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Art rupestre

Le Botswana abrite l’un des plus précieux sites d’art rupestre du monde. Au nord-ouest du pays, dans le désert de Kalahari, plus de 4 500 peintures pariétales nous racontent cent millénaires d’histoire. Durant cette longue période, les populations trouvaient refuge parmi les formations de quartzite. Le site de Tsodilo n’est pas surnommé le Louvre du désert sans raison. Il garde gravé dans la pierre la trace de l’évolution des peuples. Peintures mais aussi gravures ou sculptures du siècle passé sont juxtaposées à des œuvres estimées à vingt mille ans. La roche nous parle de l’activité humaine mais aussi de l’évolution des liens qui unissent les hommes à leur environnement. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2001, Tsodilo reste considéré par les populations de la région comme un lieu sacré, habité par des esprits ancestraux. Ainsi, l’histoire continue de s’écrire sur ces parois majestueuses.

Aux côtés des figures humaines, on note une préférence pour le gros gibier : girafe, antilope, zèbre, rhinocéros. Ces dessins couvrant une vaste période, différents styles se côtoient : dessins au trait schématisés pour l’essentiel, rarement polychromes et parfois complétés par des motifs abstraits.

Signalons que les grottes de Savute, à l’est de l’Okavango, révèlent un style similaire, en particulier des girafes associées aux motifs linéaires. Des échanges entre les peuples se sont probablement produits, peut-être à l’occasion de rites intégrant les représentations tracées sur les murs.

L’art rupestre du Botswana est connu par la communauté internationale depuis le milieu du XIXe siècle. Désormais, il s’admire aussi dans les salles des musées. À la frontière du Kalahari, de magnifiques collections d’art pariétal peuvent être visitées au musée McGregor de Kimberley et au musée Vryburg.

Le peuple des San

Dans l’ensemble, l’art pariétal du Botswana est à relier aux pratiques religieuses des San. Toutefois, les fermiers de langue bantoue semblent avoir fait appel à ces artistes pour résoudre leurs problèmes, notamment agricoles comme la sécheresse. Les œuvres pariétales ont vraisemblablement continué de servir aux rites sur de nombreuses générations.

Néanmoins, la plupart des peintures ont été laissées par les San, autrement appelés Bushmen, Bochiman ou « hommes des buissons » par les colons néerlandais. Ce peuple de chasseurs-cueilleurs compte parmi les premiers habitants de l’Afrique australe. Arrivés voilà 45 000 ans, ces nomades ont migré vers le désert du Kalahari. De nos jours, devenus sédentaires, ils vivent sur une terre hostile et subissent un gouvernement non moins inhospitalier. Ils ont pourtant laissé de précieuses traces de la naissance de l’humanité, dans des grottes ou en plein air. Peintes ou gravées, ces représentations ont été préservées parce qu’elles se trouvent justement dans des lieux difficiles d’accès. Leurs peintures sont inestimables pour leur qualité artistique. Ils avaient recours à trois techniques de gravure : piquetage, incision et raclage. Certains chercheurs affirment que ces œuvres avaient le pouvoir de plonger les chamans en état de transe durant les rites. Les représentations animales ne seraient pas de simples expressions du besoin de s’alimenter mais plutôt des symboles. L’antilope serait liée à la puberté des jeunes filles et l’élan aux esprits. Sur d’autres murs, les peintures seraient la représentation de leurs visions, provoquées par les danses rituelles. C’est ce qui explique la présence de créatures hybrides, qui ne seraient autre que des humaines en cours de transformation.

Certains motifs, comme les baleines et les pingouins, suggèrent qu’ils ont été en contact avec d’autres peuples.

Il arrivait également aux San de peindre des scènes quotidiennes réalistes, comme des batailles à cheval contre les colons.

On peut donc affirmer que les premiers artistes du Botswana étaient les San. En outre, ces maîtres de la peinture pariétale ont toujours été d’habiles artisans, combinant bois, cuir et coquilles d’œuf d’autruche dans leurs créations. De nos jours, les peintres bushmen ont développé un style artistique caractéristique. Les compositions colorées, remplies de figures humaines et animales continuent d’évoquer leur relation forte avec la nature. Une galerie du village de D’Kar, le Kuru Art Project situé à une trentaine de kilomètres de Ghanzi, expose des pièces originales contemporaines de ce vénérable peuple.

Une scène active

Le Centre des arts visuels de Thapong est une organisation dirigée par ses membres et située à Gaborone. Créé en 1998, le centre s’attache à promouvoir l’excellence dans les arts visuels. Tous les talents, et même l’avant-garde, trouvent leur place dans cet espace. Tourné vers l’extérieur, le centre encourage les échanges à l’échelle internationale. En plus de son programme d’expositions, le centre d’art de Thapong invite des artistes internationaux en résidence. Ces artistes complètent leur séjour par des ateliers ouverts au public et une exposition en collaboration avec des artistes locaux.

Le musée national du Botswana s’est établi dans le centre de Gaborone. Depuis 1967, ce lieu pluridisciplinaire regroupe la Galerie d’art nationale, la Bibliothèque nationale, la Galerie octogonale ainsi que le jardin botanique qui abrite des sculptures. On peut y voir des peintures réalistes montrant des scènes du quotidien aux côtés de productions novatrices. Ce lieu a la particularité de réunir héritage naturel et héritage culturel. Le musée participe par ailleurs à la préservation du site de Tsodilo. Il est à l’origine d’initiatives remarquables pour toucher les populations rurales, que l’éloignement et la dispersion empêchent d’accéder à la culture. C’est donc le musée qui va à la rencontre de son public, physiquement mais aussi par l’intermédiaire d’une revue. The Zebra’s Voice est largement diffusé auprès des organismes, des écoles et de la population. Le musée fait appel aux fonds privés à travers l’action nommée avec humour « Adoptez un monument ». Il s’agit de sensibiliser les entreprises et les grosses fortunes à participer à l’entretien et à la préservation du patrimoine botswanais.

D’autres villes sont dotées de leur centre de promotion artistique. Le musée Kgosi Sechele I, fondé en 1902, ne célèbre pas seulement pas le célèbre David Livingstone. Des peintures et des photographies de la région de Molepolole et de ses habitants sont également présentées dans ce poste de police réaménagé. Le musée Phuthadikobo de Mochudi expose parmi un panorama de l’artisanat local une collection de photographies qui témoignent de la vie des Bakgatla, signées Isasac Schapera, Duggan Cronin ou Sandy Grant. Pour se familiariser avec la culture de la région d’Okavango, la collection du musée Nhabe de Maun regroupe peintures, artisanat et photographies dans un ancien avant-poste de l’armée britannique.

Street art

Par comparaison avec le monde occidental, le street art émerge lentement au Botswana. La fresque urbaine et le graffiti ont encore un peu de mal à se faire accepter par la population. D’ailleurs, il est interdit de peindre sur des propriétés privées. Mais l’opinion publique évolue à son rythme. La population se surprend à se réconcilier avec ses quartiers par l’intermédiaire du street art. Il faut saluer pour cela des artistes de toutes origines qui sillonnent le continent et diffusent peu à peu la tendance au Botswana. Ainsi, le célèbre graffeur Jace, né au Havre mais établi à la Réunion, a parcouru le pays avec ses bombes de peinture et son Gouzou, son alter ego jaune à la silhouette rondouillarde. À Gaborone, Gouzou se promène sur un éléphant monté sur roulettes d’un côté d’une porte, et de l’autre il se cramponne à l’arrière-train d’une girafe. Loin de chercher le réalisme, Jace peint Gouzou dans des situations qui font sourire les passants et les riverains.

Des projets tels que Arts for Change organisent des ateliers créatifs destinés à la jeunesse sous l’égide d’invités renommés comme Kid Kréol & Boogie, également venus de l’île de la Réunion. Ces programmes ambitionnent d’encourager la jeune génération à faire bon usage de leur créativité en embellissant leurs lieux de vie. Ces dernières années, les fresques pointent timidement le bout de leur nez sur les murs des quartiers. Ces défricheurs sont plus volontiers concentrés à Gaborone. Les artistes urbains Archie Pielsticker et Laone Motseta en ont fait un mode de vie. Dans leur boutique située près du bureau de la Botswana Power Corporation (BPC), ils créent des autocollants inspirés des tags et des graffitis tels ceux qui ornent leurs locaux. Également tatoueurs, ils reçoivent de nombreuses commandes pour embellir les murs de la capitale et des environs. Ce binôme énergique sait qu’il doit acquérir de la crédibilité s’il veut être reconnu en tant qu’artiste. Leur ligne de conduite ? L’art des rues a pour principale ambition de faire le bien. Il n’est pas question de faire l’apologie de la violence mais, bien au contraire, d’aider à se sentir heureux dans sa ville.

Philippe Tallis, plasticien botswanais

Philippe Tallis est né en 1960 au Botswana d'une mère française et d'un père anglais. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour les animaux qui deviendront le thème principal de son œuvre. Formé à l’École des beaux-arts de Paris, il devient graphiste mais fait le choix de se consacrer à la peinture puis à la sculpture. Le pays de son enfance marque l’ensemble de son œuvre. On retrouve la fulgurance du mouvement du monde animal, impératif à la survie, ou encore le rouge de la terre du Botswana. Son coup de pinceau dynamique reproduit autruches, éléphants, girafes, pélicans et éléphants sur le qui-vive. Sa thématique s’oriente naturellement vers la danse, ce qui l’amène à exécuter des performances dans lesquelles il peint sur fond de ballets chorégraphiés par Maurice Béjart ou Carolyn Carlson.
Son travail, récompensé par le trophée pour la Paix décerné par la Fondation Gandhi, s’expose dans le monde entier.