rendues à la Grèce en 1862 ; en 1878, la Thessalie et une partie de l’Épire rejoignent le pays. Durant la guerre des Balkans (1912-1913), l’armée grecque commandée par E. Vénizelos regagne la Macédoine, l’ensemble de l’Épire et la Crète. C'est à cette occasion que toutes les îles du nord-Égée sont enfin rattachées à la Grèce. Seul l'archipel du Dodécanèse demeure encore hors de l’État grec.

Eleftherios Vénizelos (1864-1936)

Eleftherios Vénizelos, crétois d’origine, est le fondateur du parti libéral grec. Attaché à l’idée d’une nation hellénique renforcée et agrandie, il œuvre pour que la Grèce s'engage auprès de l'Entente pendant la Première Guerre mondiale, ce qui lui vaudra de nouveaux territoires à la signature des traités de Sèvres et de Lausanne. Il est l'un des plus proéminents Premiers ministres de la Grèce moderne, adulé par de nombreux partisans. Il fera notamment en sorte d'apaiser les relations avec la jeune République turque. Il meurt en exil à Paris en 1936.

Eleftherios Vénizelos © Nenad Nedomacki - Shutterstock.com.jpg

1920-1940

L'entre-deux-guerres est, comme partout en Europe, une période d'instabilité politique chronique pour la Grèce. Elle reçoit la Thrace et Smyrne mais la guerre gréco-turque se poursuit en Asie Mineure. En 1922, les forces grecques sont défaites par l’armée turque qui expulse des flots de réfugiés hors du pays, massacrant les Grecs de Smyrne. C’est la Grande Catastrophe qui donne lieu à un échange de populations entre Turcs musulmans et Grecs chrétiens et à l'arrivée massive de réfugiés sur les côtes du nord-Égée. A Athènes, le coup d’État de 1935 voit le général Metaxas s'attribuer les pleins pouvoirs : c'est le début d'une dictature inspirée de l'Italie fasciste. Alors que la Seconde Guerre mondiale embrase l’Europe, le dictateur grec refuse pourtant de laisser passer les troupes italiennes qui avancent dans la région d’Épire : le « non » prononcé le 28 octobre 1940 marque le basculement de la Grèce dans les nations alliées.

1940-1955

En 1943, les troupes de l’Axe détiennent la mer Égée : le nord-Égée, par sa position stratégique, devient le théâtre de violents bombardements, notamment à Samos. A la fin de la guerre, le traité de Paris rattache l'archipel du Dodécanèse à la Grèce : le pays est enfin unifié dans ses frontières actuelles en mars 1948. Mais il n'est pas au bout de ses souffrances puisque aussitôt commence la guerre civile entre la nouvelle armée grecque et les résistants communistes de l’ELAS. Cette guerre aux conséquences tragiques dure deux ans (1947-1949) et laisse des séquelles qui influencent encore la vie politique du pays aujourd'hui. Avec l'aide des Britanniques qui refusent de voir la Grèce basculer vers un régime communiste, l'armée nationale vainc l'armée communiste dont les partisans, pourtant vainqueurs des nazis, sont exécutés, exilés ou emprisonnés, notamment à Aghios Efstratios et Lemnos, dans des conditions terribles.

1955-1981

A la sortie de la guerre civile, le pays est politiquement instable et doit affronter une situation économique tragique, marquée par l’émigration massive des populations insulaires vers Athènes. C’est dans ce contexte d’instabilité et de changements sociologiques que se produit un coup d’État militaire, en avril 1967. Les colonels procèdent à des arrestations ciblées et à des déportations : le bond en avant vers le progrès doit passer par l’élimination de toute tendance parlementariste. La junte gardera le pouvoir sept longues années, contraignant à l’exil de nombreux intellectuels et opposants. Le 17 novembre 1973, les étudiants de l’École Polytechnique lancent une révolte armée, permettant un retour progressif à la démocratie. La dictature des colonels tombe en 1974, suite à l’invasion de Chypre par la Turquie. Un référendum est aussitôt organisé pour décider du système politique du pays : ce sera une république ! Constantin Caramanlis est élu premier président de la République : respecté par tous et farouchement pro-européen, il sera l'artisan de l'entrée de la Grèce dans la CEE (1981).

17 novembre 1973

La révolte du 17 novembre

Le 17 novembre 1973 est une grande date de l’histoire moderne grecque, commémorée tous les ans avec ferveur. L’insurrection étudiante qui dénonce la dictature des colonels et leurs soutiens américains prend ce jour-là une tournure tragique : la junte envoie un blindé pour évacuer l’Ecole Polytechnique occupée, faisant plusieurs morts et des milliers de blessés. La révolte réveille les consciences et gagne rapidement l’ensemble du pays : c’est le début de la fin de la dictature en Grèce.

1981-2009

Les années 1980 sont marquées par la victoire historique du Parti socialiste (PASOK) d'Andréas Papandréou dont le gouvernement est finalement impliqué dans des scandales politico-économiques. Ceux-ci se poursuivent au cours des années 1990 et 2000, touchant les deux grandes familles politiques qui se partagent le pouvoir en alternance, le PASOK de Papandréou et le parti néo-libéral Nouvelle Démocratie de K. Mitsotakis. Les années 1990 et 2000 sont fastes pour la Grèce qui semble crouler sous l’argent « gratuit » de Bruxelles. Corruption et népotisme battent leur plein alors que le pays rejoint l'Union monétaire européenne en trafiquant ses résultats économiques.

Aujourd'hui

De 2009 à 2019, le pays est confronté à l’une des plus graves crises de son histoire. Cette décennie est marquée par une crise économique massive, l'accumulation de plans d'austérité dont la population est sortie exsangue et une crise humanitaire sans précédent liée à l’arrivée massive de réfugiés sur les côtes grecques. 2019 a marqué le retour des grandes familles politiques en partie responsables de la crise, avec le Parti conservateur Nea Demokratia, après les années du Parti radical de gauche, Syriza. En 2020-2021, la crise sanitaire prive le pays de revenus touristiques devenus essentiels et ralentit la reprise économique. En 2023, de nouvelles élections espèrent surfer sur la vague du redressement : même si l'horizon semble s'éclaircir, le malaise social et politique est profond, sur fond de crise énergétique et d'inflation générale des prix. Il faut prévoir encore quelques années avant d’envisager une réelle reprise.

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