Polissage de diamant © Lucian Coman - Shutterstock.Com.jpg
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Une économie en bonne santé ?

Lorsque le Botswana accède à l’indépendance en 1966, le pays est économiquement peu développé. Classé parmi les nations les plus pauvres du monde, il n’a guère suscité l’intérêt de l’administration britannique, qui a négligé cette partie du continent pendant les quatre-vingt-cinq années de son protectorat. Le pays ne possède alors ni infrastructures ni industries et compte très peu de citoyens qualifiés, éduqués ou formés pour assumer de hautes fonctions. Des productions agricoles aux matériaux de construction, il dépend en outre très étroitement de l’Afrique du Sud pour presque tous ses besoins. Pourtant, un quart de siècle plus tard, grâce à la découverte de diamants sur son territoire, la situation devient bien différente : villes et complexes industriels poussent à la lisière orientale du pays, le niveau de vie de chaque citoyen est brusquement accru et l’économie connaît une croissance spectaculaire. Si le Botswana est dorénavant considéré comme le champion africain de la croissance, il le doit bien sûr en grande partie à sa réelle stabilité politique et à la solidité de sa monnaie, mais surtout à ses ressources premières et à l’ampleur de son cheptel bovin. Avec un PIB par habitant de 7 347,6 US$ en 2021, il fait partie des pays les plus riches du continent. Cependant, bien que les fruits de la croissance soient assez bien répartis et investis, il n’en reste pas moins que près de 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Entre autres, la forte inflation engendrée par la croissance économique place les consommateurs les moins privilégiés en difficulté pour acquérir les biens de première nécessité.

Les diamants, une manne financière éphémère

La découverte de diamants, qui allait déclencher un boom économique au Botswana, se produisit un an et demi seulement après la déclaration de l’indépendance. À la suite de douze années de recherche, les géologues de la société sud-africaine De Beers, leader mondial dans l'exploitation de mines de diamants, trouvèrent en effet le gisement d’Orapa dans le centre du Kalahari et, peu de temps après, celui de Letlhakane, 40 km au sud-est d’Orapa. Les mines furent successivement mises en exploitation en 1971 puis 1975 et entraînèrent un développement soudain des infrastructures locales. Entretemps, en 1972, un autre gisement était découvert dans la vallée de la rivière Naledi, dans le sud du Kalahari. Considérée comme la plus grande mine mise en service depuis cent ans, Jwaneng fut rapidement classée, après son ouverture tardive en 1982, comme le premier site du monde pour la richesse et la qualité de ses gemmes. Elle conduisit le Botswana aux tout premiers rangs mondiaux pour la production en volume de diamants bruts avec, par exemple, une production de 17,35 millions de carats en 1990 et de plus de 20 millions en l’an 2000. Exploités et gérés par la Debswana, une compagnie dont le capital est partagé entre l’État botswanais et De Beers, les trois gisements découverts dans les années 1970 ont permis au Botswana d’être longtemps classé premier producteur mondial de diamants, avant d’être détrôné par la Russie en 2015. Si ce minerai compose environ 75 % du total des exportations et son exploitation produit près d’un tiers du PIB du Botswana, ses réserves ne sont cependant pas éternelles et devraient, au rythme actuel d’exploitation, être épuisées d'ici quarante ans. À Letlhakane, les opérations de la mine à ciel ouvert ont cessé en 2017 et une usine de traitement des résidus a remplacé le travail à la mine, permettant de prolonger la durée de vie de l’exploitation jusqu’en 2043. Les prospections néanmoins continuent, et de nouvelles zones de kimberlite ont été découvertes près de Tsalong et Kukong, ainsi qu’à 150 km au nord de Jwaneng. La mine de Ghaghoo, dont l’exploitation a été lancée en 2014, permet, quant à elle, de tirer entre 200 000 et 220 000 carats à l'année.

L’élevage bovin, un secteur en déclin

Pratiqué depuis plus de deux mille ans au Botswana, l’élevage fait traditionnellement partie intégrante de la culture tswana, la possession du bétail jouant un rôle essentiel dans la société. C’est avant tout un signe extérieur de richesse et de prestige, qui détermine le statut et le pouvoir d’un homme, puis une dot lors des mariages ou encore un cadeau de dédommagement lors de torts causés à autrui. Malgré l’importance sociale accordée au bétail, seuls 55 % des citoyens possèdent des bovins et 5 % des fermiers sont des grands propriétaires terriens qui détiennent la moitié du cheptel national. À l’indépendance, l’exportation de viande fut à la fois la première entreprise du pays et la source principale de devises jusqu’en 1977. Alors que dans les années 1990, près de la moitié du pays était encore utilisée en zones de pâture pour l’élevage, le pays, qui a connu de terribles sécheresses, a perdu près de la moitié de son cheptel en vingt ans. L’agriculture, qui représentait alors plus de 40 % du PIB, a chuté de nos jours à 2,2 %, soutenue en grande majorité par le secteur de l’élevage. Ce dernier, qui n’est pas épargné par le réchauffement climatique, est passé au troisième rang national des entrées de devises et compte pour moins de 4 % des exportations totales du pays. Les principaux importateurs sont l’Union européenne et l’Afrique du Sud, vers lesquels 12 000 à 15 000 t de viande sont exportées par an. La gérante de cette vaste entreprise est la Botswana Meat Commission, société d'État géante créée en 1965 avec l’abattoir de Lobatse. Après une enquête parlementaire menée en 2012, il semblerait que cet organisme souffre de problèmes de gestion importants, poussant certains à s'interroger sur la pertinence d'un tel monopole.

La place du tourisme

Avec près de la moitié de son territoire laissé à l’état naturel, dont environ 20 % est protégé en réserves et parcs nationaux, le pays dispose d’un potentiel touristique absolument exceptionnel. Bien que la répartition des animaux ne soit pas partout la même, certaines régions telles que le delta de l’Okavango, les rives de la rivière Chobe ou encore le Tuli Block recèlent une richesse exceptionnelle, faisant du Botswana une très grande destination de safari. Dans un souci environnemental, le pays a orienté son tourisme vers le luxe, évitant ainsi un tourisme de masse qui aurait un impact désastreux sur ses terres naturelles. Du côté de l’Okavango ou de Chobe par exemple, parcs et réserves ont été divisés en concessions, qui sont louées aux acteurs du tourisme ou de la communauté, pour des durées de dix à vingt ans, permettant ainsi au gouvernement de garder le contrôle sur les terres. Les structures de charme installées possèdent un nombre très limité de lits et proposent des séjours intimes et privilégiés, mais à des prix souvent onéreux. Les normes environnementales y sont toujours plus renforcées, et le gouvernement prévoit le passage obligatoire à l’énergie solaire pour toutes les structures. Il existe aussi des concessions communautaires, aux logements moins luxueux, exploitées par les communautés, ce qui leur génère des revenus communs. Aujourd’hui deuxième source de devises étrangères pour le pays, le tourisme tient une place importante dans l’économie botswanaise, générant près de 10 % des emplois. Toutefois, si le tourisme est une source d'emplois considérable, soulignons que selon les statistiques du Botswana Tourism Board, seulement 10 % des recettes liées à ce secteur ne quittent pas le pays. Les chaînes d'approvisionnement sont largement gérées par des entreprises étrangères, tandis que les réservations à caractère touristique sont pour la grande majorité enregistrées en Afrique du Sud. Cependant, l’investissement des étrangers dans les compagnies touristiques est réglementé et, à qualification similaire, la priorité nationale s’applique pour les guides et les employés des structures touristiques. Le gouvernement rend difficile l’obtention du permis de travail pour les étrangers, qui doivent démontrer que le travail ne pourra pas être effectué par un local.

Les enjeux actuels

Entre sa dépendance aux importations d’Afrique du Sud, sa diversification économique et la lutte contre le sida, le Botswana n’est pas sans défi pour son avenir. La dépendance énergétique et agricole du Botswana vis-à-vis de son grand voisin du sud est une constante historique dans les derniers siècles de l’histoire du pays. Le sol du Botswana est pauvre pour l’agriculture et l’eau y manque partout. Seules environ 1 % des terres sont cultivées et seules 5 % sont considérées comme arables. L’actuel gouvernement cherche pourtant à renforcer la sécurité alimentaire du pays. Avec seulement 2,4 millions d’habitants, la situation pourrait être améliorée. Ainsi, l’accent est mis dans la région nord-est pour produire de manière plus conséquente le sorgho, le maïs, le millet, le blé, les haricots, les bananes et les agrumes dont le pays a besoin. Du point de vue énergétique, là aussi le Botswana dépend de ses voisins pour pallier près de la moitié de ses besoins. Face à la baisse de ses importations et une production insuffisante, le pays a connu de nombreuses coupures de courant ces dernières années mais le gouvernement y voit là l’opportunité de développer les énergies renouvelables. Plusieurs projets sont actuellement examinés dont la construction d’une centrale solaire. En attendant, les panneaux solaires se multiplient dans le pays, sur les toits des maisons et des entreprises. La fin annoncée des richesses du sous-sol place le gouvernement devant une situation inédite depuis l’indépendance. Il faut diversifier l’économie au plus vite, développer les services, assurer une certaine sécurité alimentaire et trouver un remplaçant pour la rentrée de devises étrangères. Malgré le développement d'investissements dans le secteur public et particulièrement dans les infrastructures scolaires, la main-d'œuvre reste insuffisamment qualifiée et le taux de chômage élevé. N'ayant pas d'autre choix, le pays fait appel à une main-d'œuvre étrangère qualifiée.